Ces actes m'ont fait pressentir fugitivement un état de perfection, absent le reste du temps (...) sensation fugitive et en même temps infiniment désirable, car grâce à elle notre existence ne s'écoule pas en vain; grâce à ces moments précieux, elle est devenue plus belle et plus riche de sens.
L'artiste renonce à l'action parce qu'il se confond avec le monde tel qu'il est (...) il s'interdit de juger les situations (...) il se contente de célébrer l'univers en en révélant la nécessité intérieure.
Cependant, ce renoncement au rêve d'une vie commune ne signifie nullement qu'on n'a pas besoin de l'autre. Tout au long de cette période, Pasternak reste son interlocuteur imaginaire idéal. C'est à lui qu'elle s'adresse constamment dans ses cahiers, car elle est convaincue qu'il peut tout comprendre : il lui est égal en force. Ce contact est indispensable à Tsvetaeva. "Toi, Boris, j'ai besoin de toi comme de l'abîme, de l'infini, pour avoir où jeter et ne pas entendre le fond", lui écrit-elle en mai 1927. (p. 171)
Tsvetaeva [...] ne cherche pas tant à être aimée qu'à avoir un point de fixation pour son propre désir d'aimer, qui sert chez elle d'enclencheur au processus de création. [...] Être amoureuse, c'est, pour Tsvetaeva, l'équivalent d'une drogue qui lui permet d'atteindre aussitôt l'extase, de baigner dans l'absolu, l'identité de celui qui provoque cet état étant de peu d'importance. (P. 163)
Avec Stoyan Atanassov & André Comte-Sponville
Rencontre animée par Catherine Portevin
Tzvetan Todorov, né en 1939 à Sofia, arrivé à Paris au début des années 1960, a vécu la plus grande partie de sa vie en France et écrit son oeuvre en français. Mais il se voyait toujours comme un « homme dépaysé ». Cette expérience a nourri son intérêt pour le dialogue entre les cultures et sa vigilance à l'encontre de toutes les tentations totalitaires. Quelle part bulgare avait-il gardé en lui, quelles relations entretenait-il avec son pays natal ? Comment aujourd'hui ses livres sont-ils lus et perçus en Bulgarie ? Pour évoquer les passages de Todorov entre Sofia et Paris, sont réunis pour la première fois ses amis et spécialistes de son oeuvre, des deux côtés de la frontière qui fut naguère rideau de fer : Stoyan Atanassov, Professeur de littérature romane à l'Université de Sofia et traducteur en bulgare de l'oeuvre de Todorov et André Comte-Sponville, philosophe, grand lecteur et ami de Todorov, préfacier de son livre posthume Lire et Vivre (Robert Laffont/Versillio, 2018). Une édition augmentée de son fameux Dictionnaire philosophique est paru en 2021 aux PUF.
À lire – Tzvetan Todorov, Lire et Vivre, Robert Laffont / Versilio, 2018 – Tzvetan Todorov, Devoirs et délices. Une vie de passeur, Entretiens avec Catherine Portevin, le Seuil, 2002, rééd. Points 2006.
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