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Critique de migdal


Toujours aussi économe en personnages et en mots, Valérie Tong Cuong publie un bel ouvrage marquant cette rentrée littéraire. Menacés dans leurs conforts, les acteurs y sont minés par leurs lâchetés et leurs mensonges, avant que l'explosion finale ne les révèle à eux mêmes.

Pax Monnier, intermittent du spectacle, alterne les cachets en séries B avec des jeux de rôles en entreprises commercialisés par un cabinet de coaching. Sa vie de couple est morte depuis longtemps sous les coups assénés à sa compagne et à leur fille Cassandre. Une vie banale, hélas, jusqu'au jour où Alexis, son voisin du dessus, est agressé à domicile. Pax pratique la politique de l'autruche et livre un faux témoignage aux enquêteurs sur cette concommitance, en « oubliant » notamment de révéler qu'il a vu l'agresseur.

Emi Shimizu, RRH d'une société de transport, est née de l'union d'un japonais et d'une européenne ; métissée et bi-culturelle, elle projette une image rassurante, élégante et hiératique qui lui a permis de s'imposer et réussir dans un secteur plutôt « viril ». Brièvement mariée, elle élève seule son fils au parfait profil de « premier de classe », destiné aux grandes écoles et, si tout va bien, à Sup Aéro. Une vie paisible jusqu'à ce que sa société soit acquise par Demeson, un leader du secteur qui décide d'améliorer les résultats en éliminants les maillons faibles … contexte de harcèlement … Christian P en meurt … accidentellement … conclut l'enquête, durant laquelle Emi cache un courriel que Christian P lui a adressé en évoquant ses projets suicidaires. Ami, elle aussi, pratique la politique de l'autruche, en cachant la causalité, et son « oubli » la ronge en arrangeant son employeur.

Pax et Emi mènent deux vies parallèles, qui, par définition, ne doivent jamais se rencontrer. La romancière contourne l'axiome et imagine une coïncidence qui va réunir Pax, Alexis et Emi. La tragédie débute, fondée sur ce trépied concomitance, causalité, coïncidence, qui est riche de non dits et d'intrigues et s'achève, comme dans l'évangile de Saint Jean (8;31-47), par la démonstration que « la vérité vous rendra libres ». Roman superbe, écrit dans une langue épurée et émouvante.

Mais si la romancière connait les codes de la vie en entreprise, si elle en maitrise parfaitement les tics de langage, elle méprise le contexte politique, légal et réglementaire qui encadre l'achat d'une prestation de formation du personnel, ignore les arcanes administratifs d'un accident du travail (ou à fortiori d'un suicide sur le lieu de travail) et oublie le rôle de l'inspecteur du travail, du médecin du travail, des institutions représentatives du personnel (IRP) et des partenaires sociaux.

Là se situe la limite de ce roman. Car dans la « vraie vie », en 2019, ce qui est décrit en termes de processus d'achat d'une prestation ou de l'accompagnement de la mort d'un salarié est totalement farfelu (virtuel ou romanesque). Ce livre n'est pas solidement ancré dans la réalité, sans doute par manque d'enquête sur ces contingences.

Un beau roman donc, mais un cran sous « Ferdinand et les iconoclastes » ou l'immortel chef d'oeuvre « par amour ».

PS : ma critique de "par amour"
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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