Les hommes ne peuvent être violés

Lire un livre de Märta Tikkanen, c'est d'abord découvrir sa langue si spécifique, une sorte de flux entre prose et poésie, qui glisse constamment de l'un à l'autre. J'ai retrouvé dans ce livre le style qui m'avait tellement plu dans L'histoire d'amour du siècle. Sur le fond, ce livre nous interpelle sur la position de la femme, sur les questions de consentement, de désir, de disponibilité, de charge, mais aussi et surtout sur le regard porté par les hommes. Märta Tikkanen a été une des grandes figures du féminisme finlandais. le livre date de 1975 ; on pourrait croire que ces considérations perdent un peu de leur pertinence. Mais pour peu qu'on veuille bien faire l'effort de dépasser l'exemple cité pour envisager une problématique plus large, on se rend compte qu'il reste complètement actuel (notamment ce qu'on nomme désormais le "male gaze"). Là où je suis un tout petit peu moins enthousiaste, c'est quand j'ai trouvé, assez régulièrement, que le fil narratif n'était plus qu'un prétexte passé à l'arrière-plan pour permettre à l'autrice d'exposer ses idées : je regrette que Märta Tikkanen ne nous ait pas laissé un essai dans lequel elle aurait organisé plus méthodiquement sa pensée. En conclusion, un livre qui présente un point de vue très inhabituel, qui n'est pas une simple diatribe mais bien une réflexion parfaitement maitrisée, et qu'il est urgent de lire. Quel dommage de Märta Tikkanen n'ait jamais attiré davantage l'attention du public français

Découvert chez mon libraire préféré, d'abord cette couverture, ce titre choc. "Les homme ne peuvent être violés". Vraiment ? Je me suis plongée dans ce roman, précurseur, intéressant, un peu étrange, avec la ferme intention de le comprendre et l'aimer. de là est né le hic principal : si l'autrice dépeint très clairement l'horreur et le dégoût à une agression lâche et molle (l'agresseur ne fait pas usage de force mais d'une manipulation répugnante), en revanche, tout le processus de prise de conscience de l'agression, puis la mise en place de la vengeance, reste assez brouillonne. Sans doute Märta Tikkanen a-t-elle voulu respecter le mental des victimes, qui doivent elles-mêmes lutter pour retrouver du sens après un viol. Mais à la lecture c'est assez dérangeant et cela fait pas mal sortir du roman. À lire pour la curiosité d'une voix en avance sur son temps.