Citations sur Les dames de Marlow enquêtent, tome 1 : Mort compte tri.. (82)
... une seule solution, se trouver une occupation. C'était toujours la solution. Elle alla vers la table du salon, où s'étalait un puzzle inachevé. Oui, voilà une bien meilleure idée : sans risque, succès garanti, et divertissant mais pas trop. Ce puzzle représentait un West Highland terrier en gilet écossais et le château d'Edimbourg en arrière plan. Judith n'aimait pas spécialement les West Highland terriers et pas du tout les West Highland terriers en gilet écossais. Mais comme elle achetait tous ses puzzles dans les dépôts-ventes de Marlow et les y rapportait une fois terminés, elle était bien contente d'en avoir trouvé un qu'elle n'avait jamais encore fait.
elle savait que, bien souvent, le meilleur moyen de faire parler quelqu'un était de garder le silence.
Pour me souvenir, dit Judith.
De quoi ?
De mes erreurs.
Elle avait prononcé ces derniers mots d'un ton si froid que Suzie eut la vision d'un étang couvert d'une épaisse couche de glace, solide en apparence mais susceptible de craquer à tout moment, révélant sous la surface des tourbillons noire.
Vous êtes sûre ?
Sûre et certaine.
Vous êtes sûre que vous êtes sûre ?
Je vous dis que tout va bien !
- C'est inévitable, j'en ai bien peur.
Une fois que j'aurai parlé d'Elliot, il y aura ici des policiers dans tous les coins, avec leurs mandats de perquisition. Ça va faire un de ces scandales ! Et je ne vous parle pas de la presse, qui prendra forcément le relais, vous savez comment sont les journalistes. Tous vos massifs d'hortensias vont grouiller de paparazzi qui publieront des photos de vous peu flatteuse, et l'on vous verra sortir vos poubelles à la une de tous les journaux.
Judith n'avait pas fini cette description que Becks était déjà à l'ordinateur.
Mais ce n'est pas possible ! Elle fait du yoga !
Judith n'était pas sûre d'avoir bien entendu.
Tu n'es tout de même pas en train de nous dire que les gens qui font du yoga ne tuent jamais personne !
Si ! Absolument !
Si le passager d'un bateau passant là, à cet instant, avait levé les yeux vers la maison de Judith, il aurait vu une toute petite dame de soixante-dix ans, assez dodue, les cheveux en bataille, debout toute nue devant sa baie vitrée, à moitié couverte d'une cape telle une super-héroïne. Ce qu'elle était, à maints égards.
Mais elle l'ignorait encore.
Lorsqu’elle composait une grille, une sorte de paix descendait en elle, elle pouvait passer de longues heures à se perdre dans les permutations d’une anagramme intéressante, dans les diverses interprétations d’une définition raffinée ou dans les multiples sens d’un simple mot.
Elle se répétait inlassablement qu'elle avait une chance folle et que sa vie n'était que bénédiction, mas elle ne pouvait s'empêcher de penser que tout, dans cette vie bénie, paraissait défini par quelqu'un d'autre qu'elle. Elle était la maman de ses enfants, la femme du vicaire et même la maîtresse de maison.
Son plus grand bonheur était de vivre seule sans homme. Ainsi personne ne lui demandait chaque soir ce qu'il y avait à diner ni pourquoi elle sortait des qu'elle mettait le nez dehors. Il n'y avait personne non plus pour lui reprocher ses dépenses en whisky. Elle avait en effet l'habitude de prendre un petit verre tous les soirs vers 6 heures.