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Critique de Apoapo


Suite du Dictionnaire de la lepénisation des esprits et synthèse d'une décennie de travaux du collectif Les Mots sont importants qui publie ses excellents articles sur le site Internet du même nom, cet essai constitue la maturation de la démarche entreprise par les deux auteurs de produire une critique sociolinguistique du discours politique et médiatique dominant, en ce qu'il comporte de dérives vers des thématiques, une conceptualisation et par conséquent un lexique d'extrême droite en France. En prenant comme archétype littéraire l'idée de la novlangue d'Orwell et comme tuteurs intellectuels Bourdieu dans sa critique des médias et sans doute Chomsky, à la différence du Dictionnaire qui s'attaquait directement (mais de façon plus succincte) à certaines parmi les locutions les plus dangereusement répandues du racisme, sexisme et islamophobie « décomplexés », ce nouvel opus se base sur une analyse de cas et de mécanismes de création du discours plus poussée et plus systématique, répartie sous les sept rubriques suivantes :
- « I. Poupées ventriloques » ou de la relation perverse entre peuple et populisme ;
- « II. La France d'en bas vue d'en haut » ou de la représentation du peuple et de la façon d'en déformer l'optique ;
- « III. Mauvaises langues, mauvais traitements » ou, dans le contenu du discours, de la dialectique réciproque entre représentation et violence ;
- « IV. Deux poids, deux mesures » ou sur la transformation médiatique et linguistique des événements en fonction d'une grille idéologique raciste ;
- « V. Gros concepts » focalisation plus resserrée sur 4 « néoconcepts » : la mixité, le communautarisme, la repentance, la diversité ;
- « VI. Grandes questions » analyse approfondie de phénomènes larges : le racisme, la nature du sarkozysme, la transformation du féminisme en stigmatisation culturaliste, la représentation des banlieues, les dessous de l'identité nationale ;
- « VII. Grosses bites » sur différentes apparitions des métaphores machistes et virilistes dans le discours politique.

Si le premier niveau de cette démarche de déconstruction du discours consiste à l'évidence à se découvrir soi-même atteint des virus du racisme, du sexisme, de l'intolérance anti-égalitaire, alors que l'on s'en sentait dûment immunisé – c'est du moins ce que j'espère pour moi-même ainsi que pour un trop petit 80% de la population française s'étant exprimée le 22 avril dernier… –, l'on peut légitimement se consoler par le second niveau : celui de la découverte des moyens par lesquels cette infection est introduite subrepticement, qui est totalement préméditée par « l'extrême droite plurielle » et inefficacement diagnostiquée par une gauche compromise. le troisième niveau relève alors de la généralisation et de la (re)politisation :
« Au terme de dix ans de travail critique, si l'on doit caractériser à grands traits la langue des maîtres, on peut dire qu'elle repose sur […] : euphémisation de la violence des dominants (Etat, patronat, pression sociale masculiniste, hétérosexiste et blanco-centriste), et hyperbolisation de la violence des dominé-e-s. Un double mouvement qui structure l'essentiel du discours et du commentaire politiques, mais qui déteint aussi largement sur la parole prétendument factuelle des journalistes d'information. » (p. 273)

Cit. choisie pour mon propre usage, sur la question de l'autodéfinition identitaire :
« C'est cette économie des besoins narcissiques qui surdétermine les choix identitaires : ce qui exacerbe par exemple le repli sur une appartenance familiale, religieuse, d'origine ou de quartier (ou parfois même sur une identité nationale !), c'est souvent le fait que la sphère professionnelle, l'espace social et la communauté politique sont des appartenances impossibles, dont on est en permanence exclu-e ou inclus-e à des places subalternes et humiliantes. » (p. 244)
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