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Critique de Presence


Ce tome regroupe 5 histoires, écrites, dessinées et peintes par Jill Thompson, parues entre 1997 et 2000.

Scary godmother (42 pages) - Pour la première fois, Hannah Marie a le droit d'accompagner les autres enfants pour aller quémander des bonbons le soir d'Halloween. Ses parents la confie à son cousin Jimmy qui est plus grand et qui est accompagné de 3 de ses copains Bert, Daryl et Katie. Bien vite, Jimmy se dit qu'Hannah est un boulet et il décide de lui faire peur en l'emmenant dans une maison abandonnée à l'écart. Avant de partir, la mère d'Hannah Marie l'a rassurée en lui disant que si elle avait trop peur, sa marraine effrayante (scary godmother) viendrait la rassurer.

La revanche de Jimmy (42 pages) - Pour ce nouvel Halloween, Jimmy a décidé de tout faire pour saboter les festivités, ayant trop peur de se retrouver face à des monstres ou des fantômes.

Le rendez-vous mystérieux (42 pages) - La mère d'Hannah Marie organise un fête de quartier à l'occasion d'Halloween. Hannah Marie invite tous les monstres de sa connaissance. Scary Godmother a reçu une invitation d'un mystérieux amoureux.

La fièvre bouh (42 pages) - Malheur ! Scary Godmother a attrapé la grippe Boo. Hannah Marie s'engage à réaliser tous les préparatifs d'Halloween à sa place, le temps qu'elle se remette.

Le thé d'Orson (13 pages) - Scary Godmother et Hannah Marie ont organisé une collation autour d'un thé chez elle, et seules les femmes sont invitées. Harry et Orson meurent d'envie de pouvoir y participer.

Bonus (20 pages) - Il s'agit d'une collection d'études finalisées (au même stade que les pages des histoires) pour les personnages et les décors, ainsi que quelques feuilles de modèles de visage pour l'animation.

Ce recueil d'histoires s'adresse avant tout aux enfants ayant une attirance pour Halloween. Jill Thompson met en scène une jeune fille (5-6 ans) absolument adorable, pleine d'allant et de gentillesse, un peu craintive des fantômes (dans la première histoire). Les autres enfants sont dépourvus de personnalité, à l'exception de Jimmy qui assure le rôle de méchant dans les 2 premières histoires, et encore son comportement est d'abord dicté par la simple exaspération d'avoir la charge d'Hannah, puis par une appréhension bien réelle des monstres se manifestant à l'occasion d'Halloween. En ceci, le lecteur apprécie de pouvoir laisser derrière lui un clivage basique et moralisateur après la deuxième histoire.

D'un point de vue livre pour enfant, Jill Thompson réalise des dessins complexes à déchiffrer avec des formes un peu alambiquées et une mise en couleurs sophistiquée apportant beaucoup d'informations visuelles supplémentaires. Cela destine cet ouvrage à des enfants déjà capables de se concentrer sur les images pour pouvoir prendre le temps de les analyser et de les assimiler. Une fois passée la première histoire dont la morale reste de se venger ou au moins de punir soi même, la suite des histoires n'est plus culpabilisante et propose de découvrir un monde très original du point de vue graphique, sur la base d'un mystère ou d'une mission, d'un enjeu dépourvu d'angoisse. du coup, ce livre s'adresse plus à des enfants de 6-7 ans capables de se concentrer sur les dessins, ayant envie de suivre une petite soeur dans son monde merveilleux, peuplé de monstres très étranges, pour des histoires mettant du baume au coeur, sans être trop sirupeuses ou trop mignonnes.

Du point de vue d'un lecteur adulte, il s'agit d'histoires gentillettes, invitant à suivre une jeune enfant se familiarisant avec des monstres qui ne font pas peur. Durant la première histoire, il découvre un récit des plus classiques et basiques, en appréciant des images dépeignant un univers original et plein de personnalité. Il prend son mal en patience avec l'aspect gentillet et inoffensif des personnages et de l'intrigue, profitant du dépaysement. Petit à petit, le charme des images produit son effet, et c'est totalement envouté qu'il termine la lecture de l'histoire s'étonnant qu'elle s'achève aussi rapidement. le même phénomène de condescendance bienveillante se reproduit au début du deuxième récit. Puis les images suscitent une telle immersion qu'à nouveau le lecteur oublie le caractère enfantin du récit pour prendre plaisir à ce monde onirique et chaleureux. Il est alors conquis et se laisse emporter par la suite des aventures inoffensives d'Hannah.

Mais, c'est quoi le truc ? Tout commence vraiment quand Hannah pousse la porte de la maison abandonnée (page 20) dans un dessin pleine page. Sous des dehors simpliste (Hannah dans l'embrasure de la porte grande ouverte, éclairée par derrière), cette image laisse le lecteur promener son regard pour découvrir une perspective légèrement faussée vers les côtés gauche et droit, l'ombre portée ridicule d'Hannah sur le sol (une forme de parodie d'un film d'épouvante). Puis le regard découvre les araignées assez schématiques et inoffensives, les jolis motifs du tapis au premier plan, les meubles recouverts de drap pour qu'ils ne prennent pas la poussière. Loin de se contenter de dessins simplistes, Thompson transcrit une réalité substantielle, avec des formes sympathiques et inoffensives. Elle applique également cette approche pour les monstres. Scary Godmother est magnifique dès sa première apparition avec ce vert joyeux, ces petites ailes de chauve-souris tellement discrètes qu'il faut scruter le dessin pour les voir (oui, le lecteur adulte a envie de chercher pour les apercevoir), son chapeau cabossé mais stylé, son tutu gris. Cette pointe de loufoquerie gentille se retrouve pour chaque monstre tout au long des pages, et s'insinue jusqu'aux pieds de Scary Godmother (le difficile choix de chaussures pour le mystérieux rendez-vous galant, plutôt chauve-souris ou plutôt chat ?). C'est bien cette loufoquerie guillerette qui évite aux récits de tomber dans la niaiserie à la guimauve. En outre Thompson sait donner de la place à chaque dessin, puisqu'il y a de nombreux dessins pleine page, et plusieurs pages ne comprenant que 2 images.

Une fois conquis par cet univers visuel enchanteur, inoffensif et décalé, le lecteur prend petit à petit conscience que ces historiettes ne sont pas si mièvres que ça. Certes, il n'y a pas de méchant, pas de combat homérique, pas d'éléments effrayants. Mais Jill Thompson concocte des tâches à effectuer pour Hannah Marie (quand elle remplace Scary Godmother qui a la grippe) qui sont inventives et espiègles. Thompson réussit à capter l'attention du lecteur et à le divertir sans user de violence ou de culpabilisation, sans se reposer sur des grosses ficelles, en réalisant une ode à la différence et à la tolérance, avec un peu d'entraide.

Les histoires de Scary Godmother ont donné lieu à une adaptation en dessin animé : Une sacrée sorcière. Il existe un deuxième recueil d'histoires de Scary Godmother en noir & blanc : Scary Godmother - Comic book stories (en anglais). Il est possible de retrouver les magnifiques aquarelles de Jill Thompson dans Bêtes de somme avec un scénario d'Eva Dorkin. Thompson a également réalisé 3 histoires sur la base du personnage de Sandman de Neil Gaiman : At Death's door, The little Endless storybook, et Delirium's party (ces 3 derniers ouvrages en anglais).
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