David décida d'éteindre le poste et de déjeuner dans le calme avant de rejoindre le commissariat. Il regarda par la fenêtre. Il lui semblait que le ciel avait disparu sous un épais manteau de grisaille anthracite. Le vent continuait à souffler des bourrasques sporadiques et violentes. Entre deux rafales, les sons paraissaient absorbés, feutrés. L'horizon était tout aussi bouché et incertain que cette enquête : une ordure telle que Mazoyer avait offert tant de mobiles possibles à son meurtre, les menteurs et les manipulateurs étaient légion, même la parole des serviteurs de Dieu n'était plus sûre. S'il était persuadé de ne jamais conclure cette enquête, David commençait à douter que quiconque y parvienne. Il partit de cette maison qu'il ne détestait plus désormais tant elle lui était devenue indifférente depuis l'appel de Prudence. !il sillonna les rues désertes et entra dans un commissariat dont l'effervescence tranchait avec le calme morbide du monde extérieur. Le voyant arriver, Paluire fonça sur lui en tendant une feuille.
Il la regarda rentrer dans leur maison avant de partir à l’église comme tous les matins. Virginie n’était pas réapparue et n’avait toujours pas conduit « l’abruti
malsain » à l’école. Il ne faisait aucun doute que l’entrevue des deux femmes n’était pas fortuite. Il devenait urgent de précipiter les événements avant que cette petite fouine de Krakoviak ne vienne fourrer son nez dans la vie de sa mère et perturber ses plans.
Pascal, impénétrable, conclut cette discussion qui ne menait à rien une fois de plus.
« Avant d’être ton fils, je suis le chef de cette famille tout comme mon père l’a été avant moi ! »
Madeleine planta ses yeux humides dans ceux de son fils puis s’adressa à lui en l’implorant :
« Réfléchis ! Je t’en prie ! Il n’est pas encore trop tard pour éviter de tout détruire. Je suis ta mère… »
– Je refuse de quitter cette ville ! » s’étouffa Madeleine dans un sanglot.
Pascal la fixa quelques secondes avant de reprendre d’un ton calme, mais inflexible.
« Bientôt, tu ne choisiras plus rien ! »
Désormais, Madeleine se taisait, ses yeux immobiles dévorant les gravillons disséminés sur le sol. Elle tentait de contenir sa colère et son humiliation.
« Tu te vois baignant dans des couches saturées de merde et d’urine ? Tu te vois rivée à un fauteuil en train d’attendre dès ton réveil que la journée se termine ? Et ça jusqu’à la fin !
– Mets-moi où bon te semble, mais je refuse de quitter la ville ! s’entêta Madeleine, blessée.
– Tu sais pertinemment qu’il n’existe qu’une seule maison de retraite ici : celle de la Mine. Tu te vois là bas ? Au milieu d’un établissement tellement bondé que
le personnel n’est pas assez nombreux pour assurer les soins minimums ? »
« Je remplis les conditions pour entrer à la maison de retraite de la Mine ! Ton père a commencé sa carrière en tant que mineur de fond !
– Dans ce mouroir ? cracha Pascal. C’est hors de question que tu y mettes les pieds !
À quelques mètres de lui, Madeleine ne pouvait éviter son fils dont le visage se durcit. Ils étaient seuls désormais. Les mots allaient être cinglants comme ils
l’étaient habituellement, comme ils l’étaient devenus depuis si longtemps, depuis trop de temps ! Elle décida de prendre les devants : (...)
L’attitude ostensiblement malveillante de Pascal décida Virginie à quitter Madeleine afin de rentrer récupérer le cartable du petit. Cet homme important ne les aimait pas. Elle se doutait qu’à tout moment, au moindre prétexte, il n’hésiterait pas à leur faire perdre leur logement.