AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de jeranjou


Si vous cherchez une couleur plus noire que le noir, je vous conseille le « Thompson »…

« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô mère ennemie... » Comme parfaite transition avec ma dernière critique sur Charles Williams et sa fameuse p'tite poire, ce roman de Jim Thompson aurait pu s'intituler ainsi tant la relation mère-fils relatée dans ce récit est ô combien conflictuelle et haineuse.

« Rage noire » s'avère être le dernier roman de Jim Thompson écrit en 1972. Pourtant particulièrement habitué au noir du petit déjeuner comme à mes lectures ricaines très sombres, j'avoue que j'ai mis au moins trente pages pour m'habituer à l'écriture de ce roman, trash de chez trash. Et puis, j'ai commencé à comprendre le personnage principal du roman, beaucoup plus complexe qu'on ne le croit au premier abord. On devine malheureusement au fil des pages pourquoi il concentre une telle rage…

Allen Smith est un lycéen noir de 18 ans, très intelligent mais extrêmement perturbé, vivant seul avec sa mère, Mary, de couleur blanche, qu'il vouvoie et appelle « Mère ». Débarquant dans un nouveau lycée, il réussit à la fois à impressionner les élèves et professeurs par son bagage de connaissances hors normes et, en même temps, insulte régulièrement ses nouvelles connaissances tout en utilisant un vocabulaire déconcertant.

Allen rencontre notamment Josie, une étudiante noire et fille de policier, qui va avoir le coup de foudre pour Allen en dépit de son comportement exécrable envers elle. Une sorte d'attraction-répulsion étonnante…

Dans le même temps, Allen côtoie Steve et Lisbeth Hadley, frère et soeur tous deux noirs, issus d'une famille bourgeoise dont le père est médecin. Liz, surnommée dans le roman, est également sous le charme d'Allen et cherche à le séduire coûte que coûte. Jusqu'à adopter un comportement très singulier…

Dés lors, on découvre qu'Allen souffre atrocement parce que sa mère le dénigre depuis le plus jeune âge. Complètement inhibé avec les jeunes filles, Allen prend plutôt du plaisir à les humilier, voire plus si affinité. A vous de vous lancer dans le bain - très glacé ou très chaud suivant les paragraphes- pour connaitre la suite…

Après ce bref aperçu du roman, il est facile de se rendre compte du cynisme et de la dureté de cette histoire. Les paroles, les mots, les intentions sont dures, épouvantables, diaboliques.

Jim Thompson possède ce don d'intérioriser son héros de roman comme il avait si brillamment réussi à le faire dans « L'assassin qui est en moi ». Néanmoins, dans « Rage noire », il ajoute une nouvelle dimension en employant cette écriture cassante, blessante et très osée qui vous assène des coups en pleine poitrine à chaque réplique d'Allen Smith. Une véritable épreuve…sans pitié pour le lecteur.

Je me demande encore comment un auteur peut coucher sur le papier un tel roman, si cru et si fascinant à la fois. J'ai été bluffé par la dernière partie du livre qui m'a bouleversé et surpris par l'issue finale. Certaines évocations à dieu sont d'une force incroyable et l'écriture de Thompson est diablement convaincante.

Pour un public évidemment averti, ce livre restera une découverte inoubliable dans tous les sens du terme. C'est véritablement un chef d'oeuvre, sans doute unique en son genre. Maintenant, a-t-on le droit de parler de chef d'oeuvre pour un roman qui, si je devais proposer une métaphore, serait probablement « une photographie ou un film d'un abîme sans fond de la nature humaine ». Plus trash, tu meurs. D'ailleurs, le pauvre Jim n'a pas survécu après cette dernière épreuve écrite…

PS : dans le contexte du livre et de sa fin, la citation sur Dieu est extrémement pertinente.
Commenter  J’apprécie          5911



Ont apprécié cette critique (57)voir plus




{* *}