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Critique de PatriceG


Je ne vais pas redire les mêmes choses que je viens de lire ici.
Du Suicide écrit en 1910, un des derniers essais de l'auteur, possiblement le dernier est une réflexion sur la société contemporaine et son sujet pendant , les suicides, les problèmes psychiatriques, et selon son habitude il va se donner à la tâche avec une volonté inébranlable et une préparation scrupuleuse, allant lui-même se rendre compte sur le terrain à quoi ressemblent ces phénomènes. Il se fait fort des nombreux courriers qu'il reçoit de gens au bord du suicide et qui voient en lui un patriarche capable de leur donner des pistes ..
Cette orientation de Tolstoï n'est pas nouvelle à se demander comment répondre aux nombreux problèmes de société qui se posent au peuple russe, il avait annoncé la couleur dans Confession dans les années 1880. Et comme sa notoriété est désormais à l'échelle du monde, ses préoccupations dépassent largement le cadre de la Russie. Ses préoccupations sont moins littéraires il est vrai et plus philosophiques, morales. Il va écrire des tonnes de correspondances, sortes de chroniques, lettres ouvertes à des gens du monde entier où il va expliquer inlassablement ses vues non seulement sur ce qui convient de ne pas faire, mais aussi sur ce qu'il convient de faire pour un monde façonné de dimension humaine. J'avais lu récemment sous la plume de je ne sais plus qui que Tolstoï, pour sa partie de prédicateur, condamnait les choses sans apporter de solutions, celui-là a dû s'arrêter de lire Tolstoï en 1880 : je lui recommande tout particulièrement la lecture de Socialisme et Christianisme, correspondance Tolstoï-Birioukof, pavé de 428 pages publié chez Grasset en 1957 ou le Maïtre d'Iasnaïa Poliana explique toute sa pensée .. Je crois que celui-là est Léon Chestov qui disait que Léon Tolstoï fustigeait plus qu'il ne caressait ..
Mais pour en revenir à de Suicide : il est bien sûr à lire si 'on veux explorer l'autre face du romancier célèbre, et à ne pas faire comme en France du moins où une certaine intelligentsia s'est crue autorisée à le traiter avec un peu de condescendance très malvenue. Tous ses multiples traités dont celui-ci sont d'une modernité bluffante.
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L'avant-propos De Bernard Kreise (*), évoque l'idée de suicide chez Tolstoï lui-même, dans les années 1880, ou même 1878, si je ne m'abuse. Mais enfin, j'aurais tendance à dire que celui qui évoque ou invoque la plainte de vivre voire d'en finir avec ça est loin d'être un candidat au suicide, c'est même parfois le signe d'une solidité sur terre. Je ne veux pas dire par là qu'il ne faille pas s'inquiéter de ceux qui souffrent sans le dire, ou ne pas être en mesure de la dire, bien au contraire, et ce qui arrive se solde bien souvent par l'échec de ne pas avoir su détecter chez l'autre ces mille petits SOS qui. préviennent de l'imminence du danger réel de passage à l'acte
Mais à évoquer cela dans cet ouvrage donne l'impression que l'auteur tire sa légitimité de par son expérience personnelle, or j'ai le sentiment qu'il n'en est rien. C'est juste que Tolstoï est capable de comprendre le désarroi de ceux qui souffrent et qu'il y a dans sa démarche tout un travail vers l'autre
Et je ne pense surtout pas en fait que dans cet ouvrage Tolstoï voulait parler de lui et de son cas personnel - d'ailleurs il n'en parle pas-, c'est clair s'improviser donneur de leçons, mais il y a bien l'idée de venir en aide aux gens qui relèvent de la psychiatrie peu ou prou. Celui qui a su admirablement sonder le coeur féminin était capable aussi d'entendre ce qui se passait de ce côté là, sur l'autre versant de sa personnalité vis-à-vis d'une jeunesse qui souffre et qui semble désemparée



L'incipit de D Suicide :
"Ce sont des imbéciles ?
Un imbécile est avant tout un homme qu'on ne comprend pas.

Depuis de nombreux mois, et particulièrement ces derniers temps, je reçois quotidiennement pas moins deux ou trois lettres (aujourd'hui, il y en a eu trois), dans lesquelles de jeunes hommes et de jeunes femmes m'annoncent qu'ils ont décidé d'en finir avec la vie, mais je ne sais pourquoi, ils s'adressent à moi dans l'espoir que je les délie de cette décision grâce à quelque conseil que je pourrais leur prodiguer..


(*) Je récuse en fait la préface de Bernard Kreise qui déforme l'idée de cet essai, et je m'étonne qu'il ait trouvé quelqu' écho favorable auprès de la prestigieuse L'Herne à fin de publication. Ce traducteur s'est déjà illustré en présentant une version light de Guerre et paix expurgée de 700 pages. Chacun appréciera !
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