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Critique de Lutopie


Livre de recettes pour tous ceux qui s'intéressent de près à la création littéraire, qui aiment l'acidité des cornichons, l'aigreur du vinaigre, qui croquent à pleine dents dans un oignon à moins que l'ail soit préférable avant un rendez-vous amoureux, qui se promènent dans la rue main dans la main, un sac plastique contenant du fromage odorant à la main. Des nouvelles qui parlent de cuisine et d'écriture où diverses recettes sont données comme celle qui consiste à pratiquer l'art du palindrome dans "Le retour de Bob" (ou comment participer à un concours de nouvelles culinaires en recopiant mot pour mot l'incipit de Kafka et l'incipit de Dostoïevski car ils font penser respectivement Kafka à des olives et Dostoïevski à des cornichons puis les mettre bout à bout pour générer du non-sens, de l'absurde, à moins qu'il n'y ait quelque chose de signifiant pour tous ceux qui s'intéressent aux signes, aux coïncidences qui font se rencontrer le K. de Kafka et le pont K. de Dostoïevski de manière burlesque).

"Il était tard lorsque K. arriva. Une neige épaisse couvrait le village. La colline était cachée par la brume et par la nuit, nul rayon de lumière n’indiquait le grand Château. K. resta longtemps sur le pont de bois qui menait de la grand-route au village, les yeux levés vers ces hauteurs qui semblaient vides.
Par une soirée extrêmement chaude du début de juillet, un jeune homme sortit de la toute petite chambre qu’il louait dans la ruelle S … et se dirigea d’un pas indécis et lent vers le pont K …"

Il y a divers exercices de style à pratiquer à la mode de l'Oulipo. On peut transformer ce genre de phrase : "Rodica grignotait des radis" en "Une vertébrée mâchait petit à petit des radis en bouche et les avalait, en écrasant entre ses petits organes osseux recouverts d'une strate d'émail et situés dans la cavité buccale, des plantes herbacées légumineuses de la famille des crucifères aux feuilles profondément crantées, aux racines sphériques ou coniques, prolongées, charnues, enflées et comestibles". Est-ce de la littérature de recopier mot à mot les définitions d'un dictionnaire ? Comment créer alors que tout a déjà été créé ? C'est une question que je me suis souvent posée mais Calin Torsan la résout en arrachant les pages de la Montagne Magique de Thomas Mann parce qu'il faut bien que les personnages d'une nouvelle aient une nappe à défaut d'un journal pour leur pause déjeuner. Est-ce une coïncidence si les pages arrachées où ils déposent la viande demandent à leurs lecteurs ce qu'est le corps humain ? Mais toute interprétation, toute critique est comme la création, absurde, aussi les critiques dans ses nouvelles écrivent des pages et des pages sur une faute de frappe ou sur une réforme orthographique parce que oui la réforme relative à la prise en compte du féminin nous amène à reconsidérer et à corriger (et que la correction soit bonne !) la littérature et les étiquettes des pots de cornichons. Qu'on arrête donc de charcuter le langage et qu'on déguste à s'en faire crever la panse de la charcuterie sur les pages de ces littérateurs comme sur les pages des introductions des grands écrivains parce que personne ne les lit de toute façon.
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