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Citations sur Les Maisons vides (26)

Alors Gabrielle déshabille le petit frère et le glisse dans les bras de la mémé. Les voici, la vieille espagnole et le petit frère de dix-huit mois babillant, là tous les deux, blottis l'un contre l'autre dans l'eau claire, l'enfant dans son éclatante jeunesse avec sa peau rosée qui repose sur la poitrine distendue, au creux des bras veinés. Ils sont tournés l'un vers l'autre badins, sourire radieux du petit Jean, joues rondes, incisives flambantes, à peine poussées, sous le regard voilé de la Maria - sourire partiellement évidé comme celui du petit frère. Gabrielle observe l'enfant et la mémé, la vieille peau molle, les réseaux de veines qui saillent sous la peau, les poils filasse presque inexistants au bas du ventre ; et par contraste cette fraîcheur hallucinante du petit frère. Son sexe d'oisillon fait rire sa mère et tout le monde. Il bat des mains dans l'eau, enfant de lumière posé contre le sein antique d'une madone nue. (p.232)
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Derrière la vitre, contre le ciel de septembre, se dressent les montagnes de la fin de l’été, crocs noirs et nus. Dans le blanc uniforme de la chambre, la fenêtre semble un tableau immobile, comme peint à même le mur, ne serait la lumière de midi qui découpe l’air en faisceaux jaunes.
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Par une nuit aux étoiles claires, Gabrielle court à travers champs. Elle court, je crois, sans penser ni faiblir, court vers la ferme, la chambre, le lit, s'élance minuscule vers un labyrinthe de maïs, poussée par le besoin soudain de voir, d'être sûre. Gabrielle sait qu'il est trop tard - ses paumes meurtries le lui rappellent-, pourtant elle court, de toute la vigueur de ses treize ans.
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Maintenant entre les murs de l’hôpital, demi de mêlée sur le banc de touche, Peyo attend la sanction d’un arbitre aux règles inconnues. Rentrer ainsi les épaules, contracter la nuque, regarder l’adversaire en face : la seule méthode qu’il ait jamais apprise pour encaisser les coups.
Une petite stagiaire timidement s’avance, armée d’un bracelet de naissance et d’un marqueur indélébile.
– Et pour le prénom, vous y avez réfléchi ?
Peyo la regarde. Il ne s’est jamais posé la question, jamais vraiment. Jusqu’à tout à l’heure, l’idée d’avoir un enfant n’était que théorique – alors un enfant réel, qu’il aurait en plus le pouvoir exorbitant de nommer… Peyo reste silencieux et la petite stagiaire, mal à l’aise, s’enfuit.
Plus tard le médecin de garde, en enlevant sa blouse, annonce que rien n’est sûr encore mais l’espoir est bon, même si petite – petite comme ça on n’a jamais vu, mais on fait au mieux. Grâce aux progrès de la science, on a isolé une molécule qui permettra l’achèvement des poumons.
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Les araignées reviennent juste après le coup de téléphone de Jacquie, aux premiers froids de l'automne. Gabrielle les accueille sans surprise: elle savait au fond d'elle que sa puberté spectaculaire n'était qu'un répit.
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Laisser au clown l’émerveillement. Laisser au clown la détresse. Laisser au clown l’impatience. C’est la première chose que j’ai apprise : le nez protège. On – Off. Avec son nez, le clown est clown. Sans son nez, le clown n’est plus clown. Laisser au clown l’impatience.
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Il a depuis toujours l'idée que, dans les familles de campagne, on s'occupe soi-même de ses vieux. Ici on naît et on meurt dans les mêmes lieux, les mêmes odeurs, ici on n'envoie pas ses parents agoniser dans des lits inconnus.
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Il faut plusieurs mois à Raphaël pour s’apercevoir que Gabrielle maigrit ; les parents quant à eux ne s’en rendent pas compte. Suzanne a découvert, en fouillant le téléphone de son mari, des textos érotiques échangés l’année précédente avec la femme du trésorier. Ils datent d’une époque a priori révolue, d’avant le drame des assiettes qui volent. Depuis, Peyo a renouvelé ses promesses et Suzanne le croit. Mais il a conservé ces messages, et c’est insupportable. Il devait faire table rase. La mère en veut à Peyo, moins d’avoir archivé la conversation que de l’avoir trop mal cachée ; surtout, elle lui en veut pour son cœur qui désormais accélère au moindre retard, pour ses mains moites dès qu’il consulte son téléphone, pour les nœuds dans son ventre pendant l’amour, elle lui en veut pour cette angoisse suffocante qui la pousse à fouiller et en fouillant à trouver, et se blesser encore. Suzanne cherche sa douleur avec l’obstination d’une enfant qui appuie sur un bleu, ne s’avoue pas que les messages découverts sont un prétexte à sa rancune. Au fond, elle ne pardonne pas à Peyo d’avoir fait d’elle une femme jalouse. L’idée du divorce commence à faire son chemin, à peine modérée par l’âge du petit Jean.
 
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Avec les années la María a moulé ses gammes à cette église. Sa voix tutoie les colombes sculptées dans la voûte de la sacristie, niche dans les arcs gothiques de la croisée, se déploie en ailes ouvertes sous les arcs-boutants. Mais, avec les années, la María a aussi pris de l’âge. Subrepticement, les muscles qui tendent ses cordes vocales se sont atrophiés.
Au beau milieu du chant d’entrée, la vieillesse la rattrape. Sa voix déraille à la reprise du troisième couplet, au changement de registre. C’est sa première fausse note. La Vierge sursaute avant de sourire avec indulgence, tandis que la mémé poursuit son hommage sans faiblir, de cette voix qui soudain n’est plus la sienne. Elle n’a pas envie de se taire, la María, elle continue de s’époumoner allègrement ; mais, à l’intérieur, je crois qu’elle sait que la mort vient de lui tapoter la gorge.
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Le papy a parlé gravement, les yeux rivés sur les gestes de Gabrielle. Georges a l’habitude de mâcher son silence comme une chique. Les mots dans sa bouche pèsent plus lourd qu’aux autres.
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