J’ai gardé de mon enfance une sorte d’émerveillement pour l’enfant des Ardennes qui, un jour, s’est mis en route vers l’Afrique. Les raisons qui me poussent à partir ne sont pas les siennes, je le sais. Mais depuis que j’ai lu les lettres de Rimbaud, je rêve de ces déserts des Somalies, brûlés de soleil, où les petits chevaux vous conduisent en piaffant vers des villes couleur de sable.
Il y a vingt ans, c’était une petite fille, toute noire, qui me volait mes figues. Aujourd’hui, elle a des quantités d’enfants autour de sa jupe, un beau corps épanoui, et elle monte chaque matin un pot de lait de chèvre, qu’elle a tenu à traire elle-même. En la regardant, je mesure le temps passé, et je pense à toi.
Aujourd’hui, il ne faut pas céder à l’impatience et aller au-devant de lui. Il faut attendre qu’il revienne. Elle ferme les yeux. Mais déjà elle sait qu’elle n’aura pas la force de rester seule.
Elle ne comprend toujours pas. Comme quelqu’un qui est sourd, qui croit déchiffrer au mouvement des lèvres ce que dit son interlocuteur, mais s’aperçoit qu’ils ne parlent pas la même langue.
Si le médecin dit que sa main est perdue, il ne pourra pas. Sans la musique, Ugo n’est plus Ugo. C’est comme s’il devenait sourd, aveugle, comme s’il ne pouvait plus parler.
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