Le Russe oublie facilement les écarts des autres. Sa rudesse est proportionnée à sa capacité d'absolution. Ce qui se passe un jour ne saurait servir de pièce à conviction pour juger le lendemain. La vie sinue, violente et criarde, dangereuse parfois, mais libre de l'atmosphère vicieuse et rentrée de nos clochemerles. L'existence est suffisamment compliquée pour qu'on y ajoute la rancune...
L'irrationnel tisse entre les êtres et les lieux des liens plus solides que les cordons de chair.
La mélancolie est une fleur que j'aime. Elle est un sentiment suranné que les habitants des villes modernes de l'Ouest ont troqué contre l'angoisse.
En Russie, la forêt tend ses branches aux naufragés. Les croquants, les bandits, les coeurs purs, les résistants, ceux qui ne supportent d'obéir qu'aux lois non écrites, gagnent les taigas. Un bois n'a jamais refusé l'asile.
La forêt est une bête. Elle respire. Parfois, au mitan du jour, son épaisseur angoisse. On étouffe, on voudrait de l'air. Le soleil décoche quelques rais fusant dans les sous-bois. Alors les taillis prennent des allures celtiques. La taïga devient monde perdu. On ne serait pas surpris de rencontrer la reine des elfes flanquée de sa suite.
Le feu me tient compagnie. C’est un cher petit ami que je peux faire jaillir de mes doigts chaque jour, un petit dieu bien vivant qui réchauffe l’âme, les saucisses et les mains.
On y croise des moujiks pour qui l’avenir n’existe pas et qui préféreront toujours la vérité d’un verre plein aux illusions des lendemains.
On est pris en stop par des camionneurs qui ont lu Flaubert, on y rencontre des intellectuels qui savent démonter un fusil et les filles, apprêtées comme pour le bal, vous avouent admirer les martyrs de Stalingrad davantage que Britney Spears.
Quiqonque a attendu l'autobus par - 45 °c sait que l'hiver a contribué à repousser les envahisseurs hors de Russie.
En Russie, la forêt tend ses branches aux naufragés. Les croquants, les bandits, les cœurs purs, les résistants, ceux qui ne supportent d'obéir qu'aux lois non écrites, gagnent les taïgas. Un bois n'a jamais refusé l'asile.
A trop analyser, on brise la spontanéité des élans ; à vouloir se connaitre, on s'assèche.