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3.95/5   10 notes
Résumé :
En août 1869, Tolstoï part en voyage avec un serviteur pour acheter une propriété dans l’Est. Le soir, il fait halte dans une auberge d’un village nommé Arzamas et, à 2 heures du matin, il se sent terrassé par une crise d’angoisse, de terreur encore jamais ressentie : « Brusquement, ma vie s’arrêta […] Je n’avais plus de désir ; je savais qu’il n’y avait rien à désirer. La vérité est que la vie était absurde. J’étais arrivé à l’abîme et je voyais que, devant moi, il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Autour des Notes d'un fou. (oeuvre posthume)

Quand Léon Tolstoï a achevé son roman fleuve Guerre et Paix qui l'a occupé pendant 5 ans, où il travaillait d'arrache pied dans son bureau, sauf que le génie créateur qui était en lui lui faisait tout oublier : il était totalement dans sa bulle ; mais il s'octroyait des plages l'été, 1866 fut à mes yeux la plus importante .. au milieu du gué ..elle eut des effets conséquents sur sa personne qui furent imprévisibles. Autant on savait presque par coeur l'état de la conscience de Tolstoï quand il écrivait -jusqu'à se donner des bons, des mauvais points et ce qu'il fallait faire pour redresser la barre, plus l'étalage de quelques humeurs au passage que nous renseignaient ses journaux et ses carnets ; il suffisait aussi de lire ses nouvelles et ses récits , autant à un moment donné, puisqu'il mit fin temporairement à son journal intime quand il s'employa à Guerre et Paix. Alors j'ai le sentiment que beaucoup reste à écrire sur ces 5 ans de vie de Tolstoï, même s'il a affirmé que sa vérité était dans ses livres. A le supposer, Il ne pouvait pas tout caser dans son pavé littéraire historique qu'il a su rendre vivant en en publiant chapitre après chapitre. Alors si vous n'aviez pas la chance de faire partie de ses intimes à l'époque, il faut ramer, rechercher des bribes dans les journaux russes, des indiscrétions de secrétaires particuliers, des confessions inavouables de femmes d'un jour ou que sais-je. C'est important ces choses là car si vous n'êtes pas foutu par exemple de savoir que Gauguin a vécu un véritable traumatisme en se battant avec des marins à Concarneau, vous ne saurez rien de l'état d'esprit qui le guidait à l'époque et de l'objet de son exil en Polynésie. Je ferme la parenthèse. Perso, une fois de plus je pense que l'oeuvre d'un artiste est indissociable de sa vie et que j'aurais beaucoup de mal à lire le sens caché d'une oeuvre dans ces conditions. Je lis parfois: on ne sait rien sur lui, eh ben c'est bien dommage ! J'ai besoin de connaître ce versant d'un auteur, j'ai le sentiment d'y voir plus clair, voilà ! Je me contente à moitié des vues de l'esprit, il faut border ! Si le magnifique film Histoire d'une nomination de Smirnova qui met en scène Tolstoï relate un épisode annonciateur d'un évènement qui se produira 3 ans plus tard, c'est l'objet de mon intervention, ce n'est pas pour rien. On en aurait presque oublié le grand chantier littéraire qui le portait à cette époque, dans la force de son âge .. Oui, je ne vais pas plus longtemps tourner autour du pôt : il eut une crise d'angoisse, alors qu'il était déjà bien marié et avait deux enfants. Cela soulevait le coeur de Sonia sa femme .. qui se retrouvait souvent nez à nez avec lui puisqu'elle était la secrétaire de choix de Guerre et Paix .. J'ai même lu que sans elle, ce projet titaneque eût été impossible, oui probablement impossible dans sa perfection, je ne pense pas que la part féminine qui agite le roman -comme tout homme possède en lui- fut là la seule sollicitée chez l'écrivain, il y a sûrement du Sonia. Mais j'avoue que ces choses là, pour ce qui m'occupe me sont difficiles à cerner, tout comme la part sombre de cet épisode d'été 1866, à savoir dans quelle mesure elle ait pu noircir le tableau de la deuxième et dernière moitié de Guerre et Paix ; il me semble avoir lu ça aussi une fois ..

Ce qui est sûr, c'est qu' à l'issue de la création de Guerre et Paix, les retombées en quelque sorte ne l'obsédèrent pas plus que ça, même si les milieux littéraires, les critiques de l'époque n'en avaient pas fini de louer la qualité exceptionnelle du roman qui se distillait par épisode dans les annales. Y avait-il de la fausse modestie chez Tolstoï à s'obstiner à ne pas voir les bienfaits de l'impact sur le public de cette oeuvre magistrale ? Toujours est-il qu'il en appréciait les dividendes, puisque devenu riche,- alors qu'au départ en 1862, on se souvient, il avait besoin d'argent frais suite à ses déconvenues financières causées au jeu -. Il hâta même la publication des Cosaques pour toucher un peu de pognon pour ne serait-ce que se marier ! Seul besoin financier qu'il eut probablement dans sa vie !

En septembre 1869, roman achevé, il s'en va dans une petite localité de la région de Penza dans le but d'acheter une propriété dont il avait appris la mise en vente par une annonce de journal. Penza c'est vers le sud-est, dans la direction de Samara .. Il aimait par là, la nature, les forêts .. !..

Et puis là, il raconte, d'abord pour commencer à sa femme ce qui lui arrive chemin faisant. Il a fait une halte à Saranck et confie son désespoir : "avant-hier, j'ai passé la nuit à Arzamas et il m'est arrivé quelque chose tout à fait insolite ! .. j'ai été pris d'une tristesse, d'une angoisse, d'une terreur comme jamais je n'en ai eu. .. Pendant ce voyage, pour la première fois, je me suis rendu compte à quel point nous sommes soudés, toi et moi et les enfants. Je peux rester seul quand je suis constamment occupé, comme à Moscou, mais quand je suis désoeuvré comme maintenant, je sens que je suis incapable de vivre seul ! .. J'ai été seul pendant tout le voyage, (à part son domestique) comme dans un désert sans rencontrer un seul être civilisé .. Adieu ma chérie, le seul point positif est que je ne pense pas à mon roman et à la philosophie."

Cette note d'angoisse a été racontée par l'auteur dans la nouvelle les Notes d'un fou en 1884. liées à son époque, à son destin immanquablement, car qu'avait-il d'autre pour se plaindre lui qui ne se plaignait jamais au demeurant.. D'ailleurs il ne s'en plaignit pas puisqu'il laissa ces écrits dans ses tiroirs. Il n'y a pas là aussi meilleure réponse à la répudiation de ses fictions sitôt écrites que trop de distraction l'y invitait, selon lui évidemment. Cette nuit d'Armazas à dire vrai, j'ai l'impression qu'elle a pris une tout autre tournure dans l'esprit ou l'imagination des éditeurs et des gens de la profession. Elle permit surtout à l'auteur de faire travailler sa machine à créer comme il en avait le secret dès lors qu'il scrutait dans son environnement propre quelque chose d'insolite qui pût surtout intéresser le public, mais ça se le dire à soi, très peu pour lui. Qu'il en fasse mention dans une correspondance privée adressée à sa femme pour lui rappeler d'ailleurs son amour pour elle, c'est mignon, mais il n'en a pas fait une jaunisse.

C'est pour ça que lorsqu'on en fait tout un plat de cette nuit d'Arzamas, ça me fait doucement rigoler, comme s'il y avait un avant et un après dans la vie de Tolstoï eu égard à cet épisode qui ne vaut que dans la tête des radoteurs qui veulent à tout prix décomposer la vie d'un être anthologique dont ils ne savent rien à vrai dire comme un prof de golf décompose un swing, alors que ça relève du prodige.

Dans ce qui reste de cette fameuse nuit, passée à la postérité je note surtout la flamme ambitieuse d'un auteur quinze ans après qui raconte dans une suberbe nouvelle une nuit complètement extrapolée, c'est la génèse de tout génie créatif. Et même pas une place pour Sonia pour la circonstance !.. C'est même écrit à front renversé ! Ce fut à peine une lubie de l'artiste d'ailleurs puisque franchement dans la vie courante, il y a vraiment de quoi se prendre pour un fou parfois et j'imagine que sous les Tsars, ce ne fut guère plus folichon ! Eté 1866, prémisse d'un Armazas, plutôt à mon sens Histoire d'une nomination, qui reviendra à l'esprit de Tolstoï 30 ans après avec du rouge aux oreilles, mais ça il faut voir Histoire d'une nomination d' Avdotia Smirnova.

"Aussi, je cherchais à traiter avec quelque imbécile ignorant des affaires; enfin je crus l'avoir trouvé". Tiens ce jour là, je me demande si ce n'est pas une part de Gogol, vieille réminiscence confuse de lecture qui agitait encore notre ami Léon. On est bien loin de tout ce qu'on peut en dire et qui peut faire le buzz, et comme disent les psychologues, il faut remonter dans l'enfance pour y voir une trace de compréhension de la complexité de la nature humaine !.. §§§ Cela bien sûr peut m' être objecté, on est là pour en parler, même tout d'ailleurs, chiche, mais pas trop quand même §§§ Si je devais relire l'oeuvre au complet "du grand écrivain de la terre russe", je commencerais par Enfance, comme je l'ai réellement fait d'ailleurs, mais ça c'était le fait du hasard !..PG, 3
décembre 2022.

En relisant les Notes d'un fou que j'ai retrouvé intitulé Mémoires d'un fou, oeuvres posthumes texte classé comme conte d'une trentaine de pages publié aux éditions Bossard en 1925, traduit du russe au français par Georges d'Ostoya et Gustave Masson, il m'est "apparu quelque chose de nouveau" pour paraphraser son auteur; alors que le Grand Meaulnes s'éloigne inéluctablement de moi ayant à mon sens terriblement vieilli à la relecture, plein de choses, trop de choses ne se font plus, ne se disent plus, même le charme n'a plus opéré en moi, privé de son intemporalité, pas celle d'une messe de curé, j'ai trouvé ici ce texte dépouillé de tout superflu, pas un mot à enlever ou à rajouter, cela me paraît relever d'une puissance inégalable en littérature. Tolstoï dans les années 1880 était dans les cimes de son art. Pensez-donc qu'à côté de cela, on retrouve des oeuvres fortes comme Trois vieillards, la Mort d'Ivan Ilytch, Ivan le sot... Je ne sais pas pourquoi, à sa première lecture, les Mémoires d'un fou ne m'avait pas sauté aux yeux, mais peut-être ai-je confondu avec un autre texte, et là l'auteur russe éclate de sa forme, rien ne lui résiste, c'est fluide comme de l'eau de source, tout est rebattu par l'alchimie tolstoïenne qui en fait littéralement un joyau se hissant avec une force capable de traverser le temps comme s'il l'avait écrit pour des générations futures. On se rend compte que ce pût être un nanar s'il était resté dans les clous de son néant d'alors. Et puis, alors là quand il vous parle de Kharkov, on ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec le Kharkov d'aujourd'hui qui semble ne plus rien n'avoir en commun, on y voit plutôt une similitude avec Maître et serviteur au plan narratif, et manifestement cet épisode pourrait arriver à n'importe qui aujourd'hui, et chacun peut y lire un renvoi à soi-même pour ce qui est de ce que la vie tourmentée nous réserve. J'ai sûrement éprouvé des moments analogues quand j'étais à l'étranger et que le soir venait avec une forme d'angoisse existentielle, une âme flottante qui vous rend perméable à toute contrariété comme un orphelin dans un désert incompréhensible et incontrôlable. Il y a peut-être danger d'une vie sur terre alors .. Et puis le lendemain la vie reprend son cours comme si de rien n'était, même pas de gueule de bois mais pas plus fort non plus, happé par une sorte d'existence plus commode, ce qu'on appelle aujourd'hui notre zone de confort .. Y a t'il plus de raison de continuer alors dans ces conditions, la voie de la spiritualité s'offrira à Tolstoï, mais pour ne pas rester sur une note un peu sèche, j'y vois un peu d'âme slave tout de même, d'essence terrienne qui avec ses chansons, sa musique, ses poèmes, ses romans n'a pas son pareil pour explorer des contrées inacoutumées de la nature humaine et surtout de les faire vivre près de soi. synonyme d'attachement plus que d'accomodement dans nos vies...
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Ce court texte autobiographique raconte la soudaine et violente prise de conscience de Tolstoï quant au caractère mortel que sa condition humaine lui impose.
Peu après avoir achevé Guerre et Paix, il part avec un serviteur acheter une propriété en campagne et se retrouve, comme l'eut dit Pascal, privé de son principal divertissement et donc directement confronté à l'idée de sa mort, inéluctable et imminente.
Cet effroi l'amènera à embrasser la foi chrétienne, tout en restant très critique vis à vis de l'Eglise russe, le plaçant ainsi sur une ligne anarcho-chrétienne.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
20 octobre 1883.

AUJOURD’HUI on m’a amené à la Chancellerie, pour examiner mon état mental. Les opinions étaient partagées. Ils ont discuté, puis décidé que je ne suis pas fou. Mais ils en ont décidé ainsi parce que, pendant l’examen, je me suis tenu sur mes gardes, mettant toutes mes forces à ne pas me montrer sous mon vrai jour. Je n’ai pas dit tout, par crainte de la maison des fous. Je crains que, là-bas, on ne m’empêche de poursuivre mon idée folle. Ils m’ont reconnu comme sujet à des arrêts de conscience, et encore quelque chose, mais sain d’esprit. Ils ont reconnu cela, mais moi, je sais que je suis fou. Le docteur m’a prescrit un traitement en m’assurant que, si je m’y soumets strictement, cela passera. Tout ce qui m’inquiète passera. Oh ! que ne donnerais-je pour que cela passe ; je souffre trop ! Je raconterai tout en ordre, comment et pourquoi je fus examiné à la Chancellerie, comment je devins fou et comment ma folie s’est trahie.
Jusqu’à l’âge de trente-cinq ans j’ai vécu comme tout le monde ; on ne remarquait en moi rien de particulier. Étant enfant, avant ma dixième année, il se manifesta en moi quelque chose de semblable à mon état actuel, et encore ce n’était que par accès et non constamment comme maintenant. Je me rappelle qu’une fois, j’avais cinq ou six ans, ma vieille bonne Eupraxie, une femme maigre, grande, la peau pendante sous le menton, en robe brune et un bonnet sur la tête, m’avait déshabillé et voulait me mettre au lit.
— Tout seul, tout seul, j’irai tout seul ! dis-je, et j’enjambai mon lit.
— Eh bien, Fedinka, couchez-vous, couchez-vous. Vous voyez, Mitia dort déjà, dit-elle en désignant de la tête mon frère.
Je sautai sur le lit toujours tenant sa main. Ensuite je lâchai sa main, gigotai sous la couverture, puis m’enveloppai. Et j’éprouvai un tel bien-être ! Tout d’un coup, je me tins tranquille et pleurai : « J’aime nounou ; nounou m’aime et elle aime Mitenka. Moi j’aime Mitenka ; Mitenka m’aime et aime nounou. Nounou aime Tarass et moi j’aime Tarass et Mitia l’aime aussi, et Tarass m’aime et aime nounou. Et maman m’aime, et elle aime nounou ; nounou aime maman, m’aime, aime papa ; tous aiment et tous sont heureux. »
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Je souffrais, d'une souffrance sèche et méchante ; pas une parcelle de bonté en moi, mais une méchanceté uniforme, calme, envers moi et envers ce qui m'a créé. Qui m'a créé ? Dieu, on dit que c'est Dieu...
"Prier", pensai-je.
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Il semble qu'on craigne la mort, mais lorsqu'on y réfléchit et qu'on pense à la vie, on s'aperçoit qu'on ne craint que la vie qui meurt.
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