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Critique de MonsieurHyacinthe


Offert à la vindicte populaire, Max Lampin cristallise l'animosité du monde à l'entour. Tête de turc unanime, définition même du soufre-douleur, parfait bouc émissaire, Topor s'adonne sur lui à l'insulte gratuite et infondée, graveleuse, au ras des pâquerettes, telle une poésie d'insanités. Bon, de poésie, il n'y a pas trop tout de même, ça tourne vite à la grossièreté redondante, et l'auteur peine parfois à se renouveler. Mais quand il y arrive à nouveau, force est de constater que le rire intervient pour le lecteur qui commençait à se lasser du mécanisme.

L'auteur illustre chaque invective d'un petit croquis, façon Terry Gilliam dans le Monty Python Flying Circus. Les pages se tournent donc très vite, et l'ouvrage se lit en à peine 10 minutes. le genre d'ouvrage à glisser dans ses toilettes ou dans le sac d'un mioche trop poli, pour le déniaiser un peu. A titre d'exemple, l'on trouve page de gauche « La mère de Max Lampin est une sale putain ignoble qui se fait enculer par tout le monde » (illustration du bonhomme souriant, une perruque sur la tête), page de droite « Max Lapin boit de la pisse et se fait sucer par les flics » (illustration du personnage tenant un tuyau dégoulinant à la main). Tout ceci ne vole pas bien haut, n'est pas toujours très inspiré, mais l'art de Topor est souvent de verser dans l'enfantin, le futile, l'insignifiant, le puéril, le superficiel.

Tout ceci n'est donc pas bien sérieux, totalement dispensable, et pourtant. Topor aime les livres objets, le détournement de la littérature pure et dure, le concept. Mais une idée forte guide toujours ses propositions.

Ici, à force de revenir se faire insulter devant nous, à l'usure, il émane de ce Max Lampin une certaine densité, celle du monsieur-tout-le-monde qu'on insulte gratuitement depuis sa voiture, l'inconnu qui en prend pour son grade juste parce qu'on est mal luné, l'employé ployant sous le joug de son patron abusif, la tondue qui prend de plein fouet l'expiation d'une guerre injuste, le gamin mal aimé dans une salle de classe, le Président d'une République aux abois, l'arbitre d'un match de foot, etc.

On s'imagine peu à peu mille Max Lampin, mille raisons à son humiliation, mille situations nocives. Finalement, derrière ses traits simples et son sourire à toute épreuve, Max Lampin revêt petit à petit une certaine universalité. Il incarne la victime idéale.

Mais surtout, Max Lampin s'efface, pour faire jaillir ses bourreaux : nous autres ! Pauvres humains à l'humiliation si facile. La vérité nous est servie par Max Lampin : nous ne sommes pas toujours de très bons camarades de vie. En se plaçant du côté des tourmenteurs, Topor réussit à nous culpabiliser, à croquer l'humain dans ses travers abrupts et malhonnêtes. Une jolie pirouette qui mérite qu'on s'y penche, dix minutes.
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