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Critique de HordeDuContrevent


Le livre est de prime abord étrange et dégage, avant même de l'ouvrir, une odeur de conte, de nature enchantée, de magie…une senteur de rêves…la couverture, au charme suranné, le titre merveilleux, l'origine polonaise de l'auteure, oui je sens que je vais entrer dans un univers différent des livres que je lis en ce moment. Et qu'il s'agira d'une nouvelle expérience.

Et en effet, il me faut lire tout d'abord deux fois le premier chapitre pour plonger dans cet univers. L'histoire se déroule dans un petit village polonais, Antan, et le premier chapitre précisément nous détaille Antan, « situé au milieu de l'univers », entouré de frontières gardées chacune par un archange. Antan c'est ici et c'est nulle part à la fois. Nous sommes en 1914 au début de l'histoire mais je ne cessais de penser à une période bien plus ancienne tant la féérie qui se dégage semble médiévale. le nom du village amplifie certainement cet effet. Nous avons l'impression de voir ce village à travers une carte moyenâgeuse, sur laquelle les repères sont les rivières (la Noire et la Blanche, avec tout le symbolisme qu'il y a derrière), la butte aux hannetons, les prés, la forêt, le moulin, la place centrale boueuse ; et les personnages qui y vivent, des figures emblématiques, le plus souvent associées à leur métier ou leur fonction : la Glaneuse, la meunière, le mauvais bougre, le couvreur, le châtelain, ; les éléments naturels sont également des personnages bien vivants : le noyeur, maître des brouillards, le verger, le mycélium…mais aussi l'ange gardien, les morts, la statue de la vierge de l'église, la lune…Seule l'arrivée des allemands et leurs exactions vont permettre de dater ce récit, ainsi que l'arrivée du communisme suite à la Guerre.

Il est question de la vie des habitants d'Antan, de leurs difficultés et de leurs faiblesses, de leurs passions et de leurs jalousies, mais aussi de leurs amours et de leurs amitiés. Chaque chapitre, assez court, est consacré à une de ses figures (un chapitre est même consacré à une chose : un moulin à café, l'auteur considérant que les choses durent et que « cette durée relève plus de la vie que quoi que ce soit d'autre » ; il aura d'ailleurs le dernier mot dans le livre) avec pour titre « le temps de… ». le temps de l'ange gardien, le temps de la Glaneuse, le temps de Misia, le temps du merveilleux Isidor…le temps du moulin à café donc. Un temps de conte et de féérie leur est accordé, une petite histoire magique ou tragique si agréable à lire que nous enchainons ainsi avec délice les chapitres les uns après les autres, pénétrant de plus en plus sans même s'en apercevoir dans ce monde hors du temps, presque primitif, où l'extrême pauvreté et les instincts les plus vils et les plus primaires côtoient richesse, grandeur et bonté d'âme. Ce sur trois décennies. Nous voyons évoluer les personnages, grandir ou vieillir, mourir. Sachant que Dieu est là, dans le mouvement…

Il est question en effet de Dieu comme nous pouvons le deviner, du destin, du temps. de questions existentielles : « vers où allons-nous ? ». le Jeu que reçoit le châtelain de la part d'un rabbin est central et donne des clés de compréhension. Comme si le châtelain « jouait à Dieu » avec moult figurines et coups de dés. Est-ce ainsi que Dieu, en créant ses mondes, préside à la destinée des hommes ? Ou est-ce les lois de la Nature qui dominent à l'image du mycélium (merveilleux chapitre consacré au mycélium) ? Sommes-nous, fragiles humains, comme pris dans les engrenages d'un moulin à café, broyés en poussière ? le destin et ses lois sont en effet des thèmes centraux qu'Olga Tokarczuk distille avec subtilité, l'air de rien sous ses allures de conteuse pour enfant. J'ai hâte de découvrir un peu plus son univers et mon prochain livre d'elle sera sans aucun doute les Pérégrins.
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