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Boris de Schloezer (Traducteur)
EAN : 9782234057234
232 pages
Stock (20/10/2004)
4.27/5   48 notes
Résumé :

Ivan Ilitch met un point d'honneur à vivre " agréablement et correctement ". Fils de fonctionnaire, il a gravi avec succès tous les échelons de la hiérarchie administrative. Il aime sortir, fréquenter la haute société, et fait son possible pour éviter des responsabilités familiales assommantes. Mais parvenu au sommet de sa réussite sociale, Ilitch est frappé par la maladie. Accablé d'atroces... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Deux petits diamants… Deux belles pierres sans tache à l'éclat fantastique, de taille modeste mais si bien taillées, si bien conformées par le maître-joailler Lev Tolstoï qu'elles irradient la lumière mieux qu'un magnésium en fusion. Et pourtant, dans toute cette lumière littéraire, il n'est question que de mort. Permettez-moi de vous parler tout d'abord de la moins connue des deux.

Maître Et Serviteur est une nouvelle qu'il ne faut pas trop prendre à la légère. On se laisse emporter par l'histoire, le style plaisant, le format réduit qui autorisent une pleine jouissance dans un temps réduit. On pourrait donc croire qu'il s'agit là d'une petite nouvelle agréable, un conte, une narration bien sentie et qui se suffit à elle-même. Mais on aurait tort, à mon avis, de sous-estimer le fond de cette nouvelle.

Tout d'abord il faut que je vous présente de quoi il retourne. Vassili Andréitch est un marchand aisé d'un gros village russe enfouit dans la campagne. Il se fait des choux gras sur à peu près tout le monde qui l'approche, à commencer par ses serviteurs, auprès desquels pourtant il arrive à se faire passer pour la Providence.

Tout le monde n'est pas tout-à-fait dupe de cette affaire, mais tant que chacun y trouve son compte, cela reste supportable. Nikita est l'un des garçons de ferme de Vassili. Il n'est pas payé cher mais son maître lui offre un emploi, lui qui traîne un lourd passé d'ivrognerie, bien qu'il se soit rangé depuis quelque temps.

Alors Nikita est indulgent avec son patron. le métier n'est pas trop ingrat et Vassili lui passe deux ou trois écarts, tant que cela ne coûte rien. Nikita est aussi doué avec les chevaux et les choses de la ferme que Vassili l'est pour faire fructifier les roubles. D'ailleurs, Vassili est sur un bon coup, une parcelle de forêt négociée un vil prix.

Il faut à tout prix conclure cette affaire rapidement avant qu'elle lui passe sous le nez. C'est le plein coeur de l'hiver russe et la météo n'est vraiment pas fameuse mais qu'importe, une affaire n'attend pas ! Vassili prie Nikita d'atteler le bon cheval bai et les voilà partis tous deux sur le traîneau, malgré la mine dubitative de Nikita.

Il a tellement neigé que la question se pose de savoir quelle route prendre pour faire les quelques verstes qui séparent la maison du négociant de celle du vendeur. À chaque alternative, le bon sens paysan de Nikita se heurte au bon sens financier de Vassili… et la neige continue de tomber, et le vent continue de souffler… Nikita malgré tout obtempère toujours, car un maître, c'est un maître...

Aussi, ne vous êtes-vous jamais retrouvés totalement transis par le froid, le vent, la neige, l'épuisement et le manque d'équipement, dans une situation scabreuse, dont on ne peut prévoir la durée ? Lev Tolstoï possède l'art de nous faire ressentir cette expérience comme si l'on y était. L'on a un frisson à chaque paragraphe et l'on termine les pages avec l'onglet. On a des engelures rien qu'à imaginer ce pauvre cheval lancé dans le blizzard, on hurle de froid en imaginant les membres douloureux de l'infortuné Nikita.

Au-delà de cette histoire, Tolstoï nous questionne sur la condition de maître et de serviteur ou plus généralement, celle de dirigeant et de subalterne. le dirigeant, habitué à diriger, dirige tandis que le subalterne, habitué à obéir, obéit et ce, quelles que soient les situations, même si le plus apte à diriger n'est pas le dirigeant ou si le subalterne aurait intérêt à ne pas obéir.

L'auteur nous questionne également sur la valeur de l'argent comparée à celle des êtres. Qu'est-on prêt à risquer pour de l'argent ? Quel est le sens de tout ça ? Aujourd'hui les acteurs seront un peu différents mais lorsqu'un chef d'entreprise met sciemment ses employés en danger pour un gain de compétitivité, sommes-nous très loin de la question de Tolstoï ? N'y a-t-il pas quelque chose ayant trait à la valeur différentielle que ces personnes attribuent aux différentes catégories sociales d'êtres humains ? C'est ce que je vous laisse méditer au travers de cette nouvelle pour mieux me tourner vers le plat principal, La Mort D'Ivan Illitch.

Quel savoir-faire dans le verbe, quelle maestria dans le style, quelle verdeur dans le propos. C'est limpide, c'est naturel, c'est jouissif, c'est fort, cela semble évident et pourtant c'est inimitable, incomparable, inatteignable. Chapeau bas, bien, bien bas ; plus bas que ça encore, Monsieur Tolstoï.

On ne vous remerciera jamais assez pour ce chapelet de joyaux que vous nous léguâtes. Il y eut les gros (Anna Karénine), les très gros (Guerre et Paix), les petits (Les cosaques) et les tout petits dont cette Mort D'Ivan Illitch fait partie ; mais tous ont cette faculté de briller par-delà les siècles, par-delà les frontières et par-delà tout ce qui pourrait tenter de les empêcher de briller.

En quelques pages, quelques grammes de papier (car j'ose espérer que vous ne vous êtes pas encore convertis à la liseuse !), Lev Tolstoï a le talent d'évoquer une vie entière et tout un monde de convenances, d'aspirations, de doutes et de certitudes.

L'issue de la lutte ne laissant guère de suspense, l'auteur s'attache à nous faire vivre et ressentir la lente et inéluctable descente, l'affaissement, le basculement d'un homme, en apparence enviable, du monde des vivants à celui des trépassés.

Chemin faisant, l'individu incline à l'examen distancié de sa propre existence passée, à l'introspection, au voyage au creux de soi-même, de tout ce que l'on a pensé et cru, et qui bien sûr n'était que du flan, de la poudre aux yeux, des chimères.

En cette lumineuse nouvelle, Tolstoï aborde une foule de notions, comme l'atroce solitude d'un malade durant les heures de veille nocturne, le schéma du dialogue intérieur du mourant, la personnification de la douleur et la mise à l'épreuve qu'elle engendre, le lancinant va-et-vient entre espoirs de guérison et certitudes du contraire en passant par les phases médianes du doute, l'alternance mécanique entre l'hypocondrie et le déni du mal véritable, la manipulation et l'abus de pouvoir des médecins, l'hypocrisie et le mensonge des proches, la crise de la foi face à l'imminence de la mort, ou bien encore la vacuité des apparences et le sens vrai de l'existence.

L'auteur utilise le symbole d'Ivan Illitch, magistrat de premier ordre, rendant des sentences, mis face à la sienne de sentence. Les médecins jouent le rôle des avocats véreux et la Mort, le rôle d'authentique présidente de l'audience. Nul besoin de pousser plus loin l'évocation, vous avez dans les mains un petit délice à déguster sans modération en vous pourléchant les doigts.

En me retournant sur ce que je viens d'écrire, je m'aperçois que ce commentaire est bientôt aussi long que les deux nouvelles elles-mêmes. C'est donc qu'il est grand temps de laisser la place à Lev Tolstoï et non à ceux qui parlent de lui. Vous l'aurez compris, tout ce trop long bavardage n'est que l'expression de mon avis, qui, je l'espère, pour vous ne fut pas mortel, mais qui, là j'en suis sûre, ne représente pas grand-chose.
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Dans La mort d'Ivan Ilitch, suivie de Maître et serviteur, Tolstoï traite des questionnements sur sa vie, sur ce qu'elle fut et sur ce qu'elle aurait pu (dû?) être, au moment où la mort vient arracher ses personnages à la vie.

Dans la première, Ivan Ilitch s'est acharné toute son existence à être en conformité avec la bien-pensance des gens socialement supérieurs. Ainsi son mariage, sa carrière, jusqu'à la décoration de son appartement. Son désir de conformité l'amène à se confire dans le conformisme. Sa femme l'ennuie, il fuit le plus possible la demeure familiale, s'adonnant à ses dossiers en cours et aux parties de whist avec des collègues. Rien ne dépasse, la façade reste belle, lisse. Conforme.
Une douleur qui s'envenime et l'entraîne vers une terrible agonie suscite également d'atroces souffrances morales et l'angoisse ne le lâche plus. Jusqu'a ce qu'il comprenne le néant de sa vie. Qu'a-t-il fait? Quels sont les instants de bonheur? Où est la sincérité? Il ne voit que du vide.
Son agonie fait tomber les oeillères qu'il s'est efforcé de maintenir. Il constate tant hypocrisie autour de lui, sa femme, ses médecins. le corps médical en prend pour son grade sous la plume de Tolstoï, en particulier les célébrités de la haute société. Rein flottant, appendicite... ça discute et diagnostique à tout va mais aucun n'écoute Ivan Ilitch. Trop occupés à s'écouter eux-mêmes très certainement... Il en existe encore aujourd'hui de ces spécimens.

Maître et serviteur reprend en quelque sorte la partition avec des instruments différents. Riche propriétaire terrien, Andreitch Brekhounov cherche à amasser toujours plus de richesses. Il n'hésite pas pour cela à aller jusqu'à arnaquer son serviteur, le brave Nikolaï. Outre enflée de sa propre importance, il décide au début de l'histoire de partir négocier un bois dans un village distant de quelques verstes. Début décembre, la neige et les journées qui s'amenuisent, rien ne le retient tellement il craint de ne pouvoir emporter le morceau à un prix sous-évalué. Les voilà donc partis en traîneau. Tel qu'il est, il ne saurait se tromper. Pourquoi perdre du temps sur un chemin plus long mais bien jalonné quand on peut prendre un raccourci. Sauf que la neige se moque bien de la vanité des hommes. de péripéties en péripéties, le tandem se retrouve en perdition au milieu de nulle part, de nuit, dans une tempête. La mort est tout près en de telles circonstances. Si Nikolaï, bonhomme de peu et qui estime donc n'avoir rien à perdre, se résigne, il n'en va bien sûr pas de même pour Andreitch. Cette nuit tempêtueuse agit pourtant comme la longue agonie d'Ivan Ilitch.
Placé à la dernière extrémité, force est - certainement - de regarder la réalité telle qu'elle est et de se devêtir de tout le superflu pour ne garder que l'essentiel et les vrais bonheurs d'une vie. Ces deux récits sont très poignants à plus d'un titre. C'est surtout la détresse de ces hommes se croyant tout-puissants et qui se retrouvent démunis de joie véritable de toute leur existence.

Maître Tolstoï donne ici à réfléchir sur la condition humaine et sur les principes et philosophie guidant la vie de tout un chacun.
Il le fait dans une langue merveilleusement ciselée, ajoutant ce qu'il faut d'ironie pour montrer les hommes tels qu'ils peuvent se montrer. Les premières pages de la mort d'Ivan Ilitch sont un vrai régal en la matière, comme la rouerie d'Andreitch. A lire sans modération pour le plaisir et pour la leçon à en tirer.
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Curieusement, la Mort d'Ivan Ilitch n'est pas un livre triste. C'est une satire sociale dans laquelle le protagoniste n'a fait aucun effort pour autrui, pas plus il ne s'est mis en quatre pour se réaliser soi-même, son ambition étant faible, mais quand il va lui arriver des bricoles, c'est là qu'il va commencer à prendre conscience de lui-même jusqu'à s'étonner qu'il évolue désormais en terrain hostile. À peine existe-t-il dans son entourage un pauvre bougre qui lui est d'ailleurs attaché pour manifester quelques sentiments à son égard. Ben dans ces conditions, l' approche de la mort semble relever d'une logique pure et c'est trop tard pour la compassion, c'en est même dérisoire ! La part du diable semble donnée après l'avoir bien cherchée.
On n'est quand même pas chez Gogol avec son Nez, Tolstoi fait plus balader les âmes et la sensualité de la chair que physiquement ses héros..On ne pleurera sûrement pas à la lecture de la Mort d'Ivan Ilitch, mais le projet n'était-il pas de dénoncer les artifices de la vie qui nous conduisent finalement là où ils doivent nous conduire avec l'étape finale ramenée à sa portion congrue et son lot de turpitudes, dont son effet de loupe sur l'existence !..

Ce détour sur la vie vue de la mort , revu et corrigé par le maître incontesté du genre valait bien une messe.
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Des deux nouvelles de ce recueil je n'ai lu que la mort d'Ivan Ilitch.

La nouvelle est profondément touchante et humaine, avec ce long glissement du héro dans la souffrance et la maladie, avec toutes les phases, du déni de la perte de l'espoir à l'acceptation finale de la mort. Tolstoï nous démontre une fois de plus qu'il est un fin psychologue et connaisseur de la vie humaine.

Bref une nouvelle très courte mais néanmoins frappante.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ivan Ilich, conseiller à la cour d'appel, était mort à l'âge de quarante-cinq ans. Il était le fils d'un fonctionnaire dont la carrière s'était écoulée à Pétersbourg dans différents ministères, et qui avait atteint cette situation où il apparaît clairement que ceux qui y sont parvenus sont incapables de remplir quelque fonction sérieuse mais ne peuvent tout de même pas être mis à la porte à cause de leurs longs états de service et de leurs grades. Ils obtiennent donc des postes fictifs et des appointements nullement fictifs, qui oscillent entre six mille et dix mille roubles et qu'ils conservent jusqu'à leur vieillesse.
Tel était le conseiller intime Ilia Éfimovitch Golovine, membre inutile de diverses administrations inutiles.


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Dans les profondeurs de son coeur, il savait qu'il était en train de mourir, mais non seulement il ne s'habituait pas à cette idée, il ne pouvait tout simplement pas la comprendre. Le syllogisme qu'il avait appris - Caius est un homme, tous les hommes sont mortels, donc Caius est mortel - lui avait toujours paru exact quand il était appliqué à Caius. Mais que signifiait-il s'il fallait se l'appliquer à soi-même?
Il n'était pas Caius, il n'était pas une abstraction mais un être différent de tous les autres. (...)
Oui, Caius était mortel, mais moi, petit Vania, Ivan Illitch, avec toutes mes pensées et toutes les émotions, c'est une autre affaire. Ce n'est pas possible que je doive mourir, ce serait trop horrible.
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En plus des réflexions au sujet des nominations et des changements dans le service qui pouvaient résulter de ce décès, le fait même de la mort d'un ami éveilla comme toujours en tous ceux qui apprirent  cette nouvelle un sentiment de joie: ce n'est pas moi, c'est lui qui est mort.
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Au Palais de Justice, pendant la suspension de l’audience consacrée à l’affaire Melvinsky, les juges et le procureur s’étaient réunis dans le cabinet d’Ivan Égorovitch Schebek, et la conversation vint à tomber sur la fameuse affaire Krassovsky. Fédor Vassilievitch s’animait en soutenant l’incompétence ;
Ivan Égorovitch soutenait l’opinion contraire. Piotr Ivanovitch qui, depuis le commencement, n’avait pas pris part à la discussion, parcourait un journal qu’on venait d’apporter.
– Messieurs ! dit-il, Ivan Ilitch est mort.
– Pas possible !
– Voilà, lisez, dit-il à Fédor Vassilievitch en lui tendant le numéro du journal tout fraîchement sorti de l’imprimerie. Il lut l’avis suivant encadré de noir :
« Prascovie Fédorovna Golovine a la douleur d’annoncer à ses parents et amis la mort de son époux bien-aimé Ivan Ilitch Golovine, conseiller à la Cour d’appel, décédé le 4 février 1882. La levée du corps aura lieu vendredi, à une heure de l’aprèsmidi. »
Ivan Ilitch était le collègue des messieurs présents ; et tous l’aimaient. Il était malade depuis plusieurs semaines déjà, et l’on disait sa maladie incurable ; toutefois sa place lui était restée, mais on savait qu’à sa mort, Alexiev le remplacerait et que la place de ce dernier serait donnée à Vinnikov ou à Schtabel. Aussi, en apprenant la mort d’Ivan Ilitch, tous ceux qui étaient
réunis là se demandèrent d’abord quelle influence aurait cette mort sur les permutations ou les nominations d’eux-mêmes et de leurs amis.
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En apprenant donc la mort d'Ivan Ilitch, tous ceux qui étaient réunis dans le cabinet songèrent avant tout à l'influence que pourrait avoir cet événement sur leur propre avancement et sur celui de leurs amis.
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