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Critique de JacobBenayoune


J'ai entendu quelques parts ("Le Patient anglais") que le coeur est un organe de feu. Je présume que cela voulait dire qu'à la fois il nous procure chaleur et quiétude mais aussi douleurs et peines. Anna Karenine est un livre sur deux voies, deux itinéraires de deux coeurs (et on découvre cela clairement à la fin de la lecture) celui d'Anna Arkadiévna et celui de Constantin Lévine. Un coeur qui a mené à la paix de l'âme et l'amour de tous, et un coeur qui a conduit à la haine et au désespoir.

Pour ce faire, il fallait tout un décor pour voir ce mouvement des deux coeurs (comme l'astuce des nuages derrière les avions dans l'un des films de Howard Hughes montrant le mouvement avec plus de réalité). le mouvement du coeur d'Anna a commencé par un regard et un friselis ; un sentiment d'euphorie à la découverte de l'amour après une existence misérable sentimentalement. Cet émoi devient une passion coupable. Par ailleurs, le chemin du coeur de Lévine est tout le contraire. C'est à la fin du parcours qu'arrive ce coup de foudre (fortuit ? aucunement, il s'agit d'un résultat) qui lui apporte un éclaircissement pour comprendre le sens de sa vie et lui fait découvrir le but de son existence.

Ainsi Anna Arkadiévna dans le second tome essaie de rendre sa situation plus acceptable au vue de la société hypocrite qui l'entoure. Les femmes la condamnant non pas parce qu'elle mène une relation adultère mais parce qu'elles n'ont pu l'imiter et acceptent de vivre dans le chagrin et l'ennui de leur ménage. Son coeur cherche le confort et le bonheur dans cet amour coupable. Mais elle ne peut le faire ; elle perd ce qui a le plus compté pour elle au début. Elle a perdu la foi, sa conviction que Vronski l'aimait, que les sacrifices peuvent lui apporter le bonheur auquel elle aspirait, que tout pouvait aller comme elle le désirait. Elle n'en pouvait plus !

Du côté de chez Lévine c'était différent. Ses relations avec le monde était difficiles ; nébuleuses. Sa vie interne et ses opinions singulières ne pouvaient le rapprocher des communs. Il n'était pas le meilleur des hommes (il le sait et ne le nie pas) mais il était différent. Il a vécu ce tiraillement entre la tentation de se frotter à la société qui l'entourait et l'appel de la solitude. Il cherchait où réside le sens de son existence et la paix de l'âme qui en résulte. A la compagne, aux champs, à la ville, dans les bals, dans les discussions et la vie mondaine ; partout il a cherché. Et comme pour l'inspiration, cette illumination est venue au moment qu'il ne s'y attendait plus !

Tout au long du roman, Tolstoï expose les idées les plus singulières sur le mariage, l'éducation, les relations humaines, l'art contemporain, la politique, la religion, la guerre…variant les points de vue selon ses personnages, et menant les oppositions dans les dialogues et les pensées internes. Avec art, il a su amuser son lecteur avec les épisodes les plus divers (partie de chasse, visite chez le portraitiste, maladie du frère de Lévine, aveu d'amour manqué de l'autre frère, les scènes de ménage entre Vronski et Anna, la découverte de la foi de Karénine, la visite de Stiva chez ce dernier, l'accouchement de Kitty, les crises de jalousie de Lévine, sa visite chez Anna, le désespoir de cette dernière et sa visite de la gare, les pensées de Lévine à la fin et sa discussion avec son frère concernant la guerre…) introduisant à chaque fois un nouvel invité. Deleuze dit dans son Abécédaire qu'on apprécie les gens par leur sens de l'humour, celui de Tolstoï est d'une finesse sublime. du reste, l'auteur russe ; en pleine possession de ses talents exprime et dépeint le tragique et le comique avec beaucoup de justesse et de profondeur, sans jamais exagérer ; ainsi la scène finale de la septième partie est un sommet du pathétique, alors que celle de Stiva qui s'endort devant les sermons de Lydie est hilarante.

Ce qui fait de ce roman une oeuvre universelle, intemporelle et immortelle est le fait de présenter les événements et les conflits humains ainsi que les sentiments profonds d'une manière qui parle à tous et qui touche les lecteurs les plus différents.
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