"-Elle dit que là-bas, dans la forêt, au-delà des marais, il existe un pays où la lune brille aussi fort que le soleil qui, lui, est plus sombre que le nôtre(..) . Dans ce pays les gens vivent sur les arbres et dorment dans leur creux.Durant la journée lunaire, ils grimpent au sommets des branches où ils exposent leurs corps dénudés à la lune, de sorte que leur peau verdît. Grâce à cette lumière, ils n'ont pas besoin de manger beaucoup, se contentant de baies des bois, de champignons et de noix. Ils ne doivent ni cultiver la terre ni construire des habitations, tout travail est effectué par leur seul plaisir. Chez eux, il n'y a ni seigneurs, ni paysans, ni prêtres. Lorsqu'ils doivent prendre une décision, ils se réunissent sur un arbre et délibèrent, pour ensuite mettre en oeuvre ce qu'ils ont décidé.Si un individu s'y soustrait, ils le laissent faire, persuadés que, tôt ou tard, il reviendra vers eux. Lorsque quelqu'un s'éprend d'une autre personne, il se met en couple pour un temps avec elle, mais dès que ses sentiments s'étiolent, il s'en va vers un nouvel amour. de ces unions naissent des enfants, qui ont toute la communauté pour parents, car tout le monde là-bas s'occupe volontiers des petits.
Parfois lorsqu'ils grimpent sur l'arbre le plus haut, ils voient au loin notre monde, les fumées de nos maisons incendiées, et sentent l'odeur de la chair brûlée? Vite ils se réfugient alors sous les feuilles pour ne pas salir leurs yeux avec de telles images, ne pas incommoder leur nez de cette puanteur. L'éclat de notre monde les repousse et les indispose. Ils n'y voient qu'un mirage, car jamais encore ils n'ont été confrontés aux Tatares ou aux Moscovites.Ils croient que nous sommes irréels, tel un mauvais rêve."
" C'est quoi, Dieu? voulut-elle savoir. Cela provoqua chez tous un grand étonnement, mais aussi, semble-t-il, une fascination, comme si vivre sans la conscience que Dieu existe serait plus simple, puisque cela dispenserait de se poser des questions obsédantes. Par exemple, comment Dieu laisse-t-il souffrir autant ses propres créatures, alors qu'il est bon et miséricordieux?"
" Il ont aussi leur propre façon de communiquer avec les animaux et, comme ils ne consomment pas de viande et ne pratiquent pas la chasse, les bêtes non seulement sont leurs amies et les aident ,mais leur racontent leurs histoires, ce qi est source de sagesse pour le peuple vert et lui procure une meilleure connaissance de la nature."
L' excentrisme provoque un mouvement. C'est une loi mécanique. Mais pas seulement. Avant toutes applications, les sciences sont avant tout observations. Observer ce qui naturellement existe ou plus exactement ce qui nous entoure. S'éloigner du centre. Observer la marge, les cercles qui existent autour, ou plutôt au-delà du centre. S'excentrer pour donner un mouvement différent. Mouvement des corps, des esprits.
Olga Tokarczuk nous entraîne entre la Lituanie et Lvov, au 17e siècle. Loin de nos villes, loin de notre siècle. Excentrisme. Décentrer.
Regarder "loin", c'est regarder "tôt" nous a appris
Hubert Reeves.
Nous avons tendance à voir notre monde comme un centre. Comme le centre d'un volcan. Tout ce qui vient du centre nous paraît devoir naturellement se répandre, couler vers la périphérie de son cratère. Comme si le centre devait modeler un tout fini. le centre du cratère devant toujours être au dessus, et les cercles concentriques du volcan se retrouvant toujours en de-ça. Cela provient du fait d'une vision de finitude, d'un impossible au-delà. Comme si ce qui provenait du centre était à un moment arrêté par une limite. Limite qui définirait un espace fini. En dehors il n'y aurait Rien ?
Conte philosophique qui nourrira notre réflexion, notre vision du monde. Quel est notre place ? Celle de l'homme, celle de la nature. Existe-t-il une frontière ? Pouvons nous nous mettre en capacité de comprendre d'admettre d'autres mondes ?
« Passage de l'intangible au tangible, l'équinoxe de printemps célèbre partout la naissance et la vie qui se déploie. C'est le temps de l'innocence, de l'éveil aux choses du dedans et du dehors. C'est le pouvoir de l'Est. »
Laurence E. Fritsch,
le petit livre des jours, extrait.
Astrid Shriqui Garain.