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Critique de afriqueah


Après une grave crise existentielle et beaucoup de morts parmi ses proches, Tolstoï voulait écrire sur la mort ordinaire d'un homme ordinaire, l'attente angoissée de la mort, enfin l'engloutissement du moi dans le néant, et ses questionnements :
« il n'est plus possible de continuer à vivre comme j'ai vécu jusqu'à présent, et comme nous vivons tous. ».
Dans la première partie, Ivan Ilitch est mort, ses collègues pensent chacun au poste laissé vacant, remplacé par qui, qui lui- même devra être remplacé par qui….
Son meilleur ami Piotr Ivanovitch pense tout de suite à son beau-frère, car s'il arrive à le placer, sa femme la bouclerait.
A voix haute, il dit : C'est triste ».
Puis Piotr se rend dans la maison endeuillée, essaie de ne pas regarder le cadavre, est interviewé par la veuve, tellement écrasée par le chagrin, qu'elle doit (luttant contre les larmes irrépressibles) continuer à parler gros sous. Combien pourrait-elle toucher de l'Etat, vu le deuil ? Non, pas les droits normaux qu'elle ne peut ignorer, d'autres, plus intéressants ?

L'incident de la mort – Tolstoï le répète, en notant tous les égoïsmes des proches,
l'hypocrisie, les souffrances non pas du mort mais de sa femme, martyre de cet homme malade ( Et qu'est-ce qu'elle y pouvait, elle, s'il ne prenait pas ses médicaments, ce n'est quand même pas elle la responsable, non ?) l'incident, vécu comme une futile mésaventure qui ne peut pas nous concerner nous autres, les vivants-- cet incident, donc, laisse place, dans la deuxième partie, à l'évocation de la vie d'Ivan Ilitch.
Ordinaire, sans doute, cette vie, plaisirs, carrière, mariage, puis à la naissance du premier enfant, jalousie de sa femme, qui lui rend la vie impossible, carrière en berne, et la haine.
Sa femme le hait.
Patatras, sa santé décline, son humeur s'aggrave.
Si tu es malade, soigne-toi, et n'en parlons plus, lui dit-elle, arrête de me contrarier.
Et il reste seul, sans autre compassion que le paysan qui lui tient les jambes, seul, tout seul, et surtout pas aidé par les médecins qui le traitent comme un prévenu, ne savent pas et n'ont pas envie de savoir. Parfois il croit que rien n'est grave, d'autres fois il se dit qu'il va mourir, il fait le bilan de sa vie ordinaire pitoyable et empoisonnée, car il empoisonne la vie des autres, « et cette vie au bord du précipice, il fallait la vivre seul, sans un seul être qui le comprenne et qui le plaigne ».
Après sa mort, entourée d'indifférence et d'hypocrisie, après sa vie, où la recherche du plaisir est minée par la haine et la peur de mourir, Tolstoï nous conte longuement , directement, sans recours au pittoresque ni à la recherche de style, l'agonie d'Ivan Ilitch.

Ce dernier n'a jamais beaucoup remis en cause le système judiciaire où il condamnait les prévenus, et voilà que sa mort est réduite à un « désagrément passager non dénué d'indécence. »
L'agonie est longue, douloureuse, tourmentée par les mensonges de son entourage minimisant son mal au lieu de reconnaître l'horrible situation où il se trouve.
Jamais lu une aussi troublante analyse sur la descente inexorable vers la mort, descente où Ilitch met en examen sa propre existence, ses leurres, sa manière de n'avoir jamais vécu qu'à la superficie de lui-même.
Et sur sa solitude absolue.
Puis lumière, la mort n'existe pas conclut cet immense écrivain qu'est Tolstoï.

LC thématique juillet : un prénom dans le titre.
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