Moumou

On est au XIXe siècle, dans l'Empire russe. A cette époque-là, il y a de grands propriétaires terriens et des serfs. Ivan Tourguéniev, lui, a choisi son camp, il veut l'émancipation des serfs.

C'est dans des conditions et dans un état d'esprit bien particuliers qu'il écrit cette nouvelle, « Moumou », en 1852.
En effet, il est en prison, à Saint-Pétersbourg, pour avoir mentionné le nom de Gogol, qui était mort. Tourguéniev avait fait paraître un article, où il dénonçait le fait, qu'on n'avait pas permis de déposer le cercueil de Nikolaï Gogol sur un char mortuaire, et il avait noté « Imaginez-vous que la censure d'ici défend déjà de mentionner son nom ». Cet article était paru dans la presse, en conséquence de quoi, il fut arrêté.

Gérasime, le personnage principal de cette nouvelle est un serf, un parfait représentant de la classe des moujiks. C'est un bon à tout faire, un très robuste paysan, venu travailler chez une vieille veuve richissime.
Gérasime a de belles qualités : il est travailleur, soigneux et affable, mais malheureusement, il est sourd et muet de naissance.

Le 2e personnage de cette nouvelle est cette vieille veuve aristocrate.
Elle est acariâtre, tyrannique et capricieuse. Elle change souvent d'humeur. Tous ses valets la craignent et se trouvent contraints d'obéir à ses moindres volontés. Elle marie même ses domestiques !
« Ce sera comme Madame voudra ! ».
Il est à noter que cette femme ressemble tout à fait à la mère de Touguéniev, une riche propriétaire, persécutrice, qui menait son monde de main de fer, et qui avait même tenté de déshériter son fils Ivan !

Dans cette nouvelle, Gérasime va tomber amoureux d'une femme, mais la veuve acariâtre, qui décide de tout, va attribuer cette femme à un autre époux ! Par ses caprices, elle va gâcher l'existence de Gérasime.

Notre héros va tomber amoureux aussi d'une petite chienne, qu'il sauve de la rivière. Elle porte le nom familier de Moumoune, mais pour Gérasime, qui a bien des difficultés de s'exprimer, ce sera « Moumou » !

Mais ayant décrit les personnages, je ne vais pas dévoiler l'histoire...
Je dirais simplement qu'en lisant cette nouvelle, on éprouve de la compassion pour ce paysan opprimé. On est de son côté, notre coeur bat pour lui.

Une nouvelle qui remet en cause les rapports entre serfs et propriétaires, mais pas que…
Une histoire bien bouleversante à découvrir (ou à relire) !

Une jolie nouvelle dans laquelle on croise une vieille aristocrate, veuve et acariâtre, égoïste et sans coeur, régnant d'une poigne de fer sur son personnel domestique, qu'elle marie selon ses envies…l'un de ses membres, Gerasime, est sourd-muet de naissance. Corvéable à merci mais force de la nature, on n'ose pas trop le titiller…Il en pince bien pour une autre domestique, mais la vieille voit les choses autrement.
Un jour, il trouve une chienne qu'il appelle (vu ses possibilités limitées), Moumou…

Pour ce texte, Tourgueniev s'est très certainement inspiré de sa mère, avec laquelle il entretenait des relations orageuses. Il en profite pour faire passer ses idées de lutte contre les injustices et la servitude encore en vigueur en Russie jusqu'au XIXè siècle.

Sans jamais sombrer dans le trop-plein d'émotion, avec une écriture sobre mais de qualité, il nous rapporte une histoire cruelle et tendre à la fois, qui paraît-il est étudiée et connue de la plupart des enfants russes.

Dominique Fernandez nous propose le résumé suivant de Mou-mou :
"Le héros, Gérasime, portier dans un hôtel particulier appartenant à une riche Moscovite, est un colosse, taillé en hercule, sourd-muet de naissance et simple d'esprit. On le redoute par sa vigueur, et on s'étonne qu'il laisse celle qu'il aime, une blanchisseuse, épouser un cordonnier, sur ordre de ma maîtresse de maison. Toutes ses réserves d'affection, il les reporte alors sur une chienne qu'il sauve de la rivière. Il se l'attache, il la soigne, la cajole, l'appelle par les deux seules syllabes qu'il parvient à balbutier : 'Mou-mou" . Une nuit, la chienne aboie et empêche la dame de dormir. le lendemain matin, celle-ci ordonne à son valet de tuer la bête. On s'attend que Gérasime, dont Moumou est l'unique amour, se rebelle contre cet ordre inique. C'est une bouleversante conclusion, que de le voir obéir comme un enfant, attacher une pierre au cou de la chienne et la noyer dans la rivière d'où il l'avait tirée. le sacrifice accompli, il quitte Moscou, abandonne son emploi, s'en va au loin, marche plusieurs jours, regagne à pied son village natal. En Gérasime, Tourgueniev a personnifié la force terrible du peuple russe, sourd et muet sous le despotisme du pouvoir, mais sans renoncer à garder sa liberté intérieure."

En une quarantaine de pages sans graisse inutile, Tourgueniev conte une histoire noire et crédible. C'est l'époque où les grands propriétaires ont à leur service une multitude de serviteurs, et le servage existe toujours.
Guérassime est un colosse sourd-muet, abattant à lui seul le travail de plusieurs. Sa maîtresse est dure, autoritaire, particulièrement quand elle 'a ses nerfs'. Elle arrange le mariage de deux de ses employés, et ne supporte pas que Guérassime s'occupe d'une petite chienne, Moumou, qu'il a récupérée dans le fleuve.

Ce texte donne à saisir la vie de ces serviteurs dans une bonne maison moscovite, les dialogues sont vifs et bien rendus, et vers la fin, la description de Guérassime marchant dans la campagne est une pure merveille.

La préface de Fernandez est fort intéressante, mais il ne faut surtout pas la lire avant, car comme bien souvent la préface raconte l'histoire! Heureusement on y trouve aussi des considérations fort bien pensées (sur le sacrifice), un peu de biographie de l'auteur, et surtout, permet de réaliser que Moumou est une oeuvre marquante puisqu'elle ne tient pas qu'à son déroulement.

(édité récemment chez Ginkgo)
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