Je ne sais pas si c'est une lecture de saison, en climat électoral tel que nous le connaissons en ce moment en France (je précise pour nos amis francophones non français vivant en dehors du territoire où l'on n'entend parler en ce moment que de politique), car la lecture de ce livre ne risque pas d'augmenter le taux de participation à ladite élection. Est-ce un mal ? Est-ce un bien ? Je vous laisse le soin d'en juger par vous-même.
Dans cet opuscule, Thoreau fonce tête baissée, cornes en avant sur les chiffons rouges de l'arène politique. Il y met franchement en doute l'utilité d'un gouvernement et d'un état centralisé et, plus certainement encore, il affirme sa nocivité.
Je trouve son propos intéressant mais quelque peu confus car pas très structuré ; il dénonce pêle-mêle le fait que le gouvernement cautionne l'esclavage, la guerre impérialiste au Mexique, l'absence de sens moral de la justice, l'opportunisme économique, l'incompétence et l'étroitesse de vue des politiques, la pusillanimité des citoyens qui râlent de loin mais n'agissent jamais, l'infondé de l'impôt, l'entrave générale à la liberté et au libre arbitre qu'exerce l'autorité sur l'individu ou encore l'absence de référence aux préceptes moraux distillés dans le Nouveau Testament.
Ce dernier point en particulier me dérange particulièrement car lui qui se fait le champion de la liberté et de la défense du libre-arbitre de notre conscience, je ne vois pas particulièrement en quoi le Nouveau Testament est un modèle du genre, sauf peut-être, à la rigueur, à considérer les actes (supposés) de Jésus comme une forme pacifique de résistance à l'oppresseur romain.
Le point le plus intéressant selon moi, soulevé par La Désobéissance Civile (essai politico-sociétal intitulé à l'origine Résistance Au Gouvernement Civil) est celui, précisément de l'acte de résistance, dans les menus faits du quotidien et cela de manière non violente, sans se cacher derrière un groupe quelconque, sans se leurrer derrière des cris ou des banderoles pour mieux se fondre dans le moule par la suite.
Henry David Thoreau parle ouvertement de la fumisterie que constitue le vote dit « démocratique » car les choix devant toujours s'effectuer entre une poignée de larrons autoproclamés ou auto désignés par quelques-uns de leurs amis ayant des intérêts dans l'affaire. C'est dans les petites actions du quotidien que s'expriment le mieux nos choix politiques, en boycottant tel ou tel produit, telle ou telle décision gouvernementale, en ne contribuant pas à ce que nous croyons injuste, vu de notre fenêtre que nous faisons le mieux de la politique.
La grande limite malgré tout de la vision de Thoreau, qui défend fermement une non-ingérence de l'État dans les affaires individuelles est qu'elle concourrait tout droit à un hyper ultra libéralisme de l'espèce la plus sauvage qui soit et en ce sens, ne me semble pas franchement un remède tellement meilleur que le mal (justifié) qu'elle dénonce.
En somme, une contribution très intéressante, dont on sait qu'elle influencera des grands résistants pacifiques tels Gandhi ou Luther King, mais qui présente selon moi beaucoup de limites et de côtés sombres non élucidés.
Cependant, je vous invite civilement à désobéir à cet avis, car, tout bien considéré, il ne représente pas grand-chose.
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Difficile pour moi de rédiger un billet sur cette Désobéissance civile. Je repousse le moment mais, comme je tiens à laisser une trace de chacune de mes lectures, je me lance !
Henry David Thoreau rédige ce pamphlet en 1846 après son séjour en prison. La raison de cet enfermement ? Le professeur et écrivain avait refusé de payer un impôt en signe de protestation contre l'esclavage et la guerre du Mexique.
Thoreau s'interroge sur le rôle des gouvernements, sur le respect de la loi qu'il oppose au respect du bien moral, sur l'utilité du vote...
Toutefois, ce qui m'a le plus marquée, ce sont ses réflexions sur le fait que beaucoup de personnes râlent mais ne font rien de concret pour changer le monde. Je me suis sentie visée et ça m'a fait mal. Trois choix sont possibles face à une loi injuste : obéir, obéir jusqu'à obtenir réparation et désobéir immédiatement. Thoreau choisit sans hésiter la 3ème là où je reste encore trop souvent bloquée à la seconde.
Et même si je suis parfois restée perplexe devant la théorie de Thoreau qui voudrait que chaque individu jouisse d'une liberté absolue (je crois effectivement que chaque individu est à même de savoir ce qui est juste ou non, en revanche je suis absolument convaincue que l'être humain ne ferait sciemment pas le choix de la justice la plupart du temps), j'ai embrassé passionnément son rêve de résistance par les petits actes du quotidien. Je m'en vais de ce pas tenter de mettre en pratique !
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L’auteur de « Walden » et de « La désobéissance civile » était aussi critique littéraire et fin connaisseur des textes sacrés orientaux.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Il y a des milliers de gens qui par principe s’opposent à l’esclavage et à la guerre mais qui en pratique ne font rien pour y mettre un terme ; qui se proclamant héritiers de Washington ou de Franklin, restent plantés les mains dans les poches à dire qu’ils ne savent que faire et ne font rien ; qui même subordonnent la question de la liberté à celle du libre échange et lisent, après dîner, les nouvelles de la guerre du Mexique avec la même placidité que les cours de la Bourse et peut-être, s’endorment sur les deux. Quel est le cours d’un honnête homme et d’un patriote aujourd’hui ? On tergiverse, on déplore et quelquefois on pétitionne, mais on n’entreprend rien de sérieux ni d’effectif. On attend, avec bienveillance, que d’autres remédient au mal, afin de n’avoir plus à le déplorer. Tout au plus, offre-t-on un vote bon marché, un maigre encouragement, un « Dieu vous assiste » à la justice quand elle passe. Il y a 999 défenseurs de la vertu pour un seul homme vertueux.
Si l’injustice est indissociable du frottement nécessaire à la machine gouvernementale, l’affaire est entendue. […] Si, de par sa nature, cette machine veut faire de nous l’instrument de l’injustice envers notre prochain, alors je vous le dis, enfreignez la loi. Que votre vie soit un contre-frottement pour stopper la machine.
Je n’ai payé aucune capitation depuis six ans ; cela me valut de passer une nuit en prison ; tandis que j’étais là à considérer les murs de grosses pierres de deux à trois pieds d’épaisseur, la porte de bois et de fer d’une épaisseur d’un pied et le grillage en fer qui filtrait la lumière, je ne pus m’empêcher d’être saisi devant la bêtise d’une institution qui me traitait comme un paquet de chair, de sang et d’os, bon à être mis sous clef. Je restais étonné de la conclusion à laquelle cette institution avait finalement abouti, à savoir que c’était là le meilleur parti qu’elle pût tirer de moi ; il ne lui était jamais venu à l’idée de bénéficier de mes services d’une autre manière. Je compris que, si un rempart de pierre s’élevait entre moi et mes concitoyens, il s’en élevait un autre, bien plus difficile à escalader ou à percer, entre eux et la liberté dont moi, je jouissais. Pas un instant, je n’eus le sentiment d’être enfermé et les murs me semblaient un vaste gâchis de pierre et de mortier. J’avais l’impression d’être le seul de mes concitoyens à avoir payé l’impôt. De toute évidence, ils ne savaient pas comment me traiter et se comportaient en grossiers personnages. Chaque menace, chaque compliment cachait une bévue ; car ils croyaient que mon plus cher désir était de me trouver de l’autre côté de ce mur de pierre. Je ne pouvais que sourire de leur empressement à pousser le verrou sur mes méditations qui les suivaient dehors en toute liberté, et c’était d’elles, assurément, que venait le danger. Ne pouvant m’atteindre, ils avaient résolu de punir mon corps, tout comme des garnements qui, faute de pouvoir approcher une personne à qui ils en veulent, s’en prennent à son chien. Je vis que l’État était un nigaud, aussi apeuré qu’une femme seule avec ses couverts d’argent, qu’il ne distinguait pas ses amis d’avec ses ennemis, et perdant tout le respect qu’il m’inspirait encore, j’eus pitié de lui.
La démocratie telle que nous la connaissons est-elle l’aboutissement ultime du gouvernement ? Ne peut-on franchir une nouvelle étape vers la reconnaissance et l’établissement des droits de l’homme ? Jamais il n’y aura d’État vraiment libre et éclairé, tant que l’État n’en viendra pas à reconnaître à l’individu un pouvoir supérieur et indépendant.
Lorsqu’un sixième de la population d’une nation qui se prétend le havre de la liberté est composé d’esclaves, et que tout un pays est injustement envahi et conquis par une armée étrangère et soumis à la loi martiale, je pense qu’il n’est pas trop tôt pour les honnêtes gens de se soulever et de passer à la révolte. Ce devoir est d’autant plus impérieux que ce n’est pas notre pays qui est envahi, mais que c’est nous l’envahisseur.
Voici le chef-d'oeuvre de la littérature écologique américaine dans une magnifique version illustrée par Troubs. La rencontre d'un dessinateur amoureux de la nature avec Henry David Thoreau, qui relate ses deux années dans les bois, au bord de l'étang de Walden. Troubs se saisit de l'ouvrage fondateur du "nature writing", et nous en offre une vision lumineuse et poétique grâce à plus d'une centaine d'illustrations.
A découvrir le 16 novembre en librairie.