Un grand merci à Babelio et aux éditions Buchet- Chastel pour l' envoi de cet ouvrage dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée , une erreur en fait, puisque le livre annoncé n'était pas du tout celui - ci .Qu'à cela ne tienne, recevoir un ouvrage est toujours un moment délicieux et , quand on aime lire , peu importe le titre .
Ce livre , en réalité, c'est tout d'abord une très belle évocation de la Ville Lumière dans ses traditions , son histoire , ses transformations incessantes , l'évocation de tous les rêves , illusions ou désillusions qu'elle a pu susciter dans la vie monotone et sans relief de nombre de provinciaux exilés , en mal de reconnaissance et de liberté. Et il est beau le parcours de découverte de ce jeune pris dans les tentacules implacables de la capitale , unique au monde à ses yeux . Et c'est un ravissement de se glisser dans les pas de ce jeune visiteur , de " vivre " les quartiers les plus traditionnels , ceux des touristes , certes , mais aussi et surtout ceux des autochtones . Que d'images , désuètes sans doute , mais sublimes , en noir et blanc , que d'airs mondialement connus surgissent de cette très poétique première partie . C'est extraordinaire et l'on se dit que si l'ambiance reste la même jusqu'à la fin , on aura vécu un pur moment de bonheur . Une émotion .La ville , dans ses transformations , la nostalgie d'une époque révolue pour l'homme de passage ...Oui , si la ville se transforme , l'homme , lui vieillit et la seconde partie du livre , moins" sublimée " tombe dans trop de clichés et le charme n'agit plus , la flamme s'éteint et .....L'écriture reste belle et poétique mais ne suffit plus à sublimer la banalité de l'évocation . La toile de fond s'affaisse , on reste là bras ballants , incapable de partager avec le narrateur une once de compassion . Sa vie , ses amours , le sexe , avec pudeur mais sans grand relief....Lui - même semble peiner à retrouver ses esprits , emporté par un flot plus rapide que lui ...
Un témoignage , le témoignage d'une jeunesse perdue dans une ville extraordinaire , une simple vie dans une ville éternelle un beau retour sur une jeunesse perdue....
" Toi Paris , tu m'as pris dans tes bras ."
Un livre qui mérite respect et intérêt mais ne donne pas forcément envie de " monter dans la Capitale " .
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N° 1439 - Mars 2020.
Les rues bleues – Julien Thèves – Buchet-Chastel.
Je remercie les éditions Buchet-Chastel de m'avoir fait parvenir ce roman.
Paris, nous le savons, est une ville merveilleuse, mythique et fascinante qui depuis toujours a attiré les hommes et les femmes du monde entier. L'auteur, un jeune homme de province, fuit sa famille pour venir y faire ses études parce que c'est prestigieux d'être étudiant ici. En même temps il va au-devant de lui-même, de sa connaissance intime, de sa liberté mais rencontre aussi la solitude, sa propre homosexualité, la drogue… Il narre cela dans une sorte de journal de bord rédigé entre les années 1989 et 2018 où il mêle le passé au présent évoquant pêle-mêle le minitel, la mode, la gay-pride, le sida, la coupe du monde 1998, les manifestations, les grèves, les élections présidentielles, les SDF, internet, les réseaux sociaux, les attentats, les migrants, les bobos, les gilets jaunes ... C'est pour lui une découverte de chaque jour, au départ dans un contexte estudiantin et donc un peu bohème, mais avec une volonté de s'approprier cette ville, de devenir parisien. La tentation de l'écriture est là aussi, comme une fascination ou un fantasme ! Puis, avec la trentaine, l'ancien étudiant doit bien entrer dans le monde du travail, mais en free-lance à cause de la liberté à laquelle il tient. L'auteur est à sa manière « un piéton de Paris » qui profite de l'instant, ne voit pas vraiment le temps passer mais compte ses amis morts et songe un peu à l'avenir…
C'est un récit idyllique, un parcours insouciant, une révélation pour lui qui est bien différente de l'itinéraire de bien d'autres personnes qui ont été tenues de venir y vivre, « de monter à Paris » pour y trouver un travail de plus en plus absent en province, mais ils habiteront dans les banlieues parce que Paris intra-muros leur sera interdit et ils ne pourront profiter pleinement de l'aspect culturel et festif de cette cité.
Portant sur trois décennies, ce roman qui se lit rapidement instille de la nostalgie, c'est une visite de Paris à travers le temps et l'espace, avec en contrechamp la vieillesse qui s'installe et qui rend les rues petit à petit un peu moins bleues.
©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite.comN° 1423 - Janvier 2020.
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Ici, il semblait que le ciel bleu fût un miracle, une révélation. Le ciel était peint en gris, on ne voyait pas la forme des nuages, on ne voyait qu’un aplat gris, immense, recouvrant toute la voûte céleste qui semblait ici comme écrasée, passée au gris pâle, abstraite, sans forme, sans immensité, juste un drap gris tiré au‐dessus de nos têtes, reflétant les couleurs des toits et des murs, du bitume.
"Nous changeons plus vite que la ville, nous vivrons si peu de temps."
"Que ça n'a rien d'original, de spécial - de faire ça : aller voir un psy."
"Bien plus que les images, ce sont les mots qui s'inscrivent, qui se gravent dans ma peau. Les images vues mille fois sont passées, dévitalisées."
"Après tout, les années de notre trentaine sont nos années, celles où. tout était encore possible - même si cela ne veut rien dire, que tout peut changer d'un instant à l'autre, qu'on ne décide rien, que nous sommes déterminés."
Ma chambre sentait le renfermé, ma vie n'était pas encore aérée.
Paris est à nous, plus que jamais, cela valait le coup d’y vivre, d’attendre, de ne pas se décourager, elle nous a tant apporté, la ville.