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Critique de Madame_lit


J'ai décidé d'aborder Contes pour un homme seul d'Yves Thériault (1915-1983). Pourquoi? Yves Thériault semble être le précurseur du fantastique québécois du vingtième siècle avec ce livre publié aux éditions de l'Arbre en 1944. Ce bouquin est composé de 18 contes répartis en trois parties. On pourrait affirmer que les contes de Thériault s'avèrent à la limite du fantastique. Ainsi, Thériault cherche, avec ce recueil, à démystifier la vie à la campagne et à briser ainsi les croyances instaurées par le roman du terroir. Par le biais du fantastique, l'ordre à la campagne est inversé. Ses personnages sont bien campés à la campagne où les gens se connaissent, ont appris à vivre ensemble, travaillent de leurs mains. Mais, dans ce recueil les aspects associés au terroir servent de prétexte pour inverser l'ordre établi et à faire naître le fantastique. On peut penser à des contes comme «La fleur qui faisait un son » ou à «Challu-la-chaîne». Par ailleurs, chez Thériault, le fantastique survient par le biais d'un objet fascinant et qui semble s'animer.

Dans «La fleur qui faisait un son », le Troublé, l'idiot du village, croit entendre une fleur qui produit un son et ce son le séduit, l'apaise. le Troublé tombe amoureux à la fois d'une fleur, des fourmis, d'un soc et d'un sac. Plus encore, le personnage du Troublé semble solliciter les pulsions macabres du lecteur car c'est grâce à ce personnage que l'irrationnel survient dans la vie de tous les jours. Il apparaît comme étant le médiateur entre le quotidien et l'au-delà. Il abolit les frontières entre l'imaginaire et le réel. le Troublé est associé aux pulsions instinctives, à la destruction à l'état pur. le surnaturel surgit à travers ce désir de mort qu'il ressent envers ceux qu'il aime. Il a un immense besoin d'amour mais en même temps, il détruit ce qu'il aime. Comme il le souligne :

«Il faut que je tue ce que j'aime… (p. 23)»

Il aime les fourmis alors il les écrase, il est en amour avec Anette, alors il la tue. L'ambiguïté naît de cet agencement vie-mort. de plus, le lecteur ne sait pas si c'est sa naïveté qui agit comme distorsion du réel.

Le Troublé n'est pas le seul personnage du recueil à ressentir ce besoin de tuer lorsqu'un objet extérieur ensorcelle ou anime les pulsions bestiales. L'objet guide le personnage vers l'inconnu, vers l'interdit. Il lui révèle sa propre folie. Dans «Challu-la-chaîne», Challu découvre une chaîne en marchant. le fantastique semble naître par le biais de la présence d'un vocabulaire relevant du mystérieux. Ce vocabulaire propose une ambiance propice au fantastique (noir, tourbillon d'ombres, néant, infernal, vide). Mais encore, Challu aime trop la chaîne qu'il a trouvée. Cet amour pour l'objet semble engendrer la mort de son épouse. Ainsi, le sentiment pour l'objet participe au réel et a un impact sur le devenir de l'autre. de plus, Challu sera lui-même victime de cet amour pour l'objet car il se jettera dans un lac et perdra ainsi la vie.

Avec Thériault, le lecteur est confronté à un fantastique de l'instinct qui naît dans les forces incontrôlables de l'être humain. Les personnages sont amenés à ressentir une jouissance en tuant. La mort entre en conflit avec la vie, elle s'en empare, elle prend possession des personnages. L'ambigüité relève de cet agencement vie-mort car l'être s'y révèle comme absolu.

J'ai beaucoup apprécié les contes de la première partie. À travers Contes pour un homme seul, Thériault présente des personnages troublés, troublants, primitifs valsant avec le drame. Il sait jouer avec la tension.

Je voulais partager avec vous un peu de fantastique québécois en abordant un recueil d'un grand écrivain.

https://madamelit.ca/2019/10/16/madame-lit-contes-pour-un-homme-seul-dyves-theriault/
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