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EAN : 9791041414857
432 pages
Points (12/04/2024)
4.75/5   4 notes
Résumé :
Ce livre est un dialogue entre les deux parts de moi-même : celle que j’exprime publiquement par mon travail ; celle que j’ai toujours gardée pour moi et mes proches.
D’un côté, cet essai de sciences sociales fait la généalogie de MeToo. Trois révolutions du permis et de l’interdit sexuels ont jalonné l’histoire de nos sociétés : l’invention du rapt de séduction au xvie siècle ; l’imposition d’un ordre matrimonial sécularisé en 1804 ; l’égalité de sexe à part... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'ampleur imprévisible du mouvement #MeToo qui, depuis 2017, a acquis une légitimité grandissante à révéler « un immense continent de violences » sexuelles envers les femmes puis envers les garçons au sein de l'Église catholique, convoque la notion problématique du consentement. Dans cet essai remarquable par son étendue et sa profondeur, il apparaît que le consentement est au coeur de l'ordre sexuel socialement institué, qu'il l'est de tout temps mais qu'il a subi trois révolutions impliquant, en France métropolitaine, une périodisation en quatre moments, depuis les premiers siècles du christianisme jusqu'à ce jour, dont le quatrième est encore inachevé, comme nous l'indique #MeToo. En parallèle, Irène Théry adhère personnellement au mouvement en apportant son propre récit d'une agression sexuelle subie à l'âge de 8 ans par un inconnu sur une route peu fréquentée, puis en alternant dans le texte les chapitres théoriques avec quatre interludes « Moi aussi » qui retracent le cheminement de sa pensée sociologique et de son engagement féministe jugés « minoritaires », sans occulter son évolution ni les conflits qu'elle a affrontés dans l'arène publique. Ces aperçus sont particulièrement utiles pour situer l'autrice dans le champ théorique – de façon beaucoup plus succincte et abordable que dans le volume : La Distinction de sexe – ainsi que par rapport à ses contributions à l'avancé du droit en matière de mariage et de filiation pour tous. Enfin, des précisions sont offertes sur ses positions dans les débats d'actualité et les « débats pour demain » concernant la pédocriminalité et l'inceste, relatifs aux ouvrages de Vanessa Springora et Camille Kouchner mais aussi en général sur ce qu'implique dire « Moi aussi », c'est-à-dire sur la dénonciation des crimes sexuels, ses effets sociologiques et ses très modestes conséquences judiciaires.
Sans résumer les contenus des trois premiers moments de l'ordre sexuel (cf. table infra), qui était matrimonial et dont le consentement s'est alterné entre le couple des époux, puis leurs familles, puis de nouveaux les époux mais avec une nette division entre les femmes « honorables » et « déshonorables », une aussi nette asymétrie entre hommes et femmes par rapport à leur sexualité, et enfin sur les avatars de la condamnation de l'homosexualité, il convient peut-être de rappeler les cinq changements majeurs qui caractérisent la nouvelle « civilité sexuelle » qui est en train d'émerger actuellement non sans de nombreuses tensions et dont le risque de la régression n'est jamais exclu, caractérisée par « l'avènement de l'égalité des sexes » :
1. L'émergence d'un nouvel idéal du couple dans le cadre du « démariage », avec intégration progressive de l'homosexualité et en partie des personnes transgenres ;
2. La réhabilitation de la vie sexuelle en soi sans distinction d'« honorabilité » mais comme forme d'épanouissement de la personne par l'interlocution ;
3. La mixité généralisée dans les espaces sociaux comme l'une des formes d'une égalité considérée comme une valeur à laquelle l'on aspire ;
4. La métamorphose de l'opposition hiérarchique de jadis entre une « sexualité masculine de conquête » et une « sexualité féminine de citadelle » vers l'émergence d'une normativité procédurale du consentement entre adultes égaux et autonomes, fondé sur l'idéal de la « conversation érotique », que la relation soit hétérosexuelle ou homosexuelle ;
5. L'émergence d'un nouvel opérateur statutaire de distinction entre le permis et l'interdit fondé sur la « barrière sacrée des âges et des générations ».



Table [et appel des cit.] :

Prologue [cit. 1]

Introduction

Chap. 1 : Mariage chrétien et rapt de séduction. - La première révolution du consentement

Le renoncement à la chair et l'enjeu du consentement
XVIe siècle : la première révolution du consentement [cit. 2]
Les deux figures de la séduction
Rapport à soi, rapport à autrui

Moi aussi 1 : Comment j'ai appris à être minoritaire [cit. 3]

Chap. 2 : Mariage d'amour, hiérarchie des sexes, division des femmes. - La deuxième révolution du consentement

L'invention du mariage civil
La petite famille originelle
La double morale sexuelle
Le principe d'asymétrie entre hommes et femmes [cit. 4]

Moi aussi 2 : Ma grand-mère n'entrait pas dans les cases

Chap. 3 : Se dire oui : couples et sexualités au temps du démariage. - La troisième révolution du consentement [cit. 5]

L'émergence du couple duo
Redéfinition du couple de démariage
Instituer le couple de même sexe [cit. 6]
Changer la définition du mariage
Le nouveau consentement sexuel

Moi aussi 3 : Penser le changement [cit. 7]

Chap. 4 : #MeToo ou ce que « consentir » veut dire. - Vers une nouvelle civilité sexuelle

Qu'est-ce que la civilité sexuelle ?
Une métamorphose majeure de la civilité sexuelle [cit. 8]
#MeToo ou ce que « consentir » veut dire [cit. 9]
Du consentement-contrat au consentement-conversation

Moi aussi 4 : Tant pis pour moi

Chap. 5 : Pédocriminalité et inceste. - Grandeur et misère de la barrière sacrée des âges

Dans les filets du « maître des significations » [cit. 10]
L'interdit statutaire de sexualité entre les âges
Inceste, briser la loi du silence
Grandeur et misère de la barrière sacrée des âges

Conclusion
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critiques presse (1)
Telerama
19 avril 2024
Très subtilement tressé à l’essai savant, un parcours en plusieurs chapitres personnels, dans lesquels la spécialiste du droit, de la parenté et du genre explique comment sa propre vie privée a pu servir de moteur à sa recherche.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
LA SÉDUCTION AGGRAVÉE

On ne peut rien comprendre aux normes sexuelles du XIXe siècle et du début du XXe siècle si, faisant preuve d’anachronisme, on sépare a priori la sexualité de la procréation dans les relations entre hommes et femmes. En effet, la grossesse possible après un rapport sexuel est alors « la » grande question, au cœur du système divisant le permis et l’interdit sexuels. Jamais l’inégalité entre les sexes n’est aussi forte que lorsqu’une naissance non voulue se profile hors du mariage. Dans ce cas, deux situations radicalement opposées se font face selon que l’on est homme ou femme.
L’homme géniteur de l’enfant ne sera en aucun cas amené à admettre sa part dans la procréation et à se reconnaître « père » s’il ne le souhaite pas, il peut donc s’éclipser tranquillement en faisant comme si sa relation sexuelle et procréative à la femme qui a donné naissance à l’enfant n’avait jamais existé. C’est la situation extraordinaire créée par l’article 340 du Code civil qui interdit la recherche en paternité, au motif que de dignes pères et fils de famille pourraient être accusés faussement d’être le géniteur de l’enfant par des dévergondées cherchant à se faire épouser ou à tout le moins à bénéficier de leur argent. Au nom du « mystère à jamais impénétrable de la paternité », et au motif que des femmes peuvent mentir, on institue un principe général d’irresponsabilité masculine dans les relations hétérosexuelles hors mariage.

C’est un immense recul par rapport à la situation dans l’ancienne France où non seulement la procédure en déclaration de paternité était possible, mais où une confiance en la parole féminine s’appuyait sur l’adage voulant qu’une jeune fille ou une jeune femme se découvrant enceinte ne mente pas sur l’auteur de sa grossesse à la veille de risquer sa vie dans les douleurs de l’enfantement et d’affronter peut-être le Jugement dernier. L’article 340 renvoie cette logique au passé, fonde la paternité sur la seule volonté de l’homme, et va ouvrir dès lors de magnifiques carrières de séducteurs, d’agresseurs et parfois de violeurs, à des coqs de village, des maîtres de maison, des patrons d’usine, des employeurs, des boutiquiers, des soldats, des fermiers, des chefs de clinique, des curés, bref à tous les hommes en situation de pouvoir sur une ou plusieurs femmes et qui sont prêts à en profiter.

[suite en commentaire]
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5. « Dès lors, ce qui domine tous les débats de société est l'affrontement éternellement recommencé entre une idéologie progressiste attachée aux droits des individus (désormais sous la forme de la défense de telle ou telle classe identitaire d'individus auparavant discriminés), mais qui disqualifie l'enjeu des institutions communes, et une idéologie traditionaliste attachée très souvent à l'idée d'institution mais assimilant celle-ci au seul modèle napoléonien ou victorien (éventuellement modernisé) et déplorant à hauts cris ce qui se passe comme une choquante destruction des institutions sur les coups de "l'individualisation" et du triomphe du sujet-roi. D'où un écart permanent entre ce qui se passe, en particulier en droit, et qui engage la métamorphose des institutions du monde commun et les affrontements idéologiques qui se développent à la faveur de ces changements, où cet enjeu n'est pas repéré. Pour proposer une analyse synthétique de cette troisième révolution, trois étapes seront nécessaires.
La première, autour des redéfinitions du couple comme manière privilégiée de lier amour et sexualité, montre le lien direct entre métamorphoses du couple hétérosexuel, démariage et reconnaissance du couple homosexuel au sein d'un nouveau pluralisme de la parenté (encore inachevé). […]
La deuxième, sur la notion de "civilité sexuelle", la fin de l'ordre sexuel matrimonial, les nouvelles formes de distinction permis/interdit et le sens de #MeToo, situe la question des violences sexuelles dans le contexte plus large de la remise en cause du principe pluriséculaire de dissymétrie entre une sexualité masculine de conquête et une sexualité féminine de citadelle et de l'élaboration d'une nouvelle civilité sexuelle de consentement.
La troisième, sur la reformulation des rapports entre les âges et les générations par l'institution d'une barrière sacrée des âges devenant la nouvelle pièce maîtresse de l'ordre sexuel, permet de replacer les enjeux de la lutte contre la pédophilie, la pédocriminalité et l'inceste en rapport avec la façon dont la société se doit d'accompagner le mouvement ordinaire d'autonomisation progressive des jeunes sur le plan sexuel. » (pp. 150-152)
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La "civilité sexuelle" est une modalité instituée de la vie sociale qui, à travers des mœurs ordinaires référées aux grandes distinctions/relations de sexe, d'âge et de génération, inscrit la vie sexuelle - bien au-delà de sa dimension potentiellement procréative - dans les priorités d'une société et les valeurs fondamentales d'une culture, tout en la distinguant par des normes spécifiques de décence et d'intimité, dont la contenu varie d'une société à l'autre. En distinguant la gamme du permis, du désirable et du valorisé et celle de l'interdit, du critiqué et du condamné, elle les rapporte à d'autres distinctions en valeur : le beau et le laid, le pur et l'impur, l'honorable et le honteux, le fécond et l'infécond, le sacré et le profane, le moral et le pathologique, etc. Sa plurivocité en fait l'enjeu de tensions et de conflits entre différentes instances normatives qui peuvent se conjuguer mais aussi entrer en conflit.
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10. « Les deux tentations symétriques de la tyrannie et de l'abdication dans les abus sexuels sur mineurs éclairent une dimension complexe de la troisième révolution du consentement : la façon dont, au moment même où la civilité sexuelle entre adultes se réorganisait autour d'une 'normativité procédurale', attentive à construire le consentement mutuel se la séduction (au sens positif de ce qui est séduisant, désormais bien distingué de ce qui est séducteur) dans l'ici et maintenant d'une conversation érotique entre égaux, s'est affirmé au contraire le besoin impérieux d'une 'normativité statutaire' édifiant la barrière sacrée d'un interdit sexuel entre les âges et les générations.
L'impact exceptionnel des livres de Vanessa Springora et de Camille Kouchner ne s'explique pas autrement. L'un et l'autre ont poussé au plus loin, au fil du récit, la réflexion sur le consentement d'une très jeune personne qui non seulement n'avait pas psychologiquement de "liberté de consentir" du fait de sa jeunesse, mais découvre progressivement, en devenant adulte, autre chose : que le consentement d'un mineur ne peut logiquement pas en être un quand ce qui est requis de lui par l'adulte est de contrevenir à la règle sociale la plus élémentaire, celle qui définit le délit et le crime, et cela par la seule force d'un maître des significations qui décide, arbitrairement, que cette règle n'en est pas une. Ils ont en quelque sorte donné à voir à un large public pourquoi l'emprise pédocriminelle fait plus que porter atteinte à l'intégrité de la victime, et porte atteinte à l'institution du sens et au langage lui-même. » (pp. 342-343)
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2. « En 1556, le conflit entre la puissance séculière et la puissance religieuse éclate finalement. Le roi Henri II publie un édit "sur les mariages clandestins" qui exige pour tous les enfants de la famille, de moins de 30 ans pour les garçons et de 25 ans pour les filles, l'autorisation des parents. Sans aller jusqu'à prononcer la nullité de leur union, ce qui aurait violé le monopole de l'Église, il punit d'exhérédation ceux qui se seraient conjoints par mariage "illicitement".
[…]
[Par l'ordonnance de Blois proclamée par Henri III en 1597] On affirme alors qu'à côté du rapt de violence, un autre rapt est possible, le rapt de séduction : la fille séduite "par blandices et allèchement" n'a pas plus de consentement libre que la fille ravie par force. Si elle s'est mariée à la suite de déclarations fallacieuses et des manœuvres dont elle a été victime, son mariage peut donc être déclaré nul pour rapt, c'est-à-dire pour défaut de consentement. L'article 40 de l'ordonnance de Blois interdit aux curés de célébrer des mariages sans le consentement des parents "à peine d'être punis comme fauteurs de crime de rapt" et l'article 41 déclare ces mariages nuls. L'article 42 institue le nouveau crime :
"Voulons que ceux qui auront suborné fils ou filles mineurs de vingt-cinq ans, sous prétexte de mariage ou autrement, soient punis de mort sans espérance de grâce ou de pardon, nonobstant tous consentements que lesdits mineurs pourraient avoir donné au rapt, lors d'icelui ou auparavant." » (pp. 60-62)
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Vidéo de Irène Théry
Irène Théry vous présente son ouvrage "Moi aussi : la nouvelle civilité sexuelle" aux éditions Seuil. Rentrée Sciences Humaines automne 2022.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2648370/irene-thery-moi-aussi-la-nouvelle-civilite-sexuelle
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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