C'était l'heure du banquet. Le maître s'y était traîné à grand'peine. On lui avait porté des toasts, posé sur la tête une couronne d'or ; il était debout, balbutiant des remerciements. Soudain les fenêtres de la salle du banquet s'ouvrirent sous la violence de la bourrasque ; les lumières vacillèrent et s'éteignirent. Lui restait debout, la couronne en tête, pareil à une apparition shakespearienne, tel le roi Lear au milieu de la lande... On eût dit, rapporte un biographe, le génie de la symphonie, auquel la puissante nature eût fait une apothéose, dans un décor de montagnes, et avec l'aide du tonnerre, musicien gigantesque.
Son dernier voyage fut pour le pays, et pour celles qu'il y aimait. C'était en août 1868. Berlioz, invité à présider un concours musical à Grenoble, commençait à recevoir enfin de ses compatriotes des hommages que l'on pouvait prendre pour de l'enthousiasme. Mais le vieux lutteur, brisé par les douleurs physiques autant que morales, n'était déjà plus que l'ombre de lui-même.
Qu'elle est triste cette musique d'un enfant ! Et quelle nature spontanée elle révèle ! Il a douze ans, il ne sait rien, n'a rien lu, que quelque vers de son Virgile, et déjà il apparaît comme le romantique sombre, fatal, passionné ; il y a en lui des traits de Werther, de René, des personnages de Byron; il a une prédisposition à devenir l'enfant du siècle.