Le Faux coupon
(Nouvelle traduction de 2009, de Pierre Skorov. Il est un jeune éditeur trilingue né à Moscou vivant et travaillant en France et s'emploie à traduire des oeuvres classiques et contemporaines russes.
Le Faux coupon est une oeuvre de 1903, 153 pages. Tolstoï en écrit le premier chapitre en 1880, l'abandonne pour la reprendre en 1902, mais y pense souvent.
Un extrait :
"Quatorze ecclésiastiques étaient détenus dans la prison du couvent de Souzdal (*), presque tous condamnés pour s'être écartés de l'orthodoxie. Ce fut là qu'on envoya Isidore. le père Mikhaïl reçut une lettre qui accompagnait Isidore, et suivant les ordres qu'elle contenait, ordonna de l'enfermer dans une cellule isolée comme un criminel important, sans avoir parlé avec lui. le père Isidore était en prison depuis deux semaines, quand le père Mikhaïl fit le tour des prisonniers. Il entra chez Isidore et lui demanda s'il avait besoin de quelque chose.
- J'ai besoin de beaucoup de choses, répondit-il : mais je ne puis te le lire devant témoins. Donne-moi l'occasion de te parler en tête à tête.
Leurs regards s'étaient rencontrés et Mikhaïl comprit qu'il n'avait rien à craindre. Il ordonna qu'on conduise Isidore dans sa cellule et, lorsqu'ils furent restés seuls, il lui dit :
-Eh bien, parle.
Isidore tomba à genoux.
-Frère ! dit Isidore. Que fais-tu ? Aie pitié de toi-même. Il n'est pas de criminel pire que toi, tu as foulé aux pieds tout ce qui est sacré..
Un mois après, Mikhaïl envoya une requête dans laquelle il demandait qu'on libérât comme repentis non seulement Isidore mais aussi sept autres, et lui-même demanda la permission de se retirer dans un couvent."
(*) de cette prison, Tolstoï a des raisons de s'en souvenir. Sur ordre (oukase) de L'Impératrice Catherine II en 1766, une prison dans le monastère est érigée pour y recevoir les condamnés fous (décembristes et religieux). Ca n'empêcha pas certains d'être incarcérés avec toute leur tête et de devenir fous. Un panneau indique à l'intérieur que Tolstoï a bien failli y séjourner en 1892 lorsqu'il eut maille à partir avec les autorités qui le traitèrent d'antéchrist, de 13 e apôtre et l'accusèrent -à tort évidemment- d'avoir manigancé avec les américains dans le but d'obtenir des aides pour secourir le peuple affamé dans deux régions de Russie et ainsi faire oeuvre antipatriotique .. . Plus tard, dans les années 80, Tolstoï participa à la libération de quelques orthodoxes vieux-croyants qui étaient détenus là depuis des lustres.
Ce texte est écrit comme une parabole biblique, accélérée, épique et sans fioritures. Cet exercice n'est pas nouveau chez lui dans un certain nombre de contes notamment, il devient là réalité ..
Souzdal à part ces sombres moments du passé, est aujourd'hui un gros village de 10000 habitants bon an mal an traversé par la rivière Kamenka qui serpente entre les collines sur l'une desquelles on aperçoit ce monastère prison dont il est question ici avec ses imposantes murailles rouges. Il servait jadis de place forte pour lutter contre les invasions tatares. Dans cette rivière, l'été où il fait chaud, les gens du pays s'y baignent volontiers.
Je l'ai visité l'été, je l'ai visité l'hiver, c'est un endroit pour les amoureux de la Russie et de l'Anneau d'or qu'il faut avoir fait au moins une fois dans sa vie. C'est à 230 kms au nord-est de Moscou et quand on arrive dans ce bled on est transporté dans le temps, il faut dire que ses quarante clochers y sont pour quelque chose. Il existe un monastère femmes de toute beauté qui est à fleur d'eau du Kamenka, ses murailles blanches se voient de loin ; on a l'impression de les voir (les femmes) toujours en activité comme dans une ruche ouvrière. L'été si Yoann Barbereau l'auteur de Dans les Geôles de Sibérie a vu des similitudes entre les eaux de Douarnenez et celles d'Irkoutsk (lac Baïkal), moi j'y vois des terres marécages entre les monastères qui ne sont pas sans me rappeler celles du pays de Bray, n'allez pas me demander pourquoi ..
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Pendant la nuit un rêve affreux l'éveilla : des potences se dressaient dans un champ, des cadavres s'y balançaient, et ces cadavres tiraient des langues qui s'allongeaient de plus en plus. Et quelqu'un criait : " C'est ton oeuvre, c'est ton oeuvre ! "
Le Tsar se réveilla en sueur et se mit à réfléchir. Pour la première fois il réfléchit à la responsabilité qui pesait sur lui, et chacune des paroles du vieillard revint à son esprit.
Mais il ne voyait l'homme en lui-même que de loin et il ne pouvait céder aux simples exigences humaines à cause des exigences que l'on imposait de tous côtés au Tsar. Pour ce qui était de reconnaître les exigences de l'homme plus nécessaires que celles du Tsar, il n'en avait pas la force.
Eugène Mikhaïlovitch ouvrit l’enveloppe et n’en crut pas ses yeux. Des billets de cent roubles ! Il y en avait quatre. Que voulait dire cela ? Il lut la lettre pleine de fautes d’orthographe : « D’après l’évangile il est dit : Fais le bien pour le mal. Vous m’avez fait beaucoup de mal avec le coupon, et j’ai fait beaucoup de mal au paysan. Mais cependant j’ai pitié de toi. Prends ces quatre billets de cent roubles et souviens-toi de ton portier, Vassili. »
- Où est l’argent ? dit-il sans la regarder.
Elle ne répondit pas.
- Où est l’argent ? répéta Stepan, en montrant le couteau.
- Que fais-tu ? Peut-on faire cela ? prononça-t-elle.
- Ca se voit qu’on le peut.
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