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sur 181 notes
Il est rare de lire un premier roman aussi abouti, j'ai été totalement cueillie par sa sensibilité énergisante qui donne à ressentir, vivre chacune de ses pages.

Dès le premier chapitre, Laurine Thizy déploie un univers singulier qui surprend et magnétise l'attention : une jeune fille de treize ans qui court en pleine nuit dans un champ de maïs, les paumes « cautérisées par les broderies d'un coussin », avant de s'endormir contre le corps de son arrière-grand-mère qui vient de mourir, sous le regard d'une statue de plâtre de la Vierge « désormais muette ». On ne lâchera jamais Gabrielle, adolescente effrontée à la fois conquérante et fragile, animée d'une urgente vitalité depuis sa naissance de très grande prématurée.

Laurine Thizy a construit admirablement son roman, comme un thriller, le nourrissant de mystère et de questions : pourquoi Gabrielle court-elle cette nuit-là ? quel terrible secret cache-t-elle ? celui qui a tout fait basculer ? Qui est le narrateur qui l'appelle affectueusement « ma Gabrielle » mais semble si peu sûr avec ces « je crois », « j'imagine », « je pense » ?

Le suspense est maintenu jusqu'à la fin, jusqu'à un dernier chapitre à la révélation déchirante et tellement éclairante que j'ai juste eu envie de lire à nouveau le roman pour éclairer les subtilités de l'intrigue qui conduisait à elle. Cette histoire construite en boucle est vraiment très puissante, sa force renforcée par une narration à la discrétion ingénieuse.

Les Maison vides est en fait un roman initiatique centré sur le superbe personnage de Gabrielle en pleine épreuve, plus largement une histoire intergénérationnelle entre une adolescente et son arrière-grand-mère qui partagent tant, des yeux verts au caractère rebelle. Et dans ce récit, les personnages sont incroyablement incarnés.

Le travail de l'auteure à décrire les corps est omniprésent : le corps du prématuré qui se bat pour survivre, le corps qui se transforme étrangement à l'adolescence, le corps qui souffre lors d'exigeants entrainements de GRS, le corps qui subit l'asthme, le corps qui s'abime sous le poids de la culpabilité, le corps qui vieillit puis agonise. le corps qui dit la vérité de l'être, la plus profonde, la plus crue, une vérité tellement criante que personne ne la voit telle qu'elle est au départ, lecteur compris. Les mots de l'auteur ont la grande qualité de ne jamais expliquer ce que font les personnages ou pourquoi ils ressentent ainsi, elle donne à voir par la description ciselée de ces corps contraints.

Et puis, il y a ces formidables embardées surnaturelles, décalées, inquiétantes autour des araignées que crachent Gabrielle mais qu'elle seule voit, comme en écho aux nénuphars de Chloé dans L'Ecume des jours. Elles apportent beaucoup au roman en le teintant de singularité.

« Depuis qu'elle s'impose ce strict régime, Gabrielle constate que les araignées ne s'affaiblissent pas. Au contraire, il semble même qu'elles sont plus grosses, plus velues, qu'elles lui chatouillent la gorge plus souvent qu'auparavant. Parfois, elles restent tranquilles pendant des jours, des semaines. Parfois, des quintes de toux grasse amènent dans ses glaires des spécimens particulièrement dodus. La taille des araignées varie, leur couleur à peine. Leur corps est d'un noir lisse, brillant comme un éclat d'obsidienne, les pattes sont courtes, étrangement courtes si on les compare à l'abdomen enflé, imposant. de minuscules poils noirs saillent autour des mandibules, les yeux son invisibles, noyés dans la pénombre de la tête ; mais Gabrielle les devine, horrifiée. Elle les imagine blancs ou rouges, luisants dans l'obscurité, et l'idée que de tels monstres habitent son corps lui fait horreur. Elle écrase les bêtes entre le pouce et l'index, sent la carapace exploser sous ses doigts, se hâte alors de les jeter ; tire la chasse, se lave les mains au savon et à l'eau brûlante. de temps en temps un fil de soie lui reste coincé dans la gorge, comme parfois ses propres cheveux, qu'elle enroule autour de l'index pour le retirer. Pour cette raison, Gabrielle n'embrasse presque jamais Raph avec la langue. Elle redoute par-dessus tout qu'un pan de toile se noue à leurs bouches unies, les ligote comme une proie. Elle a dans la tête des images de cocon de soie et de langues prisonnières, dévorées. »

Coup de coeur pour ce remarquable roman sur la perte de l'innocence et le passage à l'âge adulte.

Lu dans le cadre de la sélection 2022 des 68 Premières fois #7
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Gabrielle a treize ans et doit se rendre à l'évidence : son arrière-grand-mère est bien morte et ne reviendra plus. Entre l'adolescente et la vieille femme dont les trajectoires, ascendante et descendante, ont cheminé un peu plus d'une décennie de concert, le lien a toujours été fort. Bébé prématuré à la survie incertaine, puis petite gymnaste douée en passe aujourd'hui de devenir femme, Gabrielle n'a jamais cessé de faire preuve d'un caractère bien trempé. Tout comme son aïeule, Maria, débarquée autrefois de l'Espagne franquiste avec pour seul bagage son inflexible volonté. Lorsque Maria rend son dernier souffle, c'est la vie de Gabrielle qui bascule.


Ouvert sur la mort de Maria, le récit reconstitue ensuite le parcours du combattant qu'a été dès le premier instant la vie de Gabrielle. Précipitée trois mois avant terme dans une existence à laquelle elle s'accroche contre toute attente, longtemps chétive malgré une pratique intensive de la gymnastique artistique, elle grandit au sein d'une famille rassemblant quatre générations avec son lot de rancunes et de frictions, dans une campagne présidée par une Ville Rose, où les hommes vénèrent le rugby et la chasse à la palombe, autant que les femmes la Vierge Marie de la Ville de la Grotte.


Encore et toujours, en délicats pointillés, se précise à travers Gabrielle la silhouette tutélaire de l'antique octogénaire, bientôt nonagénaire de plus en plus fragile, si touchante dans la simplicité sincère et impétueuse de son attachement pour son arrière-petite-fille. Sans doute a-t-elle reconnu la dureté de sa propre trajectoire dans le combat éperdu de la nouvelle-née pour sa vie, puis dans les efforts de la gamine pour compenser sa différence malingre. Entre ces deux-là, c'est une question de complicité et de solidarité à toute épreuve, commencée dès le premier âge de l'une, terminée dans les derniers jours de l'autre.


Alors l'émotion est immanquablement au rendez-vous, surtout lorsque la narration, menée par une voix dont on perçoit toute la tendresse en se demandant longtemps à qui elle peut bien appartenir, nous conduit enfin à comprendre ce que cache la conduite de plus en plus troublée de Gabrielle depuis la disparition de son aïeule. Car l'adolescente s'enfonce dans un malaise de plus en plus palpable, aux très curieux et inquiétants symptômes. Et l'on s'inquiète et s'interroge d'autant plus que dans le récit se glissent, de loin en loin, quelques saynètes de clowns s'évertuant à ramener le sourire sur le visage d'enfants malades et hospitalisés.


Et comme, pris par le coeur par les personnages autant que captivé par le fil du récit, le lecteur se retrouve aussi sous le charme d'une plume admirablement ciselée, c'est un très grand coup de coeur que lui réserve ce premier roman, révélateur d'un talent en tout point prometteur.

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Dès les premières phrases, le récit intrigue. Une jeune fille s'attarde auprès du corps de sa défunte grand-mère.Quelques détails interrogent, et pourtant, relu après avoir tourné la dernière page, ce prologue contient en filigrane tout ce que l'on apprendra peu à peu au fil du roman.
Les époques s'entremêlent, évocation des racines, naissance trop précoce, dons du ciel pour une survivante, famille aussi aimante que vorace…

Alors que viennent faire ces deux clowns, qui parcourent les couloirs d'un hôpital pédiatrique, récompensés par le sourire retrouvé ?

C'est avec retenue et finesse que le portrait de Gabrielle s'étaye au fil des chapitres. L'enfant précaire s'épanouit, avec grâce et compétence, mais un drame, qu'elle porte au plus profond d'elle-même mine ses jours et ses nuits, alors que des araignées velues l'envahissent.

La construction est superbe, laissant le mystère bien à l'abri derrière les pièces du puzzle qui trouvent lentement leur place. Beaucoup d'émotions et d'empathie pour cette enfant si prompte à se sacrifier, pour une performance, pour sa famille, ou pour porter la voix des générations de femmes qui l'ont précédée et ont fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui.

Un premier roman remarquable.
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Je suis le loir qui furète dans la charpente au-dessus de la chambre de Gabrielle. Elle ne me voit pas, mais elle m'entend, je fais un boucan du diable, il me plaît de ne pas la laisser s'endormir le soir.
D'ailleurs, je sais que Gabrielle se sert de moi comme prétexte pour justifier ses yeux cernés.
Malgré ses treize ans Gabrielle porte de lourds secrets, elle ressort la nuit comme une chauve-souris pour aller sur la tombe de son arrière-grand-mère dans le cimetière. Elle se faufile, menue et tremblante dans le froid.
Mais, ne vous y fiez pas, Gabrielle est une forte tête, et au moment où elle l'aura décidé, sa jeunesse et sa beauté vont éclater à la figure de cette famille qui ne sait pas qui elle est. Gabrielle va se dresser devant elle, et ses yeux verts, son port de tête de danseuse, son dos cambré, ses formes naissantes vont bientôt aimanter le regard des hommes.
Gabrielle n'a pas peur du combat, du corps-à-corps, d'ailleurs sa première lutte elle l'a livrée à peine sortie du ventre maternel, seule contre tous, dans sa couveuse, pour sa survie, loin de l'amour et de tendres peau à peau.
Roman sur l'adolescence, les relations avec le corps, tantôt soumis par la gymnastique ou l'anorexie, tantôt corps rebelle lorsque la toux empêche de respirer. Toux, glaires noires, semblables à des araignées qui encombrent la trachée, fils de soie qui cousent la bouche. Mais aussi corps flétri, fatigué, usé, parsemé de taches et de veines de l'arrière-grand-mère.
Un livre étrange, déroutant, très maîtrisé en une boucle parfaite, qui flirte à la lisière du rêve et du cauchemar. Je suis cependant restée un peu sur ma réserve du fait de quelques longueurs, et du procédé narratif par un personnage dont l'identité ne nous est dévoilée qu'à la toute fin. Ce procédé est certes original mais il m'a mis à distance des tourments de Gabrielle.
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Curieux roman qui pousse le lecteur au questionnement permanent : qui est ce narrateur qui emploie de temps à autre la première personne du singulier ? Que fait cette enfant près d'une aïeule morte dès le début du roman ? Qui sont tous ces personnages rencontrés au cours du roman. Fort heureusement ils nous seront présentés et on comprendra que se succèdent pour converger ensuite, les épisodes de la vie de Gabrielle : Gabrielle, bébé né prématurément, Gabrielle, jeune fille et gymnaste pleine de vie, Gabrielle singulière adolescente secrète et dévouée aux siens, Gabrielle qui porte et subit sa prématurité.

Un récit riche par les sujets abordés : la prématurité et la délicate mission confiée aux parents qui rentre avec un bébé qui a terminé sa maturation en couveuse, la maladie de l'enfant délicatement amenée par la présence des clowns en milieu hospitalier, mais également la famille et l'héritage des femmes qui en se succédant assument la gestion de la famille, la difficulté d'être parents et de se sentir impuissant face au mal être de son enfant, le deuil des parents comprenant que leur enfant va s'envoler et prendre des chemins différents de ceux qu'ils avaient imaginés.

Deux personnages me paraissent marquer le roman, les grands-mères : effacées parfois, et qui surgissent soudain pour un avis, pour une action précise, omniprésentes dans la famille.

J'ai personnellement apprécié la grand-mère espagnole avec son parler mitigé dans les deux langues, son assurance et les idées l'amenant à des gestes ou des actions brutales qui m'ont fait sourire même si l'humour n'est pas de mise dans le roman.

Un beau roman assaisonné à la sauce tradition chrétienne qui rythme la vie et qui montre l'évolution d'une famille en dépit des attaches religieuses que celle-ci possède.
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A treize ans, Gabrielle perd son arrière-grand-mère bien-aimée, Maria, une maîtresse-femme espagnole qui a émigré en France lors de la dictature de Franco. Née grande prématurée, Gabrielle est tout de même devenue une gymnaste surdouée entraînée par Jacquie, qui ne laisse rien passer. le décès de son arrière-grand-mère provoque en elle un grand traumatisme qui se traduit par des problèmes alimentaires et des problèmes de souffle, d'autant plus qu'elle est asthmatique, et d'autres symptômes plus étranges. Mais Gabrielle déborde d'énergie et surtout exerce sur elle-même un contrôle qu'elle veut absolu. ● Dans cette famille, ce sont surtout les femmes qui comptent : l'arrière-grand-mère Maria, la grand-mère Josée, la mère Suzanne et sa soeur Bénédicte, les cousines et bien sûr Gabrielle, toutes placées sous la sauvegarde de la Sainte Vierge dont la statuette semble prendre des attitudes différentes (par exemple : « La Vierge secoue la tête de gauche à droite en signe de défaite »). ● La narration se déploie selon deux fils distincts, dont l'un part de la naissance prématurée de Gabrielle, et l'autre du décès de l'arrière-grand-mère. L'un a des numéros de chapitres en chiffres romains et l'autre en chiffres arabes. Ce procédé m'a semblé habile et bien mené. ● Même si nous savons que nous sommes dans le sud-ouest de la France, à une époque proche de la nôtre, l'autrice prend soin de gommer les repères spatio-temporels : aucune date n'est mentionnée et les villes ne sont désignées que par des périphrases, comme la Ville rose, la Ville du jazz, la Ville des fous, la Ville du jambon… Cela m'a paru une coquetterie dispensable, même si je comprends que c'est pour tirer le récit vers le conte. ● La narration est assumée par une instance disant « je », dont nous ne connaîtrons l'identité qu'à la fin du roman, parsemant le récit de « ma Gabrielle », « ma petite communiante »… ● le roman étant bâti sur sa chute, il est vrai très inattendue, à la manière d'une nouvelle, j'ai trouvé qu'il n'était pas exempt de longueurs malgré sa brièveté, même si le lecteur se demande constamment quelle est la nature des secrets que porte en elle Gabrielle : ses araignées noires, sa relation à la Vierge, les raisons de son anorexie… ● Je serai donc moins enthousiaste que la plupart des lecteurs de Babelio, même si dans l'ensemble c'est un premier roman qui me paraît prometteur.
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Sophie Durant se prépare, et Gabrielle Pradier se présente sur le praticable B...bip...🎵

Derrière les sauts cosaques, les tours illusions et des roulades exécutées à la perfection que ce soit lors de l'entraînement ou en compétition, Gabrielle semble être une jeune fille épanouie.

Pour en arriver là, il a fallu de nombreuses heures de travail qui ont fait disparaître les handicaps de sa naissance. Pourtant, malgré tout, la perte de la Maria, son arrière grand-mère va basculer son quotidien et lui faire quitter le monde insouciant de l'enfance...

Laurine Thizy nous propose ici un remarquable ouvrage d'une très forte intensité. A sa lecture j'ai été impressionnée de voir à quel point la plume de l'auteure est aussi travaillée alors qu'il ne s'agit que de son premier roman ! Une étoile montante de la littérature est née. Laurine Thizy, à la lecture des maisons vides a su me procurer de nombreuses sensations que ce soit de la joie, de la tristesse ou encore de l'espoir... L'auteure a su aborder ces thèmes principaux avec une grande sensibilité qui ne vous laissera pas indifférent.

Les 68premièresfois je tiens à vous féliciter pour votre choix qui est un véritable coup de coeur pour moi. Ancienne gr et sensible à la question de la prématurité et de la mort, ce roman restera longtemps gravé dans ma mémoire...
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Gabrielle, les araignées et les clowns

Tout juste auréolé des Prix Régine Deforges et Marie Claire 2022, Laurine Thizy est l'une des belle surprises de cette rentrée d'hiver. En retraçant le parcours d'une adolescente et des générations de femmes qui l'ont précédée, elle nous offre un beau roman initiatique.

Gabrielle a treize ans quand meurt la María. Un épisode qui va marquer l'adolescente, même si elle n'en laisse rien paraître. C'est lors des obsèques qu'elle décide que pour elle ce sera la dernière fois qu'elle ne se prêtera plus à ces bondieuseries. Qu'elle ne se laissera plus prendre par les discours lénifiants, les fausses vérités. Même si, comme si de rien n'était, elle poursuit ses entraînements de gymnaste.
Ce caractère volontaire, elle le doit peut-être aux circonstances de sa naissance. Née grande prématurée, elle aura en effet longtemps dû se battre pour trouver sa place. «Depuis la première seconde Gabrielle est une résistante: un oeuf qui a creusé sa survie dans le ventre de sa mère.» Un combat qui va lui permettre de passer de faible et chétive à déterminée et obstinée, quitte à heurter. Cela lui vaudra par exemple d'être exclue de son club de sport alors que les championnats de France se profilent. Une injustice d'autant plus forte que les progrès de la jeune fille tiennent d'une volonté farouche de maîtriser un corps, de le renforcer et de tenter, à l'adolescence, d'en expulser toutes les araignées qui l'habitent, qui lui font si mal.
Dans ce Sud-ouest, pas loin de Toulouse, on ne s'intéresse pas vraiment à elle. Ici les hommes parlent fort et les femmes se taisent. de génération en génération, Suzanne, Joséphine et même María reproduisent ce même modèle, se murent dans le silence, gardent en elles leur révolte, leurs araignées qui tissent patiemment la toile de la résignation et de l'indifférence. Désormais privée de son aïeule, la seule qui l'aimait vraiment, Gabrielle doit apprendre à creuser son sillon à l'aune de ses souvenirs.
Laurine Thizy a eu la bonne idée d'opter pour une construction non-linéaire où les débuts et les fins de vie se rejoignent, ce permet au lecteur de remonter dans le temps puis de se heurter aux difficultés du présent, le tout entrecoupé de scènes d'hôpital, quand les clowns viennent rendre visite aux patients pour tenter d'apaiser leurs souffrances et leur peine. On verra avec l'épilogue, très bien amené, combien ces intermèdes sont loin d'être anodins et vont donner à cette histoire un nouveau virage. Avec beaucoup de délicatesse, la primo-romancière raconte cet apprentissage difficile. le chemin vers l'émancipation est tortueux, semé de pièges. Mais, quand on a la foi, on dispose d'une belle arme, celle qui permet de remplir Les maisons vides.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Je referme ce petit chef d'oeuvre avec toute la délicatesse dont je suis capable. C'est merveilleux d'écrire comme cela. Et le Merveilleux n'est que l'autre versant du Réel.
Auteure précoce, Laurine Thizy nous livre un premier roman à l'écriture dense et subtile. Cette danse-écriture est à la fois ancrée dans la réalité douloureuse d'un petit parcours de vie et dans la folle magie de croyances hallucinées.
Le roman a 3 temporalités qui se croisent et se décroisent :
De la naissance de notre héroïne, Gabrielle, à la mort de son arrière-grand-mère Maria, de son adolescente jusqu'à sa propre chute ( oui,même les anges peuvent chuter), du Je au On du clown Flip.....

Grande prématurée, Gabrielle vit dans les contreforts des Pyrénées, quelque part entre la Ville Rose et la Ville de la Musique, courant le long des gaves et des vallées. Elle est douée pour tout notre Gabrielle: l'école, la GRS, l'appréhension du monde des adultes, la chasse aux palombes.
Nous découvrons son monde à travers son extreme sensibilité ( qui est celle de l'auteure, bien sur) et son intelligence en arborescence.
C'est somptueusement fragile: il y aura de grands Mystères et d'horribles bestioles . Ce n'est pas le nénuphar de Chloé ( celle de L'écume des jours) qui la boulotte mais une colonie d'araignées installée dans ses fragiles poumons. Les maisons se vident et les coeurs grossissent.
Quand aux corps.........et bien c'est tout le propos du livre : corps de cadavre glacial et caoutchouteux, corps de préma à la peau translucide qui vire au jaune, corps de rugbymans et de lutteur, corps en justaucorps et chignons tyranniques, corps pubertaire explosif, corps grignoté, en apesanteur.Corps/ Choeurs polyphoniques.

Doctorante en sociologie dans ma fac préférée, Laurine Thizy voit juste et observe avec une maturité troublante les maux féminins ( mais pas que...) et
la possibilité du soin. Car Flip le clown est quelque part, dans les parages.
Eloge du "care" et de la créativité , je souhaite une belle vie à ce livre et une belle carrière à son auteure.
Gros, très gros coup de coeur-corps.
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Grande prématurée, née au printemps alors qu'elle était prévue pour l'été, Gabrielle cause au départ bien du souci à toutes les femmes de sa famille Suzanne, sa maman, Joséphine, sa grand-mère et María, son arrière grand-mère ainsi qu'à Peyo son père. On la suit dans deux récits parallèles la concernant; celui de sa naissance à l'année de ses 13 ans, pendant laquelle le temps semble s'étirer, et celui qui s'étend d'un choc survenu l'année de ses 13 ans jusqu'à un autre événement de son adolescence.
Douée pour la GRS, discipline qui l'a dans un premier temps sauvée d'une malformation de la hanche, Gabrielle semble une enfant facile, docile et tendre avec notamment son aïeule qu'elle admire et avec son petit frère qu'elle chérit. Mais elle semble malade, les poumons emplis d'un mal étrange dû sans doute à la précocité de sa venue au monde. D'une plume incisive et subtile, l'autrice nous entraine dans les méandres des difficultés de vivre d'une adolescente précoce, gymnaste surdouée. Une jolie métaphore sur les encombrements bronchiques qui n'est pas sans rappeler le Nénuphar de Chloé dans L'écume des jours de Boris Vian, donne une petite touche poétique à un livre plus profond qu'il n'y paraît sur le mal de vivre. Mention spéciale au personnage du clown Flip et ses réflexions intimes sur les apports du « Rire médecin » comme on le nommait jadis... Un roman magnifique.
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