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Critique de LN


Au coeur de L''inquiétude face au monde l'inquiétude et le monde se tutoient. Camille de Toledo observe le siècle qui s'achève dans le vertige et ouvre la voie à un 21ème siècle tout aussi inquiétant. Pour scander le mal-être dominant de ce siècle, il choisit de s'exprimer à travers une prose poétique qui épouse au plus près l'inquiétude lancinante des êtres perdus dans un monde recelant quantité de dangers potentiels, qu'il s'agisse de la perte d'un enfant, ou de la folie de ce même enfant capable de massacrer ses camarades comme à Columbine en 1999 ou à Utoya en 2011.



« Qui prépare les enfants à ce temps nucléaire ?

Pour eux, c'est le soupçon qui triomphe.

Ou le romantisme malade de la refondation :

Voyez encore !

Columbine !

Utoya.

(…)

Les gamins savent intuitivement,

Comme des dieux, que l'enseignement

De leurs écoles est inadapté.

Vieille herméneutique du savoir.

Vieilles catégories de l'être.



Penser, classer, écrivait Pérec.

Et comme il a raison.

La pensée occidentale est une névrose d'enfant

à qui l'on répète :

Allez ! Range ta chambre ! » (p.47)



L'inquiétude ronge les êtres et le monde qui ne peuvent trouver d'échappatoire face à ce naufrage progressif. Née des horreurs du 20ème siècle, de la guerre, de la déportation, des politiques démagogiques pernicieuses, cette inquiétude est sans fond car ancrée profondément en l'homme du 21ème siècle.



« Il y eut un autre mot pour le vingtième siècle.

Ce fut la dé-mesure. Dé-liaison,

Dé-litement, dé-lit de l'esprit, qui,

Croyait-on avant, gouvernait la flèche du temps,

Ou peut-être aussi, dé-règlement de la mesure,

Emballement de la raison

Qui, après avoir classé les peuples,

Entre sauvages et civilisés, noirs et blancs,

S'est mis à diviser, couper, entre le soi et le presque soi.

Le dé du déluge, de la démence, le dé du hasard

Et de la fin, s'insinua dans le pli de chaque chose,

Comme l'accident et la catastrophe. » (p. 24)



« C'est l'inquiétude et la peur qui nous livrent à la pharmacie, aux pouvoirs, à tous ceux qui prétendent nous en libérer. C'est l'inquiétude et la peur qui nous poussent à déléguer la charge de l'homme aux prêtres, aux moralistes, aux dogmes et aux milices. (…) Par peur, s'en remettre au commerce de la consolation. C'est-à-dire à l'intoxication : nous voulons être délivrés du risque, du mal, de la pluie qui tombe en été. Nous voulons être délivrés de la peur, de la mort, et finalement, de la vie.» (p. 30)



Que reste-t-il comme espoir au poète si ce n'est celui de charmer ou d'enivrer les Dieux par son chant, tel Orphée devant Hadès. Espoir de « de voir les mots agir sur et dévier l'esprit contemporain de l'Europe ».
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