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Critique de Presence


Ce tome fait suite à The hunt for Robin (épisodes 29 à 34, numéro spécial "Robin rises: Omega") qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 35 à 40, ainsi que "Robin rises: Alpha 1", "Batman & Robin annual" 3 et "Secret Origins" 4, initialement parus en 2007, tous écrits par Peter Tomasi. Les épisodes 35 à 40 sont dessinés par Patrick Gleason et encrés par Mick Gray. Robin rises alpha est dessiné par Andy Kubert et encré par Jonathan Glapion. le numéro annuel 3 est dessiné par Juan Jose Ryp, et encré par Ryp Juan Albarran et Jordi Tarragona. Les 12 pages du Secret Orgins sont dessinées et encrées par Ian Bertram avec une mise en couleurs de Dave Stewart.

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- ATTENTION : ce commentaire révèle des éléments de l'intrigue du tome précédent.
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Batman a donc trouvé le moyen de se rendre sur Apokolips pour récupérer le corps de son fils, caparaçonné dans une armure qualifiée de Hell-Bat. Il se lance dans des affrontements brutaux, défiant Kalibak (l'un des fils de Darkseid) jusqu'à parvenir jusqu'au corps de son fils. Pendant ce temps-là, Red Robin (Tim Drake), Red Hood (Jason Todd) et Batgirl (Barbara Gordon) cherchent un moyen pour parvenir eux aussi sur la planète Apokolips. Ils doivent en passer par Cyborg (Victor Stone), et le convaincre avec l'aide d'Alfred Pennyworth. Il s'en suit une bataille homérique.

De retour sur Terre, Bruce Wayne est confronté à un problème inédit : Damian (10 ans) dispose de superpouvoirs, tel que le vol autonome, une superforce, un haut degré d'invulnérabilité, et même des rayons oculaires destructeurs. Damian était déjà ingérable avant, la situation devient intenable.

C'est l'une des lois regrettables des comics : un bon personnage est un personnage qui est condamné à ressusciter. Il en est de Damian comme de tant d'autres, à commencer par Jean Grey, Bruce Wayne, Clark Kent, Tante May…, c'est une liste sans fin. Au moins pour en arriver là, Peter Tomasi et Patrick Gleason ne ménagent pas leurs efforts. Depuis le tome 4 Requiem for Damian, ils ont montré l'obsession de Bruce Wayne pour retrouver son fils. Ils ont montré jusqu'à quelle extrémité il était prêt à aller. En suivant ces épisodes, le lecteur y a vu l'obsession de Bruce Wayne, son refus de capituler quel qu'en soit le prix à payer, l'entêtement déraisonné et compulsif d'un père ayant perdu son fils, incapable de dépasser la phase de déni dans les 5 étapes du deuil. de ce point de vue, le scénariste ne faisait que mettre en scène la détermination de Batman telle qu'elle peut s'exprimer dans son jusqu'auboutisme. Il le faisait avec inventivité et les dessins de Patrick Gleason lestés de noir, oscillaient entre le noir du deuil, l'obscurité de l'obsession (fermée à toute distraction), et des spectacles enflammés, expression de l'énergie du désespoir habitant ce père endeuillé.

Dans les 3 premiers épisodes, le scénariste fait son boulot en bon professionnel. Batman a revêtu une armure exceptionnelle, et il écrase tout ce qui se met entre lui et son objectif. Pour ce faire, Tomasi utilise la mythologie du Quatrième monde (voir Fourth World) créé par Jack Kirby. Il ne rentre pas dans les détails, et se contente de sortir 2 ou 3 personnages d'Apokolips qui servent d'opposants à Batman, ainsi que des paradémons anonymes et sans histoire personnelle. Il rajoute la tentative des Robin présents et passés pour le rejoindre, et c'est parti pour des pages d'affrontements. Oui, mais voilà, ces pages sont dessinés par Patrick Gleason (et encrées par Mick Grey). Ça change tout, car au lieu d'avoir une enfilade de gugusses en train de distribuer des mornifles, le lecteur découvre des pages somptueuses. Bien sûr il y a des individus en train de se taper dessus, mais il y a aussi une approche de la narration graphique esthétisante.

Sans se départir de son coup de crayon propre, Patrick Gleason flanque le frisson au lecteur, car il semble s'abreuver à la même source que Jack Kirby, pour des pages qui explosent à la figure, pleine d'énergie et de créatures extraordinaires. Cela ne veut pas dire que la plupart des personnages ont la bouche grande ouverte avec une main tendue vers le lecteur, ou que les aplats de noir prennent des formes géométriques torturées en glissant vers l'abstrait. L'artiste ne singe pas les spécificités de Jack Kirby. Ses aplats de noir restent toujours aussi massifs, avec des contours plus fluides. Ses découpages de planches sont tous cousus main, et particuliers pour chaque séquence, chaque planche même. Les silhouettes et les visages sont délicatement ciselés, à l'opposé des visages taillés au burin de Kirby. Cela veut dire que les personnages avancent dans une urgence permanente, au milieu d'énergies folles les dépassant, bondissant d'une case à l'autre au péril de leur vie, frappant avec toute leur force. Sur la base d'une avancée irrépressible de Batman se taillant un chemin au travers de ses ennemis, Patrick Gleason montre une véritable épopée, mémorable en tout point, celle d'un individu intrépide et brutal, incapable de comprendre le sens du verbe renoncer. La mise en couleurs de John Kalisz renforce l'impression d'apocalypse permanent, avec des rouges sombres incendiaires.

Après ces 3 épisodes de bruit et de fureur, vient le temps d'une transition dans la Batcave, également sur la base d'un affrontement physique. Pour tenir la cadence, les responsables éditoriaux ont pris le parti d'en faire un numéro spécial (Robin rises: alpha), dont les dessins sont confiés à Andy Kubert. Quitte à s'amuser, Peter Tomasi pousse la logique du récit jusqu'à son terme : au vu des modalités du retour de Damian, il est logique qu'il hérite de superpouvoirs. Cet épisode de transition est donc le moyen idéal pour les présenter. Kubert réalise un travail professionnel et dynamique, mais qui apparaît fade après les pages plus sophistiquées de Patrick Gleason. le combat s'en trouve moins extrême que celui sur Apokolips, un peu plus fade. le combat en lui-même se ressent comme un peu étiré, et Tomasi assène une scène de sauvetage de Bruce par Damian dans une forme de renaissance des eaux, pas très fine.

Le lecteur découvre alors la couverture de l'épisode 38 et il a l'impression de rêver : un croisement parfait entre la sensibilité de Frank Quitely et l'assurance de Doug Mahnke. Cette dernière phase est proprement jouissive du début jusqu'à la fin. Bruce Wayne se retrouve avec un problème aux proportions titanesques : Damian (déjà difficilement gérable en tant que jeune garçon entraîné à être un assassin et très confiant dans ses capacités) est devenu un jeune garçon entraîné à être un assassin, dotés de superpouvoirs d'une grande ampleur (peut-être juste un cran ou deux en dessous de ceux de Superman), avec une confiance en lui inébranlable et sans limite. À la lecture de cette idée de scénario, le lecteur a l'impression de revenir dans les années 1950, où n'importe qui pouvait attraper des superpouvoirs aussi facilement qu'un rhume, pour des récits enfantins et parfois bizarres. Oui, mais il est impossible de résister à l'entrain de Damian, à sa joie de vivre communicative, à ses moues devant les décisions arbitraires de son père, à son émerveillement lorsqu'il arrive dans le satellite de la Justice League, etc. Patrick Gleason montre un enfant épanoui, heureux de sa situation, appréciant chaque moment, joyeux de pouvoir enfin se retrouver au niveau des adultes.

L'artiste réussit à faire exister comme peu d'autres ce garçon aux pouvoirs extraordinaires, transporté de joie parce qu'il prouve de manière manifeste sa valeur aux yeux des adultes. Son exubérance est aussi contagieuse qu'éclatante. En outre, Gleason est toujours aussi convaincant dans sa manière de mettre en scène les actions spectaculaires, ou les relations interpersonnelles. Peter Tomasi donne également l'impression de s'éclater à raconter cette phase de la vie de Damian. le retour de ce personnage permet de revenir au coeur de la série : la relation entre Damian et Bruce. L'intrigue sort d'une phase maniaco-dépressive dans laquelle Batman fonçait droit le tas pour atteindre son objectif, et revient dans la construction et le développement de la relation fils-père. Les superpouvoirs de Damian modifient sensiblement la dynamique de cette relation. Si avant il était un enfant difficile, ses superpouvoirs contraignent Batman à se montrer inventif comme jamais.

L'intelligence du scénariste est de trouver des exemples concrets qui montrent que superpouvoirs n'est pas synonyme d'invincibilité ou d'omnipotence. La sensibilité de Tomasi est de trouver des comportements qui sont intimement liés à l'enfance (sans être enfantins). le bonheur du lecteur est de voir Batman prévenant, tout en préservant les sentiments de son fils. Derrière les costumes chamarrés, l'attitude de Batman sévère et rigide, celle de Damian prétentieux et franc, il y a des individus qui dégagent une chaleur humaine irrésistible. le lecteur termine ces 3 épisodes avec des visions spectaculaires plein les yeux, des moments de connivence incroyables (par exemple entre Damian et Billy Batson, ou plutôt entre Robin et Shazam), pour terminer sur une image qui emporte tout sur son passage, celle de Batman & Robin s'élançant entre es toits de Gotham, déjà mille fois vues, mais rarement porteuse d'un tel sentiment de plaisir, d'un sens retrouvé du partenariat. 5 étoiles.

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- Annuel 3 - Batman et Robin enquêtent sur la Lune, au sujet d'entités extraterrestres qui récupèrent les débris de vaisseaux des missions lunaires. Peter Tomasi n'a rien perdu de sa facétie, mais le scénario ne peut pas rivaliser d'intensité émotionnelle avec les retrouvailles du père et du fils dans les épisodes précédents. Juan José Ryp n'a rien perdu de son investissement à réaliser des dessins méticuleux et hyper détaillés, mais il leur manque l'élégance de ceux de Mick Gray. 4 étoiles.

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- Secret origins 4 (12 pages) - Comme son nom l'indique, c'est l'occasion pour Alfred Pennyworth de rappeler les origines de Damian Wayne, à Nightwing qui est en train de le surveiller. Les dessins d'Ian Bertram évoquent un croisement entre ceux de Frank Quitely et ceux de Cameron Stewart, à la fois élégants et marqués. Ce rappel n'apporte rien pour le lecteur qui a vu la première apparition de Damian Wayne dans les épisodes écrits par Grant Morrison. Néanmoins, Peter Tomasi, toujours très en forme, sait retracer ces origines avec un ton particulier et aboutir à nouveau sur une relation affective rendant Damian toujours aussi attachant, malgré ses sarcasmes. 4 étoiles.

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Ce dernier tome de la série Batman & Robin écrite par Peter Tomasi l'achève en beauté. Patrick Gleason a trouvé le dosage parfait entre épure et énergie, avec un Damian Wayne irrésistible dans sa franchise désinhibée. Peter Tomasi sait intégrer les éléments les plus idiots de la série (Titus le chien de Damian, et Bat-Cow), tout en préservant le premier degré de la dimension aventures à grand spectacle, et en faisant rayonner les sentiments que se portent les personnages, à commencer par l'amour filial et l'amour paternel.
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