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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre, reçu par le biais de Masse Critique, fut une agréable surprise (je remercie d'ailleurs chaleureusement Babelio et les éditions Fayard pour cet envoi).

J'ose avouer que je n'aurais probablement jamais ouvert ce livre s'il était passé entre mes mains. La quatrième de couverture est un peu fade et ne rentre pas du tout dans le cadre de mes lectures habituelles.

Vous parler des personnages principaux, le chef Charles-Henri Chelan et la photographe Pearl Edwards, ne serait pas vraiment judicieux et n'apporterait pas grand'chose car il s'agit plutôt d'un "récit d'atmosphère". Il va être difficile pour moi de faire cette critique de manière claire et lisible par tous tellement ce livre est particulier. Les personnages sont presque secondaires. Ils ne sont importants que parce qu'ils reflètent une certaine image du luxe.

Ce qui frappe surtout à la lecture de ce roman, c'est son élégance, son raffinement, son détachement. L'auteur a un style particulier qui créé une distance envers les personnages et envers l'Histoire (juste avant la crise de 1929). On ne s'attache d'ailleurs pas tellement aux personnages mais plus à l'ambiance au Paquebot et dans les rues de ce Paris des années folles. On aime les descriptions culinaires (la cuisine est ici un abri pour Charles-Henri Chelan et son ami des tranchées Robert Chevalier), les senteurs de la Halle, les parfums de M. Poiret, les références littéraires, musicales, artistiques (mes chers Ballets russes notamment)...

Alors, bien-sûr il y a une intrigue : qui sont donc ces figures féminines qui semblent avoir si profondément marqué le chef du Paquebot? Charles-Henri Chelan et Pearl Edwards vivront-ils pleinement leur idylle? la photographe pourra-t-elle vivre la vie qu'elle désire malgré les souhaits de son millionnaire de père? Mais l'on oubliera bien vite les personnages de ce roman pour ne retenir que l'impression de lecture : une petite bulle de luxe dans un monde de brutes, une saveur suave qui reste dans les papilles et sur le coeur.
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Je ne remercierai jamais assez Babelio et la Masse Critique pour la somptueuse lecture que procure « Cristal Noir ». le titre en lui-même est déjà une invitation à l'envoûtement, aux charmes de la passion et de l'élégance. Un voyage initiatique vers les sphères raffinées du Paris des années folles et des saveurs éclatantes de la gastronomie française. le livre est à lui seul un recueil de citations, de phrases étourdissantes de beauté. Chaque terme est judicieusement choisi pour un final digne d'une envolée lyrique. On ressort troublé de cette lecture et pourtant si serein. « Cristal Noir » est une poésie en prose, un ouvrage intense en émotion, un voyage dans le temps, un hymne aux petits plaisirs de la vie. En définitive, rendre une critique de cet ouvrage n'est pas chose aisée car aucun mot, aucun adjectif ni aucune expression ne pourraient rendre justice à la beauté de l'histoire et faire honneur au style de l'auteur.

C'est sous une couverture épaisse et épurée de la collection Fayard que débute une belle romance. Derrière la fusion d'une photo en noir et blanc d'une jeune femme sereine attablée et de motifs Art Déco se dresse un pilier de la littérature, un hommage aux nuances délicates de la langue française. Si dès la première page on a du mal à comprendre le cadre de l'histoire puisque celle-ci débute par une lettre enflammée, on s'ancre rapidement dans l'univers fou des années 30. En réalité, c'est en 1929 que s'inscrit cette histoire, traversant les saisons poétiques du printemps et de l'automne et passant par un été intense et enfiévré. Rapidement, le style si particulier de Michelle Tourneur percute le lecteur et l'hypnotise. On dévore sans s'en rendre compte des avalanches de mots, on glisse sur des cascades de descriptions et l'on s'éblouie des myriades de petits détails qui prennent des airs de merveilles. Sans conteste, Michelle Tourneur a un véritable talent écrivain et un amour fou pour notre belle langue française qu'elle maîtrise avec une fluidité impressionnante, virevoltant à travers les expressions avec la grâce d'une ballerine. Magie et poésie se joignent dans une valse lente mais toujours langoureuse tout au long du roman.

L'histoire prend pour théâtre l'un des restaurants les plus cossus de la capitale, le Paquebot, érigé à titre de monument culinaire par le brillant duo de deux âmes perdues et liées par une fidélité et une amitié à toute épreuve. le Paquebot devient alors le refuge de deux hommes, dérivant sur les modes de son temps à la recherche de cette exception, de cet inédit destiné à la perfection. Chaque personnage se pare d'un charisme irrésistible ; le chef Charles-Henri par sa présence sauvage et son talent inné, son éternel ami Robert par sa créativité divine et la douce Pearl par son exotisme pétillant et sa délicatesse. Cette dernière, photographe native des Etats-Unis, se rend en France afin d'immortaliser et faire découvrir les raffineries culinaires du pays. C'est au Paquebot qu'elle a choisi de faire honneur aux mets fantasques de la gastronomie française. La virtuosité de Michelle Tourneur explose alors tandis que coulent à flots des océans de descriptions. La décoration Art Déco du restaurant est cristallisée dans les consciences par des jeux de lumières à travers les milliers de miroirs et de facettes en verre qui réfléchissent la magnificence des plats. Sensible jusqu'à l'âme pour cette beauté intangible, Pearl photographie cet univers envoûtant qu'elle n'aurait jamais cru connaître un jour. le Paquebot est un paradis composé de fresques antiques et de peintures mystiques, un cadre dans lequel prendre un simple café relève de l'extase. On déguste des pâtisseries jusqu'à l'excès sans jamais s'en lasser. Grâce aux descriptions multiples et toujours percutantes, les saveurs éclatent dans le palais et les mots font appels à des souvenirs de gourmandise, parfois même d'enfance. Jamais Paris-Brest, éclairs, compotes ou choux ne furent plus savoureux que sous la plume de Michelle Tourneur. Par la force de l'esprit, les pâtisseries décrites deviennent réelles et les dégustations révèlent des expériences inédites. Par le jeu de la syntaxe, l'auteur parvient à dépeindre parfaitement cette émotion de volupté qui nous prend lorsque l'on déguste un met exquis. Mais le salé n'est pas non plus en reste et c'est un florilège de parades gustatives qui prennent place sur la page, pour le plus grand plaisir du lecteur. Mousselines de céleri, envolée de canard, faisans farcis, tourtes croustillantes… les créations sont innombrables et frôlent le rêve. Michelle Tourneur rend un réel hommage à la gastronomie et à la pâtisserie française, témoigne d'une expérience personnelle et d'une approche intime avec la Cuisine.

Dans ce roman, la restauration est dépeinte à chaud. On traverse la salle de réception où règne finesse, délicatesse, exquis, précision et perfection, un monde composé de paillettes, de flûtes de champagne et de grands éclats de rires cristallins, pour émerger au coeur des cuisines des grands restaurants où trônent maîtrise, savoir-faire, impartialité, détermination et rigueur. le monde culinaire est intransigeant et exigeant, malmenant ses praticiens sans ménagement. Les caractères s'endurcissent, les larmes font la place à une détermination à toute épreuve et seuls les plus téméraires parviennent finalement à émerger de cet infernal univers. A travers cette histoire romancée, on connaît tour à tour l'appréhension des commis, le surpassement de soi, les déboires d'une commande retardée, les échecs personnels et les frissons de la réussite applaudie.

Mais la gastronomie n'est pas seule dans cet ouvrage et elle est associée à un autre art, celui de la musique. Elles se combinent dans une étroite relation, se complétant chacune. La cuisine devient alors une symphonie et l'art musical un met que l'on déguste sans modération. C'est le piano qui tient lieu de pont reliant ces deux univers. On touche alors à une poésie envoûtante où chaque note s'envole de l'instrument pour fondre sur le palais. Les sens sont mis en éveil, constamment convoqués dans « Cristal Noir », et l'on goûte avec plaisir à de nouvelles saveurs envoûtantes.

C'est à Pearl qu'est donc confiée la lourde tâche de photographier avec le plus de sincérité ces mets inédits, tout en s'acclimatant à l'air parisien et en appréhendant l'énergie créatrice qui émane des mets présentés. Forte de son sens artistique, elle devient rapidement la seule à comprendre réellement les tourments complexes qui bouleversent le chef Charles-Henri et à lui déceler son âme d'artiste. Ce-dernier, métisse d'une alliance polonaise et française, possède une forte sensibilité et un raffinement qui ne laisse jamais indifférent son entourage. Il est le mystère de ce roman, celui sur qui semble planer l'ombre d'un passé troublé. de son enfance, des difficultés esthétiques qu'il rencontra, des hésitations de son adolescence, de son amour pour la gastronomie, de son émoi profond on ne sait rien avant la seconde partie du roman. D'âme tourmentée il passe à âme torturée par un sentiment déchirant, celui de l'amour. le début du roman est ainsi soutenu par une vibrante tension qui se brise lorsque les deux esprits se rencontrent dans l'intimité. Pourtant Pearl est promise à revenir au plus vite dans son pays et rejoindre son fiancé. Il est vrai que ce fil de l'histoire est digne d'un mélodrame romantique et l'on suppose secrètement que l'amour, le vrai, l'unique, triomphera. Mais Michelle Tourneur décrit l'éphémère, la beauté de l'instant présent et ne s'attarde pas sur la perpétuité. Sa vision est un renouveau constant des choses et du monde. Ainsi les modes changent rapidement, les plats à succès font place à d'autres créations et rien ne reste éternellement. La beauté réside alors dans le provisoire, c'est pourquoi Pearl n'est qu'une passagère d'un voyage temporaire. Un épisode momentané dans la vie de Charles-Henri pourtant marqué au fer rouge par un amour éternel.

La crise de 1929, ce fameux fléau qui frappa les Etats-Unis, n'est d'abord décrit que comme un élément secondaire. Il prend néanmoins de l'importance tout au long du roman, mais avec ce recul des choses complexes qu'impose la frivolité amoureuse. La crise est perçue d'un point de vu français, c'est-à-dire avec une distance flagrante. Elle est une épée de Damoclès dont tout le monde prend conscience mais qui semble pourtant inoffensive. On décrie les médias d'exagérations, on dénonce les journalistes de mensonges et l'on croque avec plus de ferveur dans cette vie qui semble prête à basculer. le krach du jeudi noir est un raz-de-marée destructeur dont les signes avant-coureurs se profilent déjà en France. Pour autant, le Paquebot est intouchable et semble un cocon préservant l'innocence de la relation entre les jeunes tourtereaux. Aveuglés par leur passion, la crise boursière n'est qu'un bruit de fond que ne tardera pas pourtant à entendre Pearl, puis Charles-Henri après elle, une fois leurs démons intérieurs apaisés.

Ce roman possède néanmoins un point négatif et paradoxal : si le style de Michelle Tourneur est une vraie poésie, tout comme cette dernière par moment l'histoire en devient complexe et les phrases presque incohérentes. Parfois seulement deux mots viennent composer une phrase, parfois on recherche le sujet ou bien le verbe, parfois on s'égare et parfois on en vient à regretter que l'auteur ne soit pas un peu plus prolixe. La beauté de son talent écrivain réside dans cette tournure mystique des phrases, mais si ce style est prenant dans la première partie du livre, plus centrée sur la description des lieux, des relations et des mets, la seconde partie plus concentrée sur l'histoire du chef Charles-Henri en devient confuse. Ce qui n'empêche pas d'apprécier ce roman à loisir, d'en savourer toutes les nuances et d'en frissonner d'émotion.

Délicat est le maître-mot de ce roman, et à juste titre il trouve sa place dans chaque met exposé tout en décrivant au mieux les caractères artistiques de chaque personnage. Un petit bijou littéraire dans une langue subtile, épurée dans sa forme mais toujours pleine dans son fond. Un rêve qui prend consistance par le goût et la saveur, tantôt épicée, tantôt sucrée à l'image d'un marshmallow. Michelle Tourneur fait toucher à la perfection, palper à l'intangible et savourer la beauté.
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Pearl est une jeune américaine venue à Paris pour découvrir la vieille Europe. Ivre de la liberté que lui offre ce voyage à Paris, elle parcoure ses rues, les quartiers emblématiques, Montparnasse et ses peintres, les brasseries, tout en capturant ces instants :

"Photographier, se répétait-elle, au moins ça. Les rues et leur hasard. La charrette du vitrier chargée à s'écrouler, qu'un coup de lumière transforme en carrosse. Les globes des reverbères, loupes géantes posées que le gris argenté du fleuve, le long du pont Alexandre III. Et la fine poussière sur les tranches des livres, à la librairie. Clients cassés en deux dans leur lecture, comme si une maladie mortelle allait les terrasser. Etre là. Saisir. En quelques secondes, sauter sur le sujet, armer, appuyer, garder l'émotion. Par surprise et par morceaux, par bouts qui se rejoindront un jour, tout arracher à cette ville pour tout emporter." p. 58

Mais un sujet l'intrigue particulièrement : le restaurant le Paquebot, son chef impérial Charles-Henri Chelan et son ami Robert. Elle doit en effet réaliser pour son éditeur de New York, friand des échos de Paris, un livre sur la gastronomie française. Mais son projet artistique s'élargit au fil des jours, elle décide alors de s'attacher au lieu plus qu'aux plats.

Chaque personnage vibre d'une fibre artistique le sublimant pour atteindre une certaine forme de perfection : que ce soit Pearl et ses photographies, Charles-Henri et sa cuisine, ou encore un pianiste au talent émouvant, tous recherchent la beauté cristalline qui transforme leur savoir-faire en oeuvre artistique. Par leur pouvoir d'évocation, ils cherchent à toucher les sens de leurs invités, le goût, l'ouïe, la vue.

"En salle, les clients avaient plébiscité l'entremets indochinois, servi avec deux vers en langue hmong, dans l'envol d'une fumée qui évoquait la moiteur des rizières et es troupeaux de buffles. Avec, par-dessus la blancheur, le pourpre des framboises en purée servies à la louche, légèrement tièdes." p. 134

Le monde se trouve sublimé par leur art, la photographie permet ainsi de contempler ce qui nous entoure différemment, la grande cuisine exaltant l'acte primitif de manger, la musique transportant l'âme au-delà de la réalité. Enfin, l'écriture de Michelle Tourneur exalte également le rendu des saveurs, des couleurs, des décors, de l'atmosphère particulière des lieux.

"Fin septembre déposait ses buées, le soir, sur la ville. Un vent d'ouest apportait des pluies pénétrantes qui n'étaient plus d'orage. Les crépuscules étaient d'un froid coupant. L'humidité avait envahi les allées du jardin des Tuileries, les enfants y passaient sans s'attarder et, à la villa de Pigalle, le catalpa pleurait de lourdes cosses sombres." p. 269

La délicatesse de l'histoire diffuse un charme envoûtant indéniablement efficace.
Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Pearl, riche héritière américaine, débarque à Paris dans l'idée un peu floue d'immortaliser la haute cuisine - et dans celle, plus ou moins consciente, d'échapper à son destin (elle m'a rappelée l'héroïne Frankie Pratt). Posant son appareil au Paquebot, y affûtant son regard, ses cadrages, elle y découvre la gastronomie nouvelle qu'invente chaque jour un duo sans pareil.

Duo formé par deux hommes que la Grande Guerre a rendu frères, Charles-Henri et Robert. Charles-Henri est le grand magicien de ce restaurant emblématique d'un Paris exalté et exaltant, cosmopolite, insouciant et artiste jusque dans ses cuisines et son ventre - des Halles où Charles-Henri va débusquer les meilleurs ingrédients, les morceaux extraordinaires, les premiers arrivages. Mais Charles-Henri Adam Chelan est un homme bien secret, qui se souvient avec tant de douleur de son enfance, comme de celle qui lui a appris la cuisine, Rose, que l'on poursuit la lecture en se demandant quels sombres secrets l'homme remâche - rassurez-vous, ils seront dévoilés. Vous saurez ce qui justifie ses accès de «zal», le spleen polonais.

Sans doute un peu cliché, le roman de Michelle Tourneur se lit pourtant avec délectation. Il met l'eau à la bouche, donne envie de tournoyer dans cette salle art déco imaginée par le patron. La démesure des années folles saisit le lecteur et l'entraîne dans les pas de Pearl qui découvre Paris, se lie, évidemment, avec Sylvia Beach. Il y a, forcément, en toile de fond, Montparnasse, le jazz, le cercle de Gertrude Stein. Il y a, logiquement, la romance qui se noue entre Pearl et Charles-Henri.

Mais la démesure a un prix, l'oubli de la guerre a un coût. le récit parcourt les premiers trimestres de l'année 1929, jusqu'au Black Monday. Jusqu'à la redécouverte par Robert, dans les archives de son ami le couturier Paul Poiret, d'un flacon, «Borgia 1914», aux effluves obscures, que le maître d'hôtel rebaptise «Cristal noir».

Il faut lire le roman éponyme, parce que «Tendre est la nuit», et que «Paris est une fête», en hommage aux derniers jours de celle-ci, ce crépuscule du feu d'artifice des années 20, qui s'éteint dans la nostalgie des ballets russes et se cogne à l'abrupte réalité de l'argent devenu roi.
Lien : http://www.vivelaroseetlelil..
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Une jolie découverte grâce à la Masse Critique de Babelio !


Premier point, je trouve la couverture magnifique, avec ce côté Charleston et cette jeune femme à la terrasse de ce qui pourrait être le Café de Flore.

Nous sommes en 1929, et Paris, notamment le Paris du Montparnasse, est en plein essor. Les cicatrices de la Première Guerre mondiale sont encore très vivaces, et nous sommes à la veille de la crise économique qui toucha les États-Unis de plein fouet. Pearl est une jeune photographe américaine qui prépare un livre sur la gastronomie française. Charles-Henri est chef du très select Paquebot, mystérieux et insaisissable. Les deux vont se rencontrer, et leurs arts comme leurs êtres vont fusionner, mais l'histoire est là pour les rattraper…

L'écriture de Michelle Tourneur est magnifique. Les mots s'enchaînent, tourbillonnent, et tout est sublimé. L'histoire reste finalement assez classique, mais le traitement est original. On se laisse embarquer, même si le début est assez long, il faut s'habituer au style et au rythme de l'auteur. On aime partir à la découverte du Paris de cette époque, embarquer dans l'entre-deux-guerres, même si on sent que tout est en suspens, en attendant l'horreur prochaine. Mais ces quelques mois, ces quelques instants fugaces, je trouve qu'ils sont parfaitement saisis dans toute leur complexité.
Lien : https://therewillbebooks.wor..
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Paris, années folles, l'insouciance... mais pas pour longtemps car la crise économique se profile déjà ! Une jeune américaine prénommée Pearl débarque à Paris pour faire un reportage photos sur un grand restaurant, le Paquebot.
Nous découvrons avec elle les coulisses de ce restaurant étoilé parisien.
Une histoire d'amour s'ébauche entre Charles-Henri, le chef du restaurant fascinée par la beauté de cette rousse jeune femme, pourtant fiancée aux Etats-Unis... et qui voit en lui un véritable artiste.
Issue d'une famille bourgeoise qui l'a plus ou moins contrainte au mariage avec un bon parti, Pearl s'émancipe de l'autre côté de l'océan atlantique avec la librairie Shakespeare and Co en toile de fond.
Un beau roman plein de saveurs, de parfums et de rythmes jazzy avec un personnage féminin fort et attachant !

Merci à Babelio grâce à qui j'ai fait cette lecture en partenariat dans le cadre de l'opération Masse Critique !
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J'ai lu très rapidement ce livre d'abord parce que l'écriture en est fluide et aisée et aussi parce que je voulais en connaître tous ses secrets et le dénouement qui reste ouvert. Pearl repart en Pennsylvanie mais reviendra-t-elle à Paris ?

Au début j'ai cru que c'était un livre uniquement dédié au temple du goût qu'est le restaurant Paquebot tenu par son chef Charles-Henri Chelan et son maître d'hôtel Robert Chevalier dans un des quartiers les plus luxueux de la capitale. Et puis, j'ai vu qu'il y avait plus que cela, par les fréquentes évocations d'une personne appelée Rose par le Chef, sujet à des hallucinations qui ne sont que des réminiscences de son passé.

Charles-Henri finit par évoquer son enfance, son père, Henri Chelan qui possède une usine familiale de boutons et de dés à coudre, sa mère, Justyna, jeune fille de petite noblesse lituanienne et puis le choc de l'événement. Ce sont des souvenirs douloureux pour lui qui ont orienté sa vie future et ont fait qu'il s'est tourné vers la cuisine, le seul endroit où il trouve la paix l'harmonie entre le transparent et l'opaque.

Le temps de la narration du récit court du printemps à fin octobre 1929. le 20 octobre, Wall Street et pour finir lundi 28 octobre 1929 : le Black Monday en Amérique. L'auteure ne s'appesantit pas sur ces moments phares de la haute finance américaine car ce n'est pas le sujet du livre mais cela rend juste l'atmosphère du moment plus pénible et le retour de Pearl Edwards, la jeune photographe, une fois son reportage sur le Paquebot bouclé, plus difficile.

Si je me suis pris d'affection pour Charles-Henri et ses tourments, j'ai moins aimé le personnage de Robert Chevalier, plus effacé et dont on ne sait que peu de choses : il est sans-le-sou, il a connu Charles-Henri au Claridge's de Londres en apprentissage puis ils se sont retrouvés au front à faire la tambouille pour les soldats. Il est tombé de l'escabeau en refaisant la décoration du restaurant et étant indisponible, il est remplacé d'abord par Bruno dit du Gers (il est "de petite taille, les jambes arquées, mais l'oeil étincelant, le goût des mots, un accent arrondi de sa région qu'il avait gardé mais pas trop" - les clients se plaignent - "Je m'étonne que votre nouveau maître d'hôtel ait un accent paysan") puis par Lazlo Orkeny qui vient d'Europe centrale, ce qui plaît tout de suite au chef, lui-même de mère polonaise.

Le personnage de Pearl Edwards aurait pu être plus travaillé. Pearl a 25 ans alors que le Chef en a 36. Elle est "imaginative, combative, opiniâtre", et arbore une magnifique tresse de cheveux roux. "Sa famille possédait d'immenses forêts en Pennsylvanie" et donc elle a "les facilités, l'argent, le confort, la Bible". Elle est fiancée en Pennsylvanie avec un certain Bill mais elle n'y semble guère attachée - plutôt une union de raison qu'elle enverra au diable. J'aurais aimé que Pearl et Charles-Henri échangent de vraies conversations pour me les rendre plus réels.

Il y a l'évocation de la bibliothèque-librairie Shakespeare and Co avec une présentation de la libraire, Sylvia Beach page 53. J'ai regardé sur Wikipedia : Sylvia Beach a réellement existé en tant que libraire et éditrice américaine et en 1919, elle a bien ouvert sa propre librairie Shakespeare and co à Paris où elle accueillait les intellectuels américains et anglo-saxons de Paris : Ran May, Ezra Pound, Ernest Hemingway. En 1922, elle publie la version originale du roman de James Joyce, ulysses. L'auteure ne peut s'empêcher d'en parler page 107 : "ulysses de Joyce, le livre-monument, recevait quelque part dans Paris les lumières de deux traducteurs, parfois davantage".

Michelle Tourneur ancre bien son ouvrage dans le Paris de l'époque, le Paris des années folles avec Joséphine Baker-avec-les-bananes-autour-du-ventre, Jean Poiret, Gabrielle Chanel et sa petite robe de crêpe noire au zénith, Misia Sert en robe Borgia violette et or, entrant sous les regards éblouis de ses amants à l'hôtel de la Couture. Elle évoque l'exposition des Arts décoratifs. Par petites touches, elle place bien l'action dans son temps et je n'y ai pas trouvé d'anachronismes, juste un mot désuet : "un cornemuseux" mais placé dans la bouche de Rose la paysanne illettrée du Berry.

J'ai trouvé le titre "Cristal noir" bien choisi car il reflète le thème du livre : le transparent et l'opaque. Paul Poiret a apporté un flacon de parfum et Robert en a pris un Borgia 1914, un flacon noir pailleté d'or qu'il a rebaptisé Cristal noir.

J'ai lu rapidement le livre pour en connaître la fin mais ensuite je l'ai relu et j'ai mieux compris la missive du chef à Pearl qui débute l'ouvrage - en fait, son mot met un point d'orgue à l'intrigue entre lui et la jeune femme. Il est daté du 30 octobre 1929.

Ce livre m'a plu car je l'ai trouvé très bien écrit, et sans cette débauche de sexe qui dégouline de beaucoup d'ouvrages très populaires en ce moment.L'intrigue est très finement menée et l'événement qui a déterminé le changement d'orientation de Charles-Henri a été très bien amené par petites touches jusqu'à l'explication limpide !

Je tiens tout particulièrement à remercier Babelio et les éditions Fayard pour ce superbe roman.
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