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Critique de brigittelascombe


"Votre oncle ressemble à un tas de gens que j'ai connu.Ils se sont épuisés à faire advenir le paradis sur terre.Mais leur intelligence était trop limitée."
Ce sont Les paradis aveugles de son oncle, "cadre de l'état" vietnamien tyrannique, aveuglé par un marxisme-lénisme se voulant révolutionnaire (dans tous les sens du terme) mais par trop répressif, ce sont les abus d'une classe dite exploitée ivre de revanche sur une "classe exploiteuse" que l'on étiquette "propriétaires terriens" sans trop savoir quelle est vraiment la valeur des propriétés, que relate Duong Thu Huong dans ce roman fort et bouleversant (issu de faits véridiques qui ont débuté au Vietnem, durant les années 50, lors des réformes agraires).
Bouleversant, car Hang, l'héroïne, "être craintif de 42 kilos", révoltée,est tiraillée entre ces deux mondes de par ses origines. C'est lors d'un voyage en train vers Moscou (alors qu'elle a abandonné études et Vietnam) pour se rendre au chevet de cet oncle maternel, soit-disant malade, qu'elle se remémore son douloureux passé.
Une mère, faible, défaitiste ("c'est la sort") mais courageuse (travaillant sur les marchés pour élever sa fille unique), pauvre (mais critiquée car commerçante), qui ne peut s'empêcher d'aimer son frère (le fameux oncle Chinh) et de subvenir à ses besoins alors qu'il a chassé son époux instituteur de la collectivité puis l'a fait assassiner lorsqu'il a voulu revenir.
Une tante paternelle forte,"ennemie de la révolution", qui a subi humiliations et dénonciations, qui voit en Hang le dernier maillon de leur lignée, fonde sur elle des espoirs d'études universitaires et veut en faire son héritière.
On ne peut qu'admirer la fillette lucide qui prévient sa mère :"il vient pour l'argent c'est tout", l'adolescente en souffrance qui constate que même son chien "n'avait plus la force d'aimer", l'adulte révoltée qui dénonce: " tout pouvoir est dictateur".
Outre la valeur de témoignage de ce roman, Duong Thu Huong analyse sans complaisance les rapports mère-fille qui se détériorent. Pas de mélo. Il y a fissure et même si l'amour est là comment supporter l'absurde d'une idéologie destructrice et injuste?
A signaler le dépaysement qu'apporte ce roman:malgré les rues jonchées d'ordures (d'êtres et de choses), Hang a le mal du pays aux "plaines piquetées de cerfs-volants". On déguste à ses côtés une "soupe de filets de porc aux fleurs de lys", on picore du riz dans des feuilles de bananier,on plante des batonnets d'encens près d'un autel où fleurissent la mémoire des morts et bouquet de pivoines.
L'écriture imagée, poétique, et la foule de sentiments côtoyés font de Les paradis aveugles, un roman lumineux et clairvoyant qui vaut vraiment le détour!
A signaler que l'auteur a été arrêtée, dans les années 90, à cause des réalités dénoncées sur le Vietnam!
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