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EAN : 9782072782282
3392 pages
Gallimard (01/03/2018)
4.81/5   16 notes
Résumé :
«Puisant la matière de son œuvre dans l'observation de soi nourrie par l'inquiétude morale et la soif de perfection, Léon Tolstoï (1828-1910) fait du roman réaliste, construit à partir de l'évocation plastique de l'instant concret, une épreuve de vérité soumise au critère esthétique de l' authenticité. Le sujet épique de La Guerre et la Paix étend ce critère aux mécanismes de l'Histoire, celui, tragique, d'Anna Karénine aux valeurs de la société et de la civilisatio... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Guerre et Paix ( période 1863-1869)
Gallimard 1963 Traduction Elizabeth Guertik

Le bal

Peut-être que Soljenitsyne serait parvenu avec ses dons de greffier à nous synthétiser en 3 feuillets les 1800 pages de Guerre et Paix, moi je m'y refuse. Seuls les censeurs et autres malfaisants ont réussi jusque là à le réduire de moitié, avec l'accord de qui je me le demande ? Il ne m'a rien coûté de le lire, bien au contraire, je l'ai bu comme du petit lait, mais alors résumer ce pavé, ce n'est pas un pavé, c'est une montagne avec tous ses personnages, sa philosophie, sa poésie, ses digressions, ses dialogues, résumer 20 années d'histoire franco-russe déjà nien élaguée, et on voudrait l'enfiler dans un dé à coudre ? je préfère l'attaquer par une autre veine qui arrivera je l'espère à tester la température de ce chef d'oeuvre.

Allez, je vais me jeter à l'eau, Guerre et Paix comme l'oeuvre fictionnelle de Léon Tolstoï n'est pas résumable parce que chaque mot compte. Il a fait un travail d'orfèvre pour exprimer son idée. Chez lui, le mot est au service de l'idée : Il ne doit non seulement comporter aucune faille mais pas plus la distraire. S'il n'a pas voulu en dire plus ou en dire moins, c'est qu'il en a trouvé la vraie mesure pour exprimer son dessein littéraire. Qu'on se rassure, dans cette démesure de géant, il sait aussi écrire une nouvelle sur un confetti !..

S'il est un épisode marquant dans Guerre et Paix, c'est bien celui du bal, la vraie rencontre de Natacha Rostov et du prince André. Il semble à la fois bien loin et bien absent de la scène moderne où l'aspect cérémonial est ramené à sa portion congrue, parfois moche. Ici c'est un autre monde sans conteste séduisant, troublant et attachant. On se demande bien même si Lénine n'aurait pas rêvé d'un monde si fastueux dans ses moments les plus fous où il courait après sa maitresse française Inessa Armand, que ne lui eût-il consenti alors ? On sait trop que ces révolutionnaires, mauvais avec ça, peau de lapin aspiraient dans le fond non pas à construire un monde plus juste pour les pauvres gens mais à prendre la place instituée de ceux qui l'avaient, certes avec un conservatisme étroit qui ne pouvait que défier le bon sens.

Des bals, Tolstoï en a "fait" dans sa littérature, mais en réalité il en a vus, il en a conçus, il en a entendu parler dans la famille et sut probablement mieux que personne les décrire avec le don d'observation qui était le sien. Mais il savait au fond de lui-même que ce n'était pas pour lui : il vivait dans sa province de Toula à Iasnaïa Poliana et entendait y demeurer dans ces moeurs rurales, cela lui allait, cela allait à sa rusticité et à son côté un peu ours, nature. Sa jeunesse, en matière amoureuse, il l'avait flambée non pas dans les trottoirs de Manille mais les bordels et les salles de jeu de la capitale.

Un court roman : le Bonheur conjugal écrit avant Guerre et Paix fait état de sa disposition d'esprit eu égard au bal. Dans cette fiction, Il enverra sa femme au bal non pas pour assouvir la passion de sa femme pour le grand monde, qui s'ennuyait à la campagne mais pour tester les qualités de coeur fidèle de sa jeune épouse, belle et convoitée, autant dire que le couple vacillait malgré l'amour que lui portait sa femme. Un insupportable imbroglio, un impossible dialogue à la Taylor-Burtun moins la violence peut-être saborda définitivement ce couple. Tolstoï ressentait bien la faiblesse de son âme et quand il s'éprit de Sonia (dans la vraie vie), il lui arriva de se demander s'il était prêt pour cela alors même que ce trentenaire commencait à se sentir vieux garçon et à désespérer de son idée de fonder un foyer un jour, comme il se doit dans le droit fil de sa lignée princière car des roturières il en avait connues.. Il eut alors la main heureuse avec Sonia et la tribu des Bers : le père étant médecin à la cour.

Dans les années qui figent l'environnement de ce bal légendaire, à la fin de la première décade de l'an 1800, on en est encore où l'empereur Alexandre multiplie les bonnes relations avec Napoléon empereur des français. Les deux hommes sont alors considérés comme " les deux maîtres de l'univers". Certes au plan international, l'atmosphère commence a chauffer sec ..il y a d'autres partenaires dans le jeu malgré tout !..

La jeune Natacha Rostova se prépare à affronter son premier bal, dans la capitale russe, elle y vient accompagnée de sa maman et de sa soeur. Son frère Nicolas est par là aussi. Celui-ci semble déjà fort affairé. le grand petit monde se connaît. Natacha a comme l'intime conviction que c'est son grand jour sans en mesurer pleinement les limites : comme un grand saut dans l'inconnu. Dans sa toute fringuante jeunesse, elle se demande si elle a suffisamment la tête sur les épaules pour affronter ce genre de défi où tout peut arriver ; ce qui semble la troubler singulièrement, c'est qu'il va se passer quelque chose dans sa vie, dans un sens comme dans l'autre, comme une loterie tant son engagement, sa quête amoureuse lui paraît démesurée !.. elle a rendez-vous avec le rêve qui peut capoter à tout instant. Nous en sommes là quand Natacha aborde le palais princier où a lieu traditionnellement le bal du réveillon honoré de la présence de l'empereur et de l'impératrice .. Ce n'est qu'à la vue de la salle de danse et de tout le gratin pétersbourgeois où les couples de danseurs se forment qu'elle se retrouve face à elle-même au bord de la piste, elle se sent alors faible, vulnérable .. Ce sont des moments évanescents où la force, la volonté peut aussi la remonter si ..

Le cinéma de Bondartchouk le spécialiste du genre a fait de ce bal un moment exceptionnel, il a pris un peu de liberté par rapport à Tolstoï mais franchement sa version est convaincante et admirable. Il ne me semble pas par exemple que Natacha reste muette pendant un quart d'heure : son corps, ses mimiques remplacent l'expression de la parole, comme la danseuse de l'opéra qu'elle est .. C'est du grand art !

Et quand nous mettons Dance me to the end of love de Léonard Cohen sur Natacha Rostova Youtube, c'est un merveilleux moment que je ne me lasse pas de revoir .. La beauté fraîche de Natacha façonnée de main de maître par Tolstoï où il a pris un peu de Sonia, un peu de Tatiana, revue et corrigée par l'émule cinéaste est à couper le souffle !..

Mais il y a encore un moment qu'il ne faut pas sacrifier qui vaut mille fois ce que je peux en dire, à part Léonard et Bondartchouk, c'est le texte de Léon Tolstoï qui est allé de son génie chercher la matière, la vraie, primesautière comme le saut du faon, charnelle comme le coeur d'une jeune fille qui caresse son premier grand rêve amoureux.. de ce moment inoubliable, ne s'échappe aucune ride, c'est un cran au dessus .. :

Dans la salle de danse..
" .. Mais avant d'arriver jusqu'à elles, Bezoukhov s'arrêta auprès d'un très bel homme brun, de taille moyenne, en uniforme blanc qui, dans l'embrasure d'une fenêtre causait avec un personnage de haute taille à la poitrine constellée de plaques et barrée d'un cordon. Natacha reconnut aussitôt le jeune homme en uniforme blanc ; c'était Bolkonski qui lui parut avoir beaucoup rajeuni, embelli et être beaucoup plus gai.
"Voici encore quelqu'un que nous connaissons, maman, Bolkonsky. Vous voyez, dit-elle en montrant le prince André. Vous vous souvenez, il a passé la nuit chez nous à Otradnoïe.
- Ah ! Vous le connaissez ? dit Melle Peronski. Je ne puis le souffrir. Il fait à présent la pluie et le beau temps. Et son orgueil sans bornes ! il tient de son père; Il s'est lié avec Speranski, ils rédigent ensemble on ne sait quels projets. Regardez comme il traite les dames ! Il y en une qui lui parle et il s'est détourné, ajouta-t-elle en le leur montrant. Je lui dirais son fait s'il se conduisait avec moi comme avec ces dames."
(..) Les accents de la polonaise qui dura assez longtemps retentissaient maintenant tristement aux oreilles de Natacha - comme un rappel. elle avait envie de pleurer. Melle Peronski les avait quittées. le comte se trouvait à l'autre bout de la salle. la comtesse Sonia et elle étaient seules dans cette foule étrangère comme au milieu d'une forêt, sans intéresser personne, sans que personne ne se souciât d'elles. le prince André passa devant elles avec une dame à son bras, visiblement sans les reconnaître... "

Les pages consacrées à ce bal se déroulent sur un chapitre où ce fragment peut-être n'est pas le plus fort, mais il faut lire, je ne vais pas recopier ici un chapitre entier. Il me fait dire en tout cas que cette simplicité apparente de la vie parfois prend une tournure qu'on ne saurait mieux dire avant tout le reste qui ne que littérature. C'est la chanson Aline du regretté Christophe qui me fait penser dans sa simplicité d'écriture et son fragment de vie si riche à ce que je veux dire et qui peut m'aider à éclaircir mon propos ...





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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La société et en général l'ordre social subsistent non pas grâce à ces criminels légaux qui siègent et qui condamnent les autres hommes, mais parce que malgré tout et en dépit de cette aberration les hommes gardent un peu d'amour et de pitié les uns pour les autres.

RÉSURRECTION : Troisième partie, Chapitre XXVIII.
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