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Critique de Eric75


Trinh Xuan Thuan est un type épatant ! Peut-on imaginer qu'un astrophysicien né au Viêt-Nam, à Hanoï, ayant fait ses études au Caltech, où il fut l'élève de Murray Gell-Mann et de Richard Feynman, (deux prix Nobel de physique, rien que ça), et à Princeton, où il fut l'élève d'Arno Penzias (encore un prix Nobel de physique, décerné pour la découverte du fond diffus cosmologique), poursuivant une carrière aux Etats-Unis, où il découvre à l'aide du télescope Hubble la plus jeune galaxie connue à ce jour, peut-on imaginer que cet écrivain vietnamo-américain publie directement en langue française, des ouvrages scientifiques de haut niveau ? Après nous avoir fait rêver à la lecture de ses précédents essais explorant les limites de l'Univers observable, pour ainsi dire à portée de télescope, il décide d'aller cette fois encore plus loin et nous convie à une très complète réflexion sur « l'infini ».

Pour aborder l'infini, Trinh Xuan Thuan décide d'élargir un chouia le périmètre de son champ de vision (pourtant déjà bien large) et d'explorer de nouveaux territoires : il ajoute donc dans son panorama les mathématiques bien sûr et, également, les domaines artistique, philosophique et religieux, où le concept d'infini fait sens avec des approches certes différentes mais bien liées, pour revenir in fine à son domaine de prédilection : les théories physiques les plus en pointe.

Le tout nous est livré comme toujours dans un style irréprochable, avec un luxe inouï de détails et d'anecdotes en tout genre. Ainsi, il évoque pêle-mêle Pascal, que l'infini effraie, le googol (10 puissance 100, à l'origine du nom de la célèbre firme de la Silicon Valley) et le googolplex (10 puissance googol), le reflet de votre nuque chez le coiffeur (répété à l'infini, si les miroirs étaient de qualité), les dessins vertigineux de Maurits Escher (cet artiste génial déjà cité par Jean-Pierre Luminet dans L'Univers chiffonné, son ouvrage qui comporte le plus de similitudes avec celui-ci), les fractales, l'intrigant hôtel Infinité imaginé par le mathématicien David Hilbert, les paradoxes de Zénon, les calculs empiriques du nombre π, le nombre d'or, les mathématiciens grecs, impossible de les citer tous, mais aussi Cantor, Descartes, Borges, Gödel, Copernic, Kepler, Newton, Einstein, Hubble, Lobatchevski, Riemann, Friedmann, Edgar Allan Poe (qui avança une théorie sur le paradoxe de la nuit noire, eh oui), le chanoine Lemaître (un religieux imaginant le big-bang), le pape Pie XII (un religieux s'enthousiasmant pour le big-bang), j'en oublie sûrement, je termine donc cette liste inachevée qui tendrait bien vers l'infini (--> ∞) par un etc. muni d'un point final bien pratique.

Parmi les théories les plus en pointe, que j'évoquai plus haut, on peut citer : la topologie cosmique (l'Univers est-il plat, courbe, fini, homogène ?), la matière noire ordinaire et exotique, l'énergie noire, les WIMPs, l'inflation, les multivers, le boson de Higgs, l'énergie du vide, le rayonnement fossile, les apports des satellites COBE, WMAP et Planck, la théorie des cordes, les dimensions enroulées suggérées par les 10 puissance 150 formes de Calabi-Yau possibles, sans oublier les univers-branes, la M-Théorie, l'hypothèse des particules super-symétriques et celle des univers parallèles holographiques… Un vrai festin de physique fondamentale premier choix réactualisée par les plus récentes études (l'univers est donc plat alors, finalement ?) et magnifiquement illustrée par un encart de 37 photographies en couleur situé au beau milieu du livre à la page 240.

Pour terminer son livre Trinh Xuan Thuan conclut, comme toujours, par un petit laïus rappelant la théorie du rasoir d'Occam pour réfuter l'hypothèse des multivers, et s'appuyant sur la précision surnaturelle du réglage des constantes fondamentales pour déboucher tout droit sur le principe anthropique. C'est son petit côté Bogdanov, mais à l'opposé du style emphatique des deux frères avides de surenchère médiatique et amateurs de raisonnements oiseux, Trinh Xuan Thuan préfère constater simplement la beauté et l'harmonie du monde, enrobe ses arguments de philosophie bouddhiste assumée, sans faire de prosélytisme, et parvient à produire ainsi un discours bien plus audible et convaincant.
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