Nostalgie, mélancolie, regards vers le passé à jamais terminé de l'enfance, mais aussi témoignage d'une femme d'action, à même d'exprimer pudiquement ses sentiments et de se lancer toujours vers l'avant en acceptant finalement le destin.
Chantal Thomas livre dans ce court texte, agrémenté de photographies de famille, de paysages, de dessins un très beau témoignage de son vécu d'enfant, de ses vacances familiales, avec en toile de fond le bassin d'Arcachon, ses saveurs maritimes, cette dune extraordinaire qu'il faut avoir escaladé au moins une fois dans sa vie et parcouru sa crête. Elle imprègne l'esprit de ses lecteurs de toutes ces sensations uniques que l'on conserve des lieux d'enfance et, ici, ce sont des lieux exceptionnels qui ajoutent à la richesse de son récit.
Son écriture est très fine, le choix des mots paraît méticuleux, les descriptions superbes des horizons, de la couleur et du goût des huîtres accompagnées par le Grave du Château Graville-Lacoste dont on perçoit l'arôme entre les lignes, et puis ces fameux block-haus dispersés dans les dunes, témoins immobiles et silencieux des premiers baisers de l'adolescence.
Elle évoque longuement la relation au père, ses silences, ses gestes complices envers elle, ses regards qui en disent plus long que tous les mots, elle souffre de sa mort un 31 décembre, à l'âge de quarante-trois ans alors qu'elle-même en a à peine dix-sept, ce jour de festivités pour les autres, de deuil pour elle. Il n'y a pas de pathos dans son témoignage qui ne peut être commenté, qu'il faut donc tout simplement lire.
Avec le sable de la plage et des dunes, il y a aussi la neige, celle qui tombe en quantité incroyable le 21 février 1956 sur Arcachon et celle des montagnes pyrénéennes où elle se lance avec témérité, échouant une fois, à la tombée de la nuit, dans les prairies où elle devra franchir les barbelés à ski.
Enfin, très brièvement, le Japon, avec la richesse et la variété du marché aux poissons de Kyoto, la neige et le silence, et à nouveau le retour du deuil à l'improviste, ainsi que cette ultime image des stèles de bois des tombes jetées au feu, faisant disparaître ainsi leur nom de mort, laissant à chacun le soin de "sauver la trace" de leur nom de vivant.