Gilles et Jeanne.
Autrement dit, l'ogre et la sainte.
Voilà un couple de compagnons d'armes bien étrange et fort mal assorti qui remue bien des interrogations. Qu'est-ce qui pouvait bien lier ces deux-là ? Qu'est-ce qui a poussé Gilles de Rais à se faire monstre après la mort de Jeanne ?
Michel Tournier nous offre sa version des faits...
J'avoue que la lecture de cet ouvrage m'a plutôt désarçonnée. Ce livre n'est pas un essai historique mais ne ressemble guère non plus à un roman... Michel Tournier cherche avant tout à appréhender le personnage de Gilles de Rais à travers une réflexion sur le bien et le mal.
L'auteur invoque une sort de revanche mystique qui aurait incité Gilles de Rais à s'attribuer tous les maux reprochés à Jeanne la Pucelle lors de sa condamnation : " menteuse, pernicieuse, ..., cruelle, dissolue, invocatrice des diables, apostate, schismatique, hérétique" .
Tout devient alors symbolique jusqu'à l'horreur même.
Le point de vue de Michel Tournier est certes fort intéressant mais je suis ressortie de ce livre avec une sensation de malaise. Je crois qu'il me faudrait lire d'autres biographies de celui qui fut le légendaire Barbe bleue pour que je puisse me faire une réelle opinion sur ce personnage.
Commenter  J’apprécie         432
Nous sommes à Chinon. Le 25 février 1429. Une jeune fille, Jeanne, de Domrémy, est venue chercher Charles, le Dauphin, pour bouter les Anglais hors de du pays. Les débuts militaires de Jeanne sont autant de succès : aidée de Gilles de Rais, son compagnon d’armes, elle libère Orléans. Elle écrase l’ennemi à Patay. Plusieurs villes se rallient au Dauphin. Le 17 juillet 1429, il est sacré roi de France (Charles VII) en la cathédrale Notre-Dame-de-Reims.
Gilles et Jeanne sont alors inséparables. Inséparables jusqu’à ce que Jeanne soit blessée devant Paris. Vient Compiègne… Jeanne est capturée. Elle mourra sur le bûcher, à Rouen, le 30 mai 1431…Après avoir crié trois fois Jésus, en présence de Gilles de Rais.
Il se retirera sur ses terres, et quand il réapparaît trois ans plus tard, il est méconnaissable. Il va découvrir le mal absolu et construire sa légende, celle de Barbe Bleue, celle de l'Ogre de Tiffauges, voleur, violeur et assassin d'enfants…
Il sera arrêté après avoir tenté d'étrangler un prêtre et devra répondre « de la triple inculpation de sorcellerie, sodomie et assassinat ». Condamné, le Seigneur de Tiffauges périra dans les flammes, et tel Jeanne criant trois fois Jésus, il criera trois fois Jeanne au moment où les flammes l’atteindront.
En décrivant les destins croisés de ces deux personnages mythiques, Michel Tournier fait cohabiter la sainteté et la monstruosité. On se pose évidemment la question, maintes fois répétée : comment Jeanne, la sainte, a-t-elle pu s’accoquiner avec un monstre tel que Gilles de Rais.
Il faut tout l’art de Michel Tournier pour nous apporter une réponse, certes très teintée Tournier, dans l’inversion maléfique qui lui est chère, mais c’est ce Tournier là, original, iconoclaste et parfois un peu déviant qui me touche.
Commenter  J’apprécie         180
- C'est donc cela votre science moderne qui se nourrit de sang et d'ordure ! C'est la part du diable qu'on réserve, comme on fait la part du feu. Toute science n'est pas bonne, prélat !
- Si ! Toute science est bonne ! L'ignorance, c'est le mal, purement et simplement.
- Il y a des secrets majestueux que leur dévoilement anéantirait le malheureux emporté par sa curiosité.
- Le savoir donne le pouvoir. L'esprit, s'il a la force de découvrir une vérité possède aussi la force de maîtriser cette vérité.
- Il y a des pouvoirs qui dépassent les capacités de l'être humain. Le pouvoir excessif rend fou. Qu'est-ce qu'un tyran ? C'est un souverain que son pouvoir a rendu fou.
- Parce que ce souverain était un ignorant. A chaque degré de pouvoir doit répondre un degré de connaissance. Ce qui est redoutable en effet, c'est un pouvoir illimité commandé par un esprit borné. Il n'est pas de violence et de crime qu'il ne faille craindre de mains vigoureuses au service d'une tête faible.
(au sujet de Gilles de Rais)
La mort de Jean de Craon, grand-père et tuteur de Gilles, survenue à Champtocé le 15 novembre 1432, le met à la tête d’une immense fortune et lui laisse le champ libre.
Les relations entre le vieillard et l’enfant étaient complexes, car si le vieux forban avait longtemps voulu voir un disciple trop timide dans son héritier, il découvrit peu à peu quelle pâle figure il faisait lui-même en regard des abîmes que hantait habituellement l’âme du jeune homme.
Il ne renonça pas cependant à vouloir le sermonner une dernière fois avec l’autorité que confère un lit d’agonie.
« C’est si émouvant, un enfant qui souffre ! C’est si beau un petit corps ensanglanté, soulevé par les soupirs et les râles de l’agonie. » (p. 48)
[...] je n'ai jamais tué personne sans que mon intérêt l'exige absolument. Tandis que ceux qui tuent pour des motifs désintéressés ! Pourquoi s'arrêteraient-ils ? La rapacité est mille fois moins meurtrière que le fanatisme. Ainsi donc ma rapacité va mettre d'immenses moyens au service de ton fanatisme.
(Jean de Craon à Gilles de Rais)
Tout avait commencé avec ces petits chanteurs qu'il fallait recruter et examiner pour la manécanterie de la collégiale. Peu à peu Gilles avait pris tant de goût à cette sorte de prospection qu'il la poursuivait au-delà des besoins de la collégiale, au-delà de toute mesure, allant jusqu'à renoncer aux plaisirs de la chasse -qui tenaient jadis tant de place dans sa vie- pour ne plus courir que ce gibier-là, si particulier et si délicieux. Et comme il était puissant, et puissamment servi, il avait eu vite autour de lui une poignée de rabatteurs et d'hommes de main qui sillonnaient les bois et les campagnes. Des récits fantastiques couraient de bouche à oreille. Des scène noires et cruelles s'inscrivaient avec force de légende dans l'imagerie populaire.
Enseignante à l'Institut Universitaire Tous Âge d'Amiens, Micheline Foré avait invité Michel Tournier à présenter une conférence dans ce lieu.
En raison de problèmes de santé, celui-ci lui proposa plutôt une rencontre chez lui au Presbytère de Choisel. S'en suivirent des échanges amicaux entre l'écrivain et l'enseignante.
Leur rencontre eut lieu en mai 2008 en compagnie de sa fille Blandine et de deux amis, Françoise et Jean-Claude Leleux qui filma l?entretien.
La librairie du Labyrinthe les remercie tous de lui avoir confié ces images afin de les monter et de les diffuser pour le plaisir de tous.
+ Lire la suite