AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Alzie


Alzie
03 février 2015
Qu'un livre puisse se lire très rapidement est une chose, que cela lui confère une qualité supplémentaire, en est une autre. C'est sur cette idée mitigée que j'ai achevé ma lecture. Ce n'est pas déflorer le sujet, mais en éclairer l'atmosphère, que de révéler d'emblée que "Cristal noir" fait référence, par son titre, au verre d'un flacon de parfum, "Borgia" (créé en 1914 par Paul Poiret (1879-1944), illustre figurant sur le déclin, dans ce roman). Emblème tardif d'ailleurs car il n'est cité qu'à la fin du récit, par l'un de ses principaux protagonistes. Emblème aussi, me semble-t-il, du raffinement de ce bel établissement parisien "art déco", une des figure centrale de la narration. Ce restaurant baptisé le Paquebot par deux amis, Chelan et Chevalier, le cuisinier et le maître d'hôtel, qu'une solidarité indéfectible de tranchées a conduit à "inventer", après la guerre (14/18) ; un lieu d'oubli après l'ouragan de fer, de rêves et de sensations, de complicités créatives et de bien des félicités de papilles ; un lieu où se mêlent tous les arts, se pressent toutes les célébrités, alors que se profile le krach boursier d'octobre 1929. Bulles de champagne et bulle boursière.

"Cristal Noir" se veut le Roman de la transparence et de l'opacité, comme semblent parallèlement le suggérer les propriétés opposées du flacon sus-mentionné. le grand cuisinier, et très charismatique, Charles-Henri Chelan dont le tempérament oscille entre ces deux mêmes pôles, doit composer avec une nature d'artiste que le lecteur découvre peu à peu, mais qui n'a pas échappé à la sensibilité de la jeune photographe américaine, Pearl Edwards venue d'Amérique pour des raisons éditoriales. Elle collabore à un ouvrage sur la gastronomie. Pâques 1929 : une chute du maître d'hôtel, Robert Chevalier, met bientôt en péril l'harmonie du Paquebot. Mais quand les bouleversements intérieurs des personnages se télescopent avec ceux du monde, on pourrait s'attendre à des secousses d'une autre intensité, de plus amples surprises. Ce n'est pas vraiment le cas.

Le sujet est pourtant séduisant, son cadre ne l'est pas moins. En revanche, le traitement qui en est donné me paraît assez décevant. Faire revivre une époque n'est pas chose aisée, surtout s'il s'agit d'assembler dans une même narration des personnages historiques et fictifs. Ici, la contribution de personnalités telle que celle de Paul Poiret (premier grand couturier à lancer sa ligne de parfums en 1911), pour les besoins de la fiction, m'a paru plutôt artificielle... cousue de fil blanc. Même impression de "plaqué" pour l'épisode de l'achat de la villa de Pigalle, ancienne maison de Diaghilev (1872-1929), épisode déterminant pour la suite. le raccord est trop visible, la greffe prend mal. La chambre d'échos de ces "années folles" qu'aurait pu être ce roman, mêlant les destins individuels aux grands événements passés et aux inquiétudes à venir, se perd finalement dans l'anecdote, dans l'effleurement, évite toute complexité, s'égare de mon point de vue, dans une sentimentalité de trop bon aloi. Il y a bien quelques jolies tournures, quelques morceaux de plaisirs, surtout en cuisines, mais il m'en reste surtout un goût de rendez-vous manqué.

Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}