AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


Makepeace, l'héroïne sans peur ni reproche d'« Au bord du monde », évolue dans un monde post-apocalyptique. Elle est la shérif solitaire d'une grande cité de Sibérie où elle a grandi et dont elle est l'une des uniques survivantes. Ses parents, dans une tentative utopiste d'échapper à l'hystérie consumériste de l'Occident, ont émigré des années plus tôt dans une contrée lointaine et sauvage pour fonder une communauté qui ne survivra pas à l'arrivée ininterrompue de migrants fuyant l'apocalypse.

Sa rencontre avec Ping, une jeune femme chinoise enceinte, puis l'apparition stupéfiante d'un avion survolant la cité maudite en direction du nord vont conduire Makepeace à reprendre espoir et à entamer un long périple semé d'embûches. Au cours de cette interminable expédition, rien ne lui sera épargné, mauvaises rencontres, privations, torture, emprisonnement, mission suicide en zone infestée par la pollution nucléaire, pour ne citer que quelques uns des événements qui jalonnent la quête désespérée de la narratrice au courage aussi immense que les steppes qu'elle va traverser au péril de sa vie.

« Au bord du monde » de Marcel Théroux est un livre à la fois classique et étrange qui mêle le western sibérien avec le roman post-apocalyptique. le monde tel que nous le connaissons a été victime de son hubris et ravagé par un cataclysme mystérieux. Ne subsistent que quelques communautés retournées à l'âge de pierre et conduites par des guides spirituels dont la caractéristique principale est l'hypocrisie. Prisonnière de l'une de ces communautés, l'héroïne au coeur pur et au visage défiguré par la soude que lui ont versée une bande de lâches, fait preuve d'une résilience inouïe. Elle ne perd jamais espoir dans sa quête d'une cité qui aurait été épargnée par l'apocalypse et serait encore en mesure de faire voler des avions vers le grand nord.

Le charme du roman réside dans ce mélange des genres. Si on y retrouve la solitude, la beauté des paysages, le courage des protagonistes propre au western, le retour soudain de l'humanité à une vie tribale guidée par la religion, devenir ultime d'une civilisation ayant atteint une forme de perfection mortifère, dont ne subsistent que des zones infectées par une radio-activité mortelle, renvoie le lecteur aux grands classiques de la dystopie.

Le statut de roman culte d'« Au bord du monde » doit forcément à la beauté de la toundra balayée par une lumière rasante, ainsi qu'à l'interrogation qu'il suscite sur le séisme qui menace une civilisation hypnotisée par sa propre hubris. Et pourtant, l'essentiel est sans doute ailleurs et se niche au creux de l'âme intègre et sauvage de Makepeace, qui ne rend jamais les armes, malgré les épreuves indicibles qu'elle traverse lors de sa quête éperdue d'un monde qui aurait gardé une forme de dignité.
Commenter  J’apprécie          5412



Ont apprécié cette critique (45)voir plus




{* *}