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EAN : 9782266178747
256 pages
Pocket (08/01/2009)
3.83/5   274 notes
Résumé :
" J'irai de l'Aral à la Caspienne. Je gagnerai l'Azerbaïdjan à bord d'un ferry. De Bakou, je cheminerai vers la Turquie par la Géorgie. A pied, à vélo, je ne sais pas encore, mais loyalement, sans propulsion motorisée. Au bout de ma route, j'aurai relié trois mers, abattant le même trajet que celui d'une larme d'or noir de la haute Asie convoyée à travers steppes et monts pour que le monde poursuive sa marche telle. Profitant de cette traversée de terres à haute val... >Voir plus
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sur 274 notes
Sylvain Tesson reprend son vélo et part de Nokous , en Ouzbékistan pour rejoindre Ceyhan en Turquie. Ouzbékistan, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Georgie et Turquie sont au programme. le fil conducteur de ce voyage : Suivre la trace du pétrole (et du gaz) , en suivant les différents pipelines .

On retrouve le style de Sylvain Tesson , très élégant, qui subjugue les premières pages mais peut lasser sur le long terme.
On se demande parfois pourquoi il fait ce trajet à vélo ? L'exploit physique ne devrait il pas être au coeur de cet ouvrage ? Se taper des déserts en plein mois de Juin, traverser des régions en conflit, survivre au grès des rencontres , ne suffisait il pas à un livre ?
Le sportif que j'essaie d'être en a été marri mais Sylvain voit plus loin . Il n'écrit pas pour raconter un road trip à bicyclette, épiphénomène chez ce voyageur.
Alors , il nous narre l'histoire du pétrole et de son impact sur les populations locales , dont la plupart s'échine à cultiver une terre désolée quand coulent des millions un mètre sous terre. Il le fait plutôt bien, de façon érudite, historique , montrant les transformations du paysage, l'enrichissement de certains pays , comme l'Azerbaïdjan, s'appuyant sur des témoignages.
Alors pourquoi trois étoiles , moi qui suis materné au sein de l'Education Nationale et de son crédo de bienveillance?
Sans doute parce que l'auteur , non content de faire du vélo en terre hostile, de nous farcir la tête avec l'or noir, va digresser au fil des pages et s'attaquer à d'autres sujets qui auraient mérité à eux seuls dix huit tomes.
C'est notamment le cas lorsqu'il parle de la femme dans la religion musulmane , pensée évoquée de façon fugace avant son arrivée en Anatolie mais qui prend tout son poids en Turquie.
Il nous dit , comme assez souvent de façon péremptoire :
"L'Islam a institué un formidable système de prestation,mieux rodé que n'importe quelle entreprise d'exploitation capitalistique. Une moitié du genre humain a mis l'autre à son service. Les hommes ont institué une sorte d'esclavage, les services du sexe en plus....Que les hommes abandonnent le privilège de disposer d'un prolétariat féminin corvéable à merci relève de l'utopie."
On a aussi un exposé du conflit caucasien ( livre écrit en 2006) , du conflit kurde .... C'est souvent bien amené , s'évertuant à montrer la haine que se vouent les peuples de cette région sans parti pris. Mais cela fait un livre très très dense qui aborde de multiples thèmes en les clôturant de façon péremptoire .
Rendant de fait la lecture pesante et poussant à moins apprécier l'écriture qui m'avait bluffé.
C'est dommage , parce que comme à son habitude, Sylvain Tesson nous abreuve de formules bien senties, comme celle de l'architecture soviétique dont on ne sait pas trop si elle est encore en construction ou déjà en ruine.

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« Caminante no hay camino, se hace camino al andar » ! (Antonio Machado)
* «Marcheur, il n'y a pas de chemin, le chemin on le trace en marchant»!

Pourquoi Sylvain Tesson aurait, au départ, fait le choix de traverser l'Asie Centrale en 2006, de la mer d'Aral à la mer Caspienne, et de là jusqu'à la mer Méditerranée, suivant les tracés d'oléoducs qui acheminent gaz et pétrole vers les pays occidentaux ? Parce qu'il serait «obsédé par les tubes» et que les «pipelines» le «ravissent» ? Parce qu'étant «sensible à l'esthétique de leur déglingue», il «aime les terres ex-soviétiques» ? Parce qu'il s'était promis lors de périples précédents en Karakalpakie qu'il reviendrait bourlinguer un jour dans ces parages afin de pouvoir enfin traverser les hauts plateaux désertiques de l'Oustiourt, situés entre l'Ouzbékistan et le Kazakhstan?

Optant pour un itinéraire quasi exclusivement en vélo et à pied, «by fair means, loyalement» et «sans propulsion motorisée», pourquoi notre vagabond se préparerait-il ainsi, contre tout bon sens, à prendre la route avec de moyens logistiques aussi stricts en pleine fournaise d'un été qui vient de commencer dans les steppes et dans les déserts d'Asie Centrale? Est-ce parce que il a en tête aussi de pouvoir «réfléchir au mystère de l'énergie», celle bien-sûr extraite des sous-sols pétrolifères, mais également celle, plus ineffable, à l'origine des pensées, des paroles et des actions humaines? «Pétrole et force vitale procèdent du même principe : l'être humain possède un gisement de force que des forages propices peuvent faire jaillir.» Ou, en fin de compte, est-ce tout simplement du fait que le grand oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) construit par un consortium international, projet titanesque dont les investissements nécessaires ont été de l'ordre 17 milliards de dollars et dont Sylvain Tesson voudrait suivre le trajet depuis les rivages de la mer Caspienne, devra être enfin mis en service au cours de cet été 2006?

Est-ce qu'on le saura vraiment ? «En voyage, le premier jour on se demande pourquoi on est parti. Les autres jours, on se demande comment rentrer». Ces questions, comme tant d'autres certainement, devaient le tarauder cette première nuit lorsque il s'était glissé «dans l'étui de (sa) tente tubulaire» où «c'est l'étuve», mais où au moins il était protégé des épeires particulièrement agressives sévissant dans la région! Mais quelle autre solution? Impossible pour notre vagabond de réfléchir autrement, impossible de «poser (son) cul sur une chaise de bois et la tête dans les mains, creuser la question avec la pelle du silence et du temps»!

ELOGE DE L'ENERGIE VAGABONDE est ma première lecture de Sylvain Tesson et donc mon seul point d'observation pour l'instant. Je suis d'emblée séduit par le personnage avec lequel je fais connaissance au travers de ce récit, par ses paradoxes et ses contradictions dont il ne cherche pas spécialement, me semble-t-il, ni à cacher, ni à épancher ou encore moins à justifier. A la fois truculent et sensible, ne cherchant pas particulièrement à être consensuel comme il le siérait à un wanderer romantique, en tout cas ne prenant jamais la tangente quand s'exprime à travers lui une énergie fossile en combustion spontanée... Capable par exemple de lire «La Dame aux Camélias» sous une chaleur digne des forges de Vulcain au bord de la Caspienne, ou encore de regretter le pillage énergétique de la terre mais ne pouvant pas dissimuler, lors de son passage à Bakou, sa réjouissance à faire durer un entretien avec une artiste et à profiter ainsi de la climatisation de l'appartement de cette dernière, alors que la température frôle les 50° degrés dehors... Définitivement, me suis-je dit, connivent, on n'est pas vraiment tout à fait à «Ushuaïa TV» !
Ce n'est pas non plus que je m'identifierais particulièrement à Sylvain Tesson. Nous sommes même très différents à la base ! Je suis quelqu'un, permettez-moi cette petite confidence, pour ainsi dire plus «méandrique» que l'auteur : mon énergie fossile se répandrait davantage en tenant compte d'autres accidents géographiques du relief extérieur à la surface. J'aime pourtant cette différence par rapport à moi ! Et je comprends parfaitement que son personnage puisse en même temps déplaire à d'autres lecteurs.

Séduit aussi, je fus par l'extrême élégance de cette langue recherchée, d'une beauté incisive et par moments condensée en des formules aux tonalités véritablement extatiques, d'un rayonnement qui me semblait frôler parfois l'insolence esthétique ! La transposition ici d'un champ lexical propre à la constitution et à l'exploitation des hydrocarbures sur d'autres formes d'énergie plus abstraites, liées par exemple aux mouvements des corps, aux opérations de l'esprit ou aux vicissitudes des règnes végétal et animal, ainsi que les métaphores, telle par exemple celle, époustouflante, du «monde énergétique des abeilles», ou bien des tournures pour décrire les paysages et/ou le temps qu'il fait, sont toutes d'une économie, d'une justesse, et la plupart du temps d'une beauté à couper littéralement le souffle (le mien, en tout cas !).

En définitif, l'auteur me réjouit aussi quand il avoue en toute sincérité voyager «en vagabond enchanté pour le seul bénéfice de mon âme et la pure jouissance de mon corps : me frotter à la beauté du monde est mon unique raison de lever les ancres». Sylvain Tesson ne voyage pas nécessairement pour aller à la rencontre de «l'autre» (une absurdité, d'après lui, en tant qu'objectif en soi, et qui serait alors comme «visiter des temples» ou «goûter la cuisine » !), ou avec le souci de dénoncer par son témoignage direct le «mal» qui loge dans l'homme, ou encore de promouvoir un «bien» au nom d'un mouvement ou d'une idéologie en particulier, même si un chose, bien-sûr, n'empêche pas forcément l'autre : l'auteur laisse alors , me semble-t-il, plutôt au lecteur le soin d'en tirer ses propres conclusions.
L'invitation que propose Sylvain Tesson, citant aussi Montaigne au passage, consisterait prioritairement à « tenir l'âme en haleine », à réussir à «se mettre en état de reconnaissance devant le cours des choses», à éprouver en soi «l'unité du vivant».
Je suis de la partie, Monsieur Tesson, et tout à fait prêt à repartir en votre compagnie!
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Sylvain Tesson a-t-il le besoin d'écrire, il prend son vélo, ses chaussures de marche et court la planète nettoyer son cerveau des scories de la vie urbaine et en extraire le distillat de ses cogitations. le pédalier de son vélo fait jaillir les réflexions de son esprit comme le chevalet de pompage dont la tête oscille obstinément dans les plaines américaines fait jaillir le pétrole des tréfonds du sous-sol. L'absolu de ses pensées est une encre qui vient abreuver la page blanche du produit de son esprit vagabond.

Un périple de plusieurs milliers de kilomètres le long d'un tube d'acier qui conduit le brut vers le ventre des pétroliers c'est d'abord la solitude propice à la méditation, la chaleur de l'astre source de toute vie, la fatigue, quelques rencontres, mais pas trop pour ne pas distraire de l'objectif, des bouquins piochés ça et là et se nourrir de l'intelligence des autres. le résultat c'est Éloge de l'énergie vagabonde.

Le sujet c'est l'énergie justement sous toutes ses formes mais fossile de préférence en ce siècle d'empuantissement de l'atmosphère. L'assèchement des ressources par une population qui croît à une cadence exponentielle sur une la planète qui reste quant à elle dans ses dimensions originelles. Deux siècles pour consumer ce qui a mis des millions d'années à se constituer. Et après ?

L'après, on y pensera quand la source sera tarie. Qui vivra verra. Parvenu au bout du pipe-line les questions demeurent. Voilà un ouvrage lourd de culpabilisation d'Homo sapiens. Il a éliminé tous ses concurrents. Va-t-il s'éliminer lui-même avec sa frénésie consumériste. Bonne nouvelle l'intelligence survivra nous dit Yuval Noah Harari dans Homo Deus une brève histoire de l'avenir. Mauvaise nouvelle, elle sera artificielle. Sera-t-elle plus lucide quand à sa survie ? Résoudra-t-elle le problème de cette énergie si mal répartie mais qui aura disparu des profondeurs de la croute terrestre ?

Ouvrage lourd de réflexions puisées à coup de pédale pour conclure du bout des lèvres que l'avenir de l'homme sur terre ce serait peut-être la décroissance. Qui commence ?

Ouvrage écrit à la sueur d'un corps qui s'échine par monts et par vaux, par tous temps. Une écriture toujours aussi riche de formules percutantes, de références érudites, d'à propos humanistes, de croyances qui ne croient que ce qu'elles voient. C'est pour cela que Sylvain Tesson va au bout du monde à la vitesse de ses pieds, au mieux de son vélo, pour prendre le temps et le recul d'entrevoir l'avenir que se prépare Homo sapiens. Une philosophie de la sueur, du muscle sec, de l'esprit qui s'ouvre aux espaces infinis. Ni optimiste, ni pessimiste, un constat lucide et si habilement formulé.
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Avant un long voyage, il faut se couper les cheveux. J𠆚urais pu acheter un vélo chinois à Tachkent et le balancer dans la nature en cours de route. le pipelinistan. Il ne passe pas par le haut Karabakh.si! C𠆞st si bien les cartes. Il y en n a pas toujours. Tiflis , ma tante, les timbres voilà a quoi enfant cette région importait. Depuis que Jacques y est allé, j𠆚ime Samarkand et Corto Maltese . Peut être Tamerlan de l’Ouzbékistan. Les kilomètres abattus sont le plus grand trésor qu’un homme peut amasser. J𠆚i aimé l’humanité lors de longues journées passées sans voir âme qui vive. La steppe tapis de mes prières , manteau de mes nuits. L’âme humaine se nourrit de changement ( Bergson). Pedale ! La cuirasse de l’habitude. Les racleurs d’horizons. Alamut de Bartól ,je l 𠆊i. Pédaler fait mal aux fesses Les forêts précèdent les hommes et les déserts leur succèdent ( Chateaubriand ). le safran de leur destin. Kalmoukie russe. Om mani padme oum. Langon. Schorre bien découpe . On ne boit pas 24 mètres avant l𠆚vion. Par son souffle, la steppe inspire l𠆞xtravagance.Mais sa dureté oblige à la rigueur. le grand jeu. La danse du diable devant le chaudron. le grand touran. le baladin du monde occidental est en marche. ( Synge) Je préfère jeter en offrande à mes bois retrouvés. (Junger) La guimauve du jour s’étire dans la réglisse du soir. Pas une femme. Les haillons de l𠆚ube passent déjà à travers la vigne vierge. La volonté de Bilal est le jardinier de son corps. La trière de leur existence ne baisse jamais de rythme. La 1ère tortue touche la lisière de écume. Une vague l𠆚vale. La seconde disparaît. La 3ème aussi. Toutes réussissent à gagner la mer. Les élues vivront 100 ans. L’une des tortues du soir continuera peut être de battre le fond des océans de ses lentes nageoires.
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J'aime beaucoup les livres de Sylvain Tesson. Je suis en phase avec sa façon de lire le monde, sa philosophie de vie, son humour décapant. J'oserai dire, son énergie, dans ce contexte de l'Éloge de l'énergie vagabonde.
Là, comment dire, j'ai eu un peu plus de mal. Dame, l'auteur met les mains dans le cambouis et invite son lecteur à en faire autant, ça craint. Est-ce bien le même écrivain-voyageur que celui des Chemins noirs, qui nous entraîne cette fois-ci le long du pipeline /gazoduc / oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan - BTC pour les intimes - depuis la Mer d'Aral desséchée jusqu'à la Méditerranée polluée, via les paysages industriels post-soviétiques : "là où passent les Rouges reste la rouille" ? Oui, c'est bien le même.
D'abord, il fait ses 1600 et quelques kilomètres sur un vieux vélo ou à pied, dans des conditions extrêmes, avec la même curiosité, le même esprit philosophe et - me semble-t-il - avec un peu plus d'ironie en ce récit. En effet, je peine à imaginer que l'on puisse réellement admirer l'apocalypse industrielle. Et Sylvain Tesson la décrit avec un tel lyrisme que dans ma tête, j'entends résonner l'injonction familiale destinée aux enfants : "quand on n'aime pas quelque chose, faut se forcer".
Ensuite, l'enthousiasme est contagieux et j'ai vaincu mes réticences pour me plonger dans la géopolitique antique et moderne – découvert le thermalisme à base de naphte – la théorie psychophysique de l'énergie selon Maxime Gorki : "toute la matière, engloutie par l'homme, sera transformée par le cerveau en une unique énergie psychique" (on y est presque) – l'univers des sphères de Peter Sloterdijk, philosophe qui professe que l'être humain s'est séparé des animaux en s'enfermant dans des bulles protectrices, mentales ou matérielles.
Enfin, l'auteur témoigne toujours de la même empathie pour le vivant, les arbres, les bêtes, sans oublier l'espèce féminine, dramatiquement invisible dans les pays traversés, femmes soumises à l'obédience patriarcale.
Plongez-vous dans le bain pétrolier selon Sylvain Tesson, vous verrez qu'il peut être soluble dans la bonté et l'amour de la vie, donner l'énergie de faire un pas de côté. Ça vaut mieux qu'enfouir sa tête dans le sable.
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Citations et extraits (142) Voir plus Ajouter une citation
1. Aral
* Pétrole et force vitale procèdent du même principe : l'être humain recèle un gisement d'énergie que des forages propices peuvent faire jaillir.
* J’avais deux solutions pour mener ces réflexions : poser mon cul sur une chaise de bois et, la tête dans les mains, creuser la question avec la pelle du silence et du temps. Ou bien actionner les rouages de mon corps, battre le tapis des steppes, recourir à mes ressources physiques pour tailler la route à travers un univers de prédation des réserves naturelles et nourrir mes interrogations. J’ai parié que le mouvement est le derrick de la pensée. Les idées jailliront mieux sous les pas du vagabond que sous le couvercle de la méditation.

2. Oustiourt
* Je rêvais de l’Oustiourt depuis des années. Le nom seul gonflait d’excitation mes voiles intérieures.
* Sous les ciels délavés, les veines d’acier des oléoducs convoient le sang de la modernité.

3. Steppes kazakhes
* L’énergie déserte les êtres qui connaissent trop bien les recoins du labyrinthe de leur vie, ceux qui n’attendent plus rien des instants à venir et ceux qui, par peur de l’inattendu, s’enferment dans le mur de l’habitude. À chaque tic-tac de l’horloge du temps, les parois leur renvoient l’écho du tic-tac précédent au lieu de leur chanter la musique de l’inconnu ! Reich, le savant fou de l’énergie orgonique parlait de la « cuirasse de l’habitude». Pour avancer dans le couloir du temps, il faut donc choisir son camp en saisissant son arme : soit un bouclier frappé au blason de l’habitude, soit une épée tranchante pour faucher l’obscure lumière de l’imprévisible.
* Le voyage est l’intervalle entre les habitudes de l’homme.

4. Aktau
* La steppe est le rabot des nerfs. Mais quand le soleil en caresse le tapis, elle devient la rampe de lancement de l’inspiration.

7. Azerbaïdjan
* Le soir, pour rattraper ces heures offertes à l’effort, j’écris pendant une ou deux heures dans mon cahier. L’écriture contrairement au raffinage du brut consiste à réduire de la matière au lieu de la libérer. Écrire c’est condenser la vie et la compresser entre les couches du papier. J’ai souvent l’angoisse de la page blanche : aurai-je assez de papier pour décrire tout ce que je vois ?
* La nostalgie est une paresse. Elle autorise à ne pas traquer dans l'époque les raisons de se réjouir. Elle permet de se contenter d'effeuiller les pages des grimoires au lieu d'écrire les propres lignes du temps présent. La nostalgie, fauteuil spongieux qui vous engloutit par le cul, comme si on s'asseyait dans une mangrove. Il est plus facile de cueillir des souvenirs dans le panier du passé que de ramasser les champignons du présent poussés à ses pieds. La nostalgie est un agent désénergétisant. Une suceuse.

8. Caucase géorgien
* Les livres sont des barils de brut. En eux, dort la pensée. Elle est contenue entre les feuilles comme les hydrocarbures entre les strates. Pour se libérer, la force des mots attend le raffinage de la lecture. J’aime les écrivains reliés à la dimension cosmique du monde, avec la voûte du ciel pour buvard.

9. Anatolie
* Le voile est l’étrange aveu d’une panique devant les manifestations de la beauté. Exige-t-on du paon qu’il se rogne les ailes ?

10. Kurdistan
* S’ajoutant à l’épaisseur de la glu atmosphérique, à seize heures, retentit 1’appel du muezzin. Un premier filet de voix tombe du ciel bientôt rejoint par les autres incantations qui naissent une à une de chaque point cardinal. L’écheveau des chants finit par se fondre en une mélopée dissonante. Elle pénètre le crâne comme une coulée de plomb brûlant. Faut-il donc qu’on doute à ce point de la grandeur de Dieu pour devoir la proclamer publiquement, cinq fois dans un seul jour ?
* Tenir le voile pour une nécessaire protection du visage c’est avouer que le regard est sale.
* La fin d’un voyage, cette petite mort. Les voyages comme la vie se terminent toujours abruptement.
* Le voyage est l’intervalle entre les habitudes de l’homme.
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Les écumes caspiennes moussent sur les récifs de l'ile. Je suis partagé entre la fascination et l'écoeurement devant ce déploiement d'énergie. Ici l'homme manifeste à même hauteur son génie et sa voracité. L'extraction du pétrole renvoie aux temps primitifs de la chasse et de la cueillette. Les opérations de forage sont une forme de prédation des ressources naturelles. L'australopithèque farfouillait la charmille en quête de groseilles pour le brouet du soir. L'ingénieur casqué règle sur sa plate-forme la tête de sa suceuse pour mieux crever un batholite récalcitrant. La brute chasseresse et le chasseur de brut oeuvrent au même objectif: se payer sur le dos d'une bête qui s'appelle la Terre. L'équation qui régit l'économie de la caverne et celle de la plate-forme est la même. Si l'effort pour cueillir des baies est supérieur à l'énergie que celles-ci rapporteront au cueilleur, la tribu périclite. Si l'investissement engagé dans l'extraction du baril de brut dépasse son prix de vente, les Majors déclinent. Toute prospérité réside dans la marge.
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Souvent les voyageurs justifient leur départ par leur soif de rencontres. découvrir l'Autre, s'y frotter, le comprendre, l'écouter et l'aimer : motifs des voyages modernes. Serait-ce qu'à la maison, il n'y a personne digne de soi? Serait-ce que l'exotisme confère à l'étranger une valeur suprême? Y aurait-il un rapport entre la profondeur des gens et leur éloignement? Un voyage en des terres désolées, vides de tout être, n'aurait-il pas d'intérêt? [...] "Partir pour rencontrer" entend-on ici et là comme si rencontrer l'autre était équivalent à visiter les temples ou goûter à la cuisine locale. La rencontre est un bonheur fugace, rare, avare de lui-même. Elle survient sur la route. Surtout ne pas aller vers elle! Si elle se décide à venir, alors elle illuminera notre ciel intérieur sans qu'il n'y ait rien à faire.
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Il y a six ou sept ans, j'ai appareillé pour l'océan des steppes. A cheval j'en ai goûté le parfum, appris à en connaître les facettes : alpages propices à la halte ou landes stériles. Pas à pas, j'en ai mesuré l'infinité. Je connais ce bonheur de gagner une yourte après des heures de peine. J'ai éprouvé l'excitation de repartir à l'aube. Il n'y a pas que les chevaux qui piaffent d'impatience devant un horizon. J'ai compris la valeur d'une rencontre lorsque croisant un cavalier, échangeant quelques mots avec lui, je réenfourchais ma solitude, seule compagne fidèle. J'ai appris à reconnaître dans le lointain le filet de fumée d'une yourte et à y lire une promesse. J'ai compris qu'un cheval n'était pas une bête et qu'en selle je n'étais pas seul. J'ai beaucoup parlé aux montures que je chevauchais. Toutes m'ont écouté patiemment, leurs oreilles bien tendues vers l'arrière. Les kilomètres abattus sont le plus grand trésor qu'un homme peut amasser.
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La certitude instinctive qu'on n'est pas voué à une longue vie fouette la volonté de vivre. Ceux qui préfèrent tracer dans le ciel un sillage de comète plutôt que dans le sol un labour de charrue vivent à un haut degré énergétique. (...) Les administrations publiques des pays développés brandissent les chiffres des fortes espérances de vie comme des preuves de progrès et de prospérité. Un jeune Sarmate des temps indo-aryens, lui, grandissait dans l'idée qu'il ne passerait pas trente ans. Dans l'intervalle il lui fallait connaître la guerre, l'amour, la razzia, la paternité et la gloire de la mort dans un galop furieux. Trop parier sur sa survie, c'est rêver sa vie durant à un joli banc de bois, verni par le frottement des pantalons et sur lequel, comme les vieillards de Xanlar, on tuera le peu de temps qui reste en remâchant le souvenir du temps qu'on a perdu à rêver à celui qui allait venir.
Pages 137/138
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