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Gabrielle Danoux (Traducteur)
EAN : 9781517080853
232 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (30/08/2015)
4.3/5   5 notes
Résumé :
Ce recueil composé de 54 textes courts, parfois très courts, fait jaillir la beauté et les délices du quotidien le plus prosaïque et insignifiant. Son instrument privilégié est une langue riche et soigneusement ciselée, un humour qui se teinte volontiers de noir sans négliger sa large palette de nuances stylistiques : jeux de mots, intertextualité, mises en abyme… pour le plus grand plaisir du lecteur.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Littérature contemporaine qui s'attache à décrire les absurdités du quotidien, entre autres celle du monde de l'édition et/ou de l'art en général, pour lequel l'auteur marque sa prédilection au point que l'ICR devient personnage d'une nouvelle : voir aussi, entre autres, "L'anathème d'un petit peintre". L'absurde vire parfois au fantastique, la littérature devient une porte ouverte sur une autre porte: sur la science en folie ("Bestiaire", "La vengeance d'un scientifique") sur la littérature en soi, mise en abyme ("La lettre"), sur la mythologie ("Comment on écrit l'histoire"), sur la politique qui, bien entendu, en prend pour son grade ("Le coucher"). Elle devient en quelque sorte sous la plume de Călin Torsan un art (au sens d'artisan) total, que les nombreux jeux de mots qui se transforment ça et là en parodie ou en blagues potaches empêchent avantageusement de se prendre au sérieux. Noter enfin ce que Leonid Dimov appelait la dimension balkanique, en filigrane dans plusieurs nouvelles, ("Même pas un père bizarre") qui dessine au firmament littéraire la prose de Călin Torsan comme un soleil levant.
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Voici la traduction qui dépasse son modèle, puisque le livre roumain n'est pas encore sorti.
De cette cinquantaine de textes courts, beaucoup passent par l'absurde et la satire. Mais l'auteur se prête aussi aux mélanges les plus explosifs : avec la mythologie, l'histoire ou la mise en abyme. "L'anathème d'un petit peintre" dépeint un défunt barbouilleur qui pourfend littéralement un certain nombre de turpitudes sociales. "Comment on écrit l'histoire" reprend le mythe de la langue en voie de disparition, comme Anita Desai l'a fait avec l'ourdou et obtient des résultats surprenant... comme un livre de Călin Torsan.
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Livre de recettes pour tous ceux qui s'intéressent de près à la création littéraire, qui aiment l'acidité des cornichons, l'aigreur du vinaigre, qui croquent à pleine dents dans un oignon à moins que l'ail soit préférable avant un rendez-vous amoureux, qui se promènent dans la rue main dans la main, un sac plastique contenant du fromage odorant à la main. Des nouvelles qui parlent de cuisine et d'écriture où diverses recettes sont données comme celle qui consiste à pratiquer l'art du palindrome dans "Le retour de Bob" (ou comment participer à un concours de nouvelles culinaires en recopiant mot pour mot l'incipit de Kafka et l'incipit de Dostoïevski car ils font penser respectivement Kafka à des olives et Dostoïevski à des cornichons puis les mettre bout à bout pour générer du non-sens, de l'absurde, à moins qu'il n'y ait quelque chose de signifiant pour tous ceux qui s'intéressent aux signes, aux coïncidences qui font se rencontrer le K. de Kafka et le pont K. de Dostoïevski de manière burlesque).

"Il était tard lorsque K. arriva. Une neige épaisse couvrait le village. La colline était cachée par la brume et par la nuit, nul rayon de lumière n’indiquait le grand Château. K. resta longtemps sur le pont de bois qui menait de la grand-route au village, les yeux levés vers ces hauteurs qui semblaient vides.
Par une soirée extrêmement chaude du début de juillet, un jeune homme sortit de la toute petite chambre qu’il louait dans la ruelle S … et se dirigea d’un pas indécis et lent vers le pont K …"

Il y a divers exercices de style à pratiquer à la mode de l'Oulipo. On peut transformer ce genre de phrase : "Rodica grignotait des radis" en "Une vertébrée mâchait petit à petit des radis en bouche et les avalait, en écrasant entre ses petits organes osseux recouverts d'une strate d'émail et situés dans la cavité buccale, des plantes herbacées légumineuses de la famille des crucifères aux feuilles profondément crantées, aux racines sphériques ou coniques, prolongées, charnues, enflées et comestibles". Est-ce de la littérature de recopier mot à mot les définitions d'un dictionnaire ? Comment créer alors que tout a déjà été créé ? C'est une question que je me suis souvent posée mais Calin Torsan la résout en arrachant les pages de la Montagne Magique de Thomas Mann parce qu'il faut bien que les personnages d'une nouvelle aient une nappe à défaut d'un journal pour leur pause déjeuner. Est-ce une coïncidence si les pages arrachées où ils déposent la viande demandent à leurs lecteurs ce qu'est le corps humain ? Mais toute interprétation, toute critique est comme la création, absurde, aussi les critiques dans ses nouvelles écrivent des pages et des pages sur une faute de frappe ou sur une réforme orthographique parce que oui la réforme relative à la prise en compte du féminin nous amène à reconsidérer et à corriger (et que la correction soit bonne !) la littérature et les étiquettes des pots de cornichons. Qu'on arrête donc de charcuter le langage et qu'on déguste à s'en faire crever la panse de la charcuterie sur les pages de ces littérateurs comme sur les pages des introductions des grands écrivains parce que personne ne les lit de toute façon.
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
1. Laitues et pachydermes : je vois un livre de pas plus de cinquante pages, dont la couverture aurait des couleurs vives et il serait approprié qu’elle représente des coccinelles. Beaucoup de coccinelles. L’intrigue est relativement simple : deux pachydermes s’empiffrent de laitues, à peine l’acte sexuel terminé. Suite à cette double communion, légumes–animal et animal–animal, il en résulte des selles molles de la plus haute qualité, mais aussi un éléphanteau, Jumbo. De sexe masculin. Il sera le personnage principal du livre, qui peut impressionner par de belles images pittoresques (couchers de soleil équatoriaux, descriptions de faune et végétation), mais aussi par le traumatisme du destin d’un éléphant africain, différent de celui d’un éléphant indien. Bref, Jumbo sera kidnappé par deux trafiquants hongrois, Imre et Boszo, pour être vendu à un cirque de l’est de l’Europe. L’éléphant perdra son identité pendant plusieurs chapitres, car il sera rebaptisé Sandor. Il finira exposé, par un délicieux concours de circonstances, en tant que squelette au musée Antipa. Son histoire sera refaite par un scénariste labile, elle sera ensuite adapté au cinéma dans le blockbuster Ivoire le tailleur. Le film sera tourné concomitamment à Buftea et sur les plateaux de Bollywood : Mara sera le seul personnage féminin du livre, sorte de Robinson Crusoe contemporain.
L’histoire se termine par la réplique acide de Johnson, le soigneur de baleines de la faculté de neurochirurgie d’Israël : « À présent, je m’en vais aussi. Nous en ferons un autre, en contrebas sur la rivière. Crème fraîche. »

(p. 173, début de « Liste de sujets pour quelques livres possibles »)
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B1 :
Judith, je l’ai connue il y a trois ans. Nous travaillions à l’époque ensemble, la rencontre n’était, par conséquent, pas fortuite. Certes, sur ce point on pourrait développer une théorie tout entière sur la contingence. Ce n’est cependant pas le bon moment. Faute de temps. Au fond, il s’agit là d’un aspect de ma vie : j’ai toujours été coursé par la fuite du temps. Avec les yeux qui quittaient leurs orbites, les veines qui dessinaient mon profil tendues comme des cordes à linge, mes journées commençaient tôt le matin pour s’achever tard le soir, bien après le coucher du soleil. Soit, il y avait aussi les cigarettes, la boisson, le repas pris sur le pouce. Toujours au service des autres. Oubliant le moi. M’oubliant moi-même.
(extrait de "Trois balles pour un seul suicide")
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Suspendu calmement au col amidonné, un des rubans pied-de-poule avait froufrouté nonchalamment quelques minutes avant que des mains élégantes et habiles en plusieurs affaires relevant de la nature humaine ne le retournassent avec autorité. Son petit jeu qui dessinait une queue de cochon avait entortillé les couches d’air, de sorte qu’à présent un vent frais d’automne humide se mit à voguer dans tout Bucarest. Pour cette raison, tous les invités à cet événement très couru – écrivains résidant dans la capitale – se présentèrent au salon du livre habillés chaudement. Une conséquence semblable, mais moins proche des phénomènes physiques, avait été provoquée dans les derniers jours précisément par l’apparition du volume en question, dont les couvertures, qui virevoltaient la signification du livre dans les pages des principaux magazines culturels, avaient déclenché un tourbillon de commentaires au sujet de la sélection retenue.
(extrait de L’effet papillon)
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Pendant l’enterrement, Dieu secouait un prunier en fleurs. Quelques pétales virevoltaient dans l’air pour se mélanger ensuite aux gravillons du cimetière. Comme un signe d’adieu.
Seul à observer cela, Cicerone Lăcustă était élève en sixième B. Les autres étaient beaucoup trop absorbés par les paroles du prêtre. Et par l’aspect des couronnes.
(Ecce homo !)
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Cela lui semblait l’expression accomplie d’un langage artistique moderne, aussi souhaita-t-il le signaler aux oreilles de la Première dame assise sur la chaise contiguë. Sur l’autre fauteuil qui encadrait la place numéro un, le ministre de la Santé, qui avait jadis pissé contre le vent dans une affaire dans laquelle le président aurait souhaité avoir le dernier mot, écoutait la main sous le menton. Les chamailleries étaient maintenant de l’histoire ancienne, si bien que le leader se pencha vers le détenteur du portefeuille et lui chuchota amicalement :
– C’est merveilleux, ce que cet homme fait de son art. Absolument merveilleux. Il semble délivré de tout fardeau.
Appartenant au nouveau gouvernement de technocrates, le ministre de la Santé était un médecin interne d’élite, aussi décelait-il chez l’interprète les signes d’une nervosité inhabituelle, et les traduisait comme un état de stress de l’organisme. Il lui semblait que quelque chose n’allait pas chez le Serbe, surtout qu’il avait commencé à taper furieusement des deux pieds, abandonnant son violon sur le couvercle du piano qui l’accompagnait. Son teint était devenu rubicond comme celui du crabe et lorsqu’il libéra du fin fond de son être un gémissement profond, sur lequel l’ensemble des critiques musicaux présents écriraient, il était clair que la prestation, mais aussi la prostate, avaient épuisé leurs fonctions. Le public éclata en applaudissements, se levant brusquement. Dehors, la pluie se déchaînait en rafales puissantes, si bien que le bruit des gouttes qui heurtaient le toit de verre se joignait d’un air menaçant aux applaudissements qui exprimaient l’admiration du public.

(p. 86-87, extrait de « No time » : le chef d'orchestre serbe Slobodan Nadrag doit donner un concert à Bucarest. Toute la journée, il veut aller aux toilettes, on lui répond toujours "No time". Après un concert de folie, il se soulage... et obtient des critiques dithyrambiques !)
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