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Critique de ChatDuCheshire


C'est un très beau roman, publié à une époque (années 70) où un auteur pouvait sans crainte aborder des sujets que l'on estimerait pour le moins difficiles voire scabreux aujourd'hui. Ainsi je ne sais dans quelle mesure l'intense proximité des jumeaux vrais atteint vraiment la dimension sexuelle ("la communion séminale" d'ailleurs non décrite précisément) évoquée ça et là dans le livre mais cette allusion choquera sans doute davantage aujourd'hui qu'à l'époque de sa publication originelle.
Jean et Paul donc sont de vrais jumeaux nés dans les années 30 dans une famille bretonne bourgeoise. Ils ont un oncle scandaleux, Alexandre, un homosexuel qui se trouva forcé de reprendre une entreprise familiale de collecte d'ordures, activité qui lui valut le sobriquet auto-attribué de "dandy des gadoues".
Les destins de Jean-Paul et d'Alexandre sont parallèles. "Ni avec toi ni sans toi" pourrait être l'un des sous-titres du livre tant il illustre le caractère tragique de l'être humain, individualiste invétéré qui ne peut pourtant vivre seul, à la recherche de cet Autre sublime en forme de miroir. Alexandre est en quête de l'amour absolu qu'il manquera de peu et de même le couple gémellaire se dissoudra d'une manière finalement pas totalement élucidée.
Les gens sont souvent fascinés et admiratifs des jumeaux vrais. En ce qui me concerne je les ai très tôt perçus comme des êtres souffrant d'une certaine aliénation, incapables de s'épanouir totalement, l'autre leur étant nécessaire dans une existence la plus parallèle possible mais celle-ci suscitant précisément le rejet de la part du jumeau, souvent celui qui est dominé par le "gardien du temple", qui cherche à s'en affranchir.
L'auteur tire un parallèle entre la gémellité vraie (les jumeaux étant alors nécessairement du même sexe) et l'homosexualité (l'homosexuel recherchant son double narcissique, quête qui, elle aussi, est vouée à l'échec, du moins dans une certaine mesure, l'autre n'étant jamais totalement pareil et lorsqu'il l'est, il suscite paradoxalement un sentiment qui est de l'ordre du désir de meurtre) et en fait ce livre m'a intéressée pour le regard posé sur l'homosexualité bien plus que que pour la description des (més)aventures de la paire de jumeaux. J'ai aimé le personnage d'Alexandre et compati à son destin tragique. Par contre je me suis beaucoup moins attachée à la paire Jean-Paul qui, justement, en tant que repliée sur elle-même semble exclure le lecteur de leurs échanges circulaires. Ensuite, lorsqu'il se retrouvent séparés lorsque Paul a fait échouer les projets de mariage de Jean, les précipitant dans une course à travers le monde, Tourmier choisit de nous faire emboîter le pas de Paul, le gardien du temple de la gémellité, à la poursuite de Jean aspirant à l'autonomie. Or Paul m'était de loin le moins sympathique de la paire. Quelque part je ne pouvais m'empêcher de me dire qu'il avait bien cherché le sort qui lui était réservé et j'aurais préféré suivre Jean, l'âme voyageuse...
Il m'a d'ailleurs semblé qu'à partir de la mort d'Alexandre, lorsque le livre s'est vraiment concentré exclusivement sur le destin de Jean-Paul, la dimension est devenue davantage poétique et symbolique que véritablement narrative. Heureusement car le style de Tourmier est magnifique, l'un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire, et le plaisir pur de lire a alors compensé le relatif manque d'empathie ressenti pour ses personnages.
J'ai beaucoup aimé, même si ce roman peu conventionnel ne plaira pas à "tout le monde"...
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