Le millésime ? 1965... Une sourde nostalgie des Aéroclubs du Bassin parisien, époque révolue où de "riches industriels" (pléonasme récurrent de l'Age d'or de la b.d. wallonne) donnaient envie à de jeunes lecteurs de voir de plus près ces carrosseries rutilantes de jets privés ou de très "ricquiennes" Porsche 911, si attrayantes en leur encre de couleur canarie... Rémy Valloire, évidemment... Dès la planche 2 (et il y en aura soixante, alors quel bonheur !) on sait que notre industriel — à la villa King-size et au design ultramoderne — a, comme qui dirait, "de gros ennuis"... Une ancienne vie, aussi... Un fils (Hugues) qui adule son papa et — tout comme Ric — sera bien seul à ne jamais douter de l'intégrité de ce dernier... L'inspecteur Ledru est un bourrin et se laisse influencer par le dernier manipulateur caché, tout comme le commissaire Bourdon d'ailleurs : "Vous comprenez, Ric, les apparences"... C'est que l'intrigue est fichtrement alambiquée et se défend bien : de la complexité, en veux-tu, en voilà... Des fausses pistes à tire-larigot... Des coupables potentiels en nombre infini, d'une vicissitude à l'autre... Les deux associés de Valloire... Valloire lui-même, le vrai-faux coupable peut-être faux-vrai, qui sait... Ces chausse-trappes des apparences...
André-Paul Duchâteau est décidément très fort dans l'Alambic... On a beau se dire (comme d'habitude, avant d'y céder) : « Non, je ne regarderai pas avant l'heure la planche 60 pour savoir tout de suite qui est le foutu... » LE foutu coupable, quoi ! Ou même LES, qui sait... Genre "
L'assassin habite au 21" de
Stanislas-André STEEMAN... Et ce Bex Turner, à la carrure d'athlète qui veut broyer les interphalangiennes proximales de Ric ! Une p'tite prise de judo et...
C'est que le journaliste-enquêteur roulant en Porsche aime plonger dans l'eau tout habillé.
L'épisode du yacht-fantôme se déréglant en haute-mer, formant un huis-clos "flippant" (comme ça s' dit, d' nos jours) : sorte de prélude à un film de
John CARPENTER ("Halloween" ? The Thing" ? "Prince of Darkness" ?). Et, bien sûr, le coup du tueur-manipulateur masqué (Cf. "Traquenard au Havre", prototypal)...
ET l'épisode qui fera la couverture de l'album : le magnifique bolide de Rémy Valloire fonçant dans le canal SANS conducteur... On est déjà dans la diabolique "Christine" de
Stephen KING/
John CARPENTER, voyez ?
Car c'est tout là l'effet proustien de cet album : "Le Temps retrouvé"...
Tiens, ce genre de petit détail... Allez retrouver sa Source incomparable : il s'agit de l'article fleuve et magique "Ric Hochet" de WIKIPEDIA, of course !, là où vous pourrez lire cet extrait éclairant :
« LA VOITURE DE RIC HOCHET »
« Dans les deux premiers albums de la série, Ric Hochet conduit une MG jaune. C'est au moment de commencer les premières planches du tome 3, Défi à Ric Hochet, que l'assistant de Tibet,
Mittéï (sans doute influencé par le concessionnaire Porsche du coin), propose de troquer la MG contre une Porsche (jaune) décapotable. MG ou Porsche, Tibet s'en moque, du moment que son personnage dispose d'une voiture dynamique et puissante. On retrouve la Porsche dans "L'ombre de Caméléon" et dans "Piège pour Ric Hochet". [...] Un petit problème s'était posé au moment de la course-poursuite entre la Porsche de Ric Hochet et une Mercedes 300 SL, dans le tome 3, "Défi à Ric Hochet". En effet,
Mittéï avait attribué une
Mercedes-Benz 300 SL au personnage du riche industriel Rémy Valloire, sans connaître le scénario de l'histoire en détail. Lorsque le découpage de la planche 21 lui est parvenu, il a pu lire que Ric Hochet, au volant de sa Porsche, rattrapait la Mercedes avant de la voir plonger dans un étang. Ennuyé,
Mittéï a aussitôt téléphoné à Tibet pour lui signaler que la Porsche qu'il avait attribuée à Ric Hochet n'est pas suffisamment puissante pour rattraper une
Mercedes-Benz 300 SL. Tibet lui a, alors, conseillé de modifier la course-poursuite en faisant en sorte que Ric Hochet puisse prendre un raccourci. Par la suite,
Mittéï s'est bien gardé d'attribuer aux personnages de la série des voitures plus puissantes que la Porsche de Ric Hochet. »
L'amour du petit détail vrai... le sentimentalisme lié à la vision du concessionnaire Porsche du quartier... Immergés comme dans les nouvelles et romans de
Georges SIMENON ("Stan le Tueur", 1928) ou l'esprit pointilliste du cinéaste Nuri Bilge CEYLAN ("Ahlat Ağacı"/"Le Poirier sauvage", 2018).
Il nous faut revenir à Ric Hochet, héros de notre enfance à tout jamais...