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Cycle Marie Madeleine Marguerite... tome 2 sur 5
EAN : 9782707320957
184 pages
Editions de Minuit (17/09/2009)
3.51/5   350 notes
Résumé :
Pourquoi m'a-t-on offert un téléphone portable le jour même de mon arrivée en Chine ? Pour me localiser en permanence, surveiller mes déplacements et me garder à l'œil ? J'avais toujours su inconsciemment que ma peur du téléphone était liée à la mort - peut-être au sexe et à la mort - mais, jamais avant cette nuit de train entre Shanghai et Pékin, je n'allais en avoir l'aussi implacable confirmation.
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 350 notes
« Fuir » est le second volet du cycle de Marie. La chronologie est décousue puisque les événements qui vont être racontés précèdent d'une année la séparation qui est l'objet de l'opus précédent. Nous retrouvons un narrateur dont l'identité reste floue et qui va à nouveau être plongé dans des scènes où règne une grande confusion. Le récit baigne dans l'irréalité. Le narrateur est déphasé par un long voyage qui a engendré fatigue et décalage horaire, une mission dont le but n'est pas précisé, un pays exotique, la Chine, dont il ne maitrise ni la langue ni les usages, une ville noyée dans des brumes de pollution noirâtres et des interlocuteurs assez étranges.

Il y a de nombreuses analogies avec « Faire l'amour » : la construction tripartite du roman, l'utilisation de l'espace (la diagonale Tokyo/Kyoto est remplacée par celle de Shanghai/Pékin), le voyage en train, des gestes esquissés lourds d'intention qui ne sont parfois pas achevés, l'observation d'une mégalopole des baies vitrées d'un hôtel, une exposition d'art et parfois un mot obscène, incongru, vient briser la poésie du texte.

Et puis il y a le temps, si important dans les oeuvres de Toussaint. le temps parfois s'arrête, lors d'une conversation téléphonique chargée d'émotion, lors d'un jeu, ou lors d'un voyage. Et puis parfois, tout s'accélère brutalement, sans explication, notamment lors de la scène de la course-poursuite. Le narrateur a parfois le sentiment d'être hors du temps, en suspension, ce qui est un premier indice de fuite. Il y en aura d'autres tout au long du roman.

L'idée de fuite apparaitra sous différentes formes : il y le repli en soi, le fait de chercher à se dérober à un danger, l'écoulement du temps mais aussi l'abandon affectif.

L'espace est le thème corollaire au temps. Il y a d'abord l'explosion géographique du roman. Les scènes se déroulent en Chine (dans le 'vrai' pays et non dans les clichés touristiques) et simultanément à Paris, avant de se déplacer sur l'île d'Elbe. Le narrateur Le récit est en mouvement constant qu'il soit voulu ou imposé. Cela donne un texte énergique d'une grande densité.

Le roman est placé sous le signe de l'été. Cette saison se manifeste par la chaleur étouffante de la Chine à laquelle s'oppose l 'air sec et limpide de la Méditerranée.

Mais ce que je retiens surtout, c'est la beauté du style et la grande force de certaines scènes. L'auteur joue à merveille avec les lumières, qu'elles soient naturelles ou issues des néons d'une rue. Sa description d'un garage chinois, d'une autoroute ou de la côte méditerranéenne sont chargées de poésie. «Fuir » est un roman saisissant de maîtrise, stupéfiant de beauté, tout en mouvement, passion et intimité.
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Fuir transporte en Chine le lecteur avec un narrateur qui ouvre le bal par une interrogation « Serait-ce jamais fini avec Marie ? » Une question en suspens qui donne le ton. Une histoire d'amour contrariée. Il arrive en Chine à la demande de Marie et rencontre un homme énigmatique ainsi qu'une femme féline. Tous deux chinois, lui français, il se sent perdu, d'autant que la Chine bouillonne. Les rues étroites, les lumières aux néons agressifs et aux couleurs vertes ou mauves lui donnent le tournis. Plombé par la chaleur étouffante, il découvre une fourmilière en pleine activité, des buildings se construisent, les rues sont en travaux, l'avancée du futur contre la perte de l'ancien. Inquiet, il écoute et suit ce qu'on lui dit de faire. Une virée de Shanghai à Pékin ? D'accord. Un retour à cent à l'heure en moto, les sirène et feux rouges des gyrophares de la police aux fesses ? Il suit, sa main dans celle de Li Qi. Une entrée fracassante dans une brasserie, une partie de bowling, un enjeu fiévreux ? Pareil.. Il s'accroche. Puis un appel. Un appel qui sent la mort. Marie à Paris. Lui entre deux villes dans un train de nuit en Chine. Il l'écoute. Elle se perd. Elle se cogne dans le Louvre en cherchant sa respiration et la sortie, et lui trébuche dans le wagon et fixe son regard sur une porte vitrée fracassée où du sang commence à sécher. Il réalise. Temps de rentrer. le sachet caché. Marie seule. Il rentre. Mais pas en France. Non. Dans un havre de soleil où le calme sonne le repos. Celui de la mort et celui du ralentit. Il retrouve Marie sur l'île d'Elbe. Fuis encore une fois. Mais de l'église Marie va le chercher et le retrouver !
Un roman à l'ambiance bien marquée. On entre pleinement dans les terres de Chine tout comme dans celles d'Italie. L'écriture est fine, sensuelle, chaude et emporte le lecteur avec une aisance incroyable dans un tourbillon pour le suspendre dans un temps mort. C'est beau et limpide, tout en émotion. Les décrochages entre la vitesse chinoise et le calme italien sont très bien rendus. Je ne connaissais pas Jean-Philippe Toussaint et j'ai adoré.
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La présence de ce livre dans la liste établie par le journal le Monde des 100 meilleurs romans publiés depuis 1944 m'a incité à le lire. Très bonne pioche ! C'est assurément un excellent roman, plus complexe qu'il n'y paraît, révélateur d'une approche originale de la littérature par son auteur Jean-Philippe Toussaint. J'ai beaucoup à en dire et je vous présente mes excuses pour vous infliger une critique aussi longue. le roman fait partie de la quadrilogie consacrée à Marie, dont chaque élément peut se lire indépendamment des autres.


L'histoire racontée par le narrateur est en apparence très simple, digne des oeuvres du Nouveau Roman des années 50-60, et résonne d'échos avec des livres comme la Modification de Butor ou Hiroshima mon amour de Duras. Cet homme part en voyage à Shanghai où il retrouve Zhang, une relation d'affaire de sa compagne Marie. Là-bas il rencontre Li Qi, une Chinoise avec laquelle il entame une brève liaison amoureuse et qui l'invite à l'accompagner à Pékin. Au cours du voyage en train entre Shanghai et Pékin, il reçoit un appel de Marie qui lui annonce le décès de son père. le narrateur repart précipitamment en Europe, précisément pour l'île d'Elbe où ont lieu les funérailles. le roman se clôt au terme de la journée d'enterrement sur une scène nocturne d'étranges retrouvailles aquatiques entre le narrateur et Marie.


Bizarrement le roman est construit sur une double perspective. La première est la partie chinoise du récit dont le ‘point de fuite', si je reste dans l'analogie avec la peinture, serait Li Qi. A la fin du second chapitre, elle disparaît du roman, passagère sur une moto qui s'éloigne dans la nuit, en ne cessant de regarder le narrateur. La seconde perspective est la relation avec Marie, qui en est le ‘point de fuite'. La première est en fait mineure par rapport à la seconde. C'est la relation avec Marie qui est véritablement la ligne de force du roman, surtout si l'on garde à l'esprit que ‘Fuir' fait partie du cycle des romans de Marie. Les pérégrinations du narrateur en Chine sont presque des épiphénomènes, des évènements que le narrateur subit passivement, en étant essentiellement spectateur de ce qui se passe dans sa vie pendant son séjour là-bas (à l'exception peut-être de l'expression de son désir pour la Chinoise Li Qi).


J'ai parlé de perspective et de ligne de fuite, qui laissent penser que le roman est d'une grande clarté. En réalité, tout en étant très précis dans le rendu d'un certain nombre de détails, notamment sur des objets emblématiques de la technologie d'aujourd'hui comme le téléphone portable ou l'interrupteur à carte des chambres d'hôtel, Toussaint parsème son roman d'incertitudes. La première concerne la relation entre le narrateur et Marie, qui semble branchée sur courant alternatif. Certains signes laissent penser que ces deux-là s'aiment passionnément, d'autres que la fin est proche. Même si Marie est le personnage dont la psychologie est présentée de la façon la plus poussée, on ne sait pas réellement quelle est son activité : elle travaille dans la mode mais entreprend aussi des projets immobiliers. Zhang est un personnage ambigu et énigmatique dont le rôle est assurément trouble. Même chose pour Li Qi, qui parfois semble jouer avec le narrateur. D'ailleurs on ne sait pas bien ce qui a amené ce dernier en Chine.


Le roman est divisé en trois chapitres. Parlons tout d'abord de leurs points communs dans l'ouverture et la conclusion, comparables aux thèmes et variations dans une oeuvre musicale. Les trois chapitres s'ouvrent par une arrivée du narrateur dans un lieu dédié au transport de masse : l'aéroport de Shanghaï au début du livre, la gare de Pékin au début du 2ème chapitre et un port de l'île d'Elbe au début du dernier chapitre. Ils se concluent par trois scènes nocturnes chargées de tant d'émotion, car liées à la mort et à la séparation, qu'elles en deviennent, explicitement ou non, larmoyantes.


Les trois chapitres ont cependant un poids inégal dans l'histoire telle que je l'ai résumée plus haut. Dans mon résumé de l'histoire, je n'ai absolument rien mentionné de ce qui se passait dans le chapitre 2, qui est la partie pékinoise du roman. C'est significatif. Les évènements de ce chapitre sont en somme secondaires, ils font partie de la perspective mineure évoquée plus haut. Ce chapitre 2 est celui qui a par contre l'aspect documentaire le plus marqué. On y voit une Chine aux multiples visages: moderne et industrieuse aves ses autoroutes embouteillées et ses zones industrielles, traditionnelle avec ses temples, encore arriérée avec ses petites rues encombrées de poules et encore communiste avec le portrait géant de Mao et la surveillance policière ou militaire. Toussaint est visiblement intéressé par ce pays et sa transformation. En plusieurs occasions, des chantiers de construction ou des scènes de travaux apparaissent dans le récit, ce qui tranche avec le caractère beaucoup plus figé de l'Europe.


Le premier chapitre, comprenant les volets ‘Shanghai' et ‘voyage en train' du roman, couvre une durée relativement indéterminée, environ une à deux semaines, que le narrateur remplit de façon toute aussi indéterminée et qui sont ponctuées par le voyage en train vers Pékin. le chapitre 2 est le plus concentré dans le temps, couvrant en gros une journée depuis le matin jusqu'à la nuit. le chapitre 3 est lui aussi resserré, depuis l'arrivée du narrateur sur l'île en fin de matinée jusqu'à la fin du roman à la nuit tombée. Mais en réalité, Toussaint dilate la temporalité de cette partie par des retours en arrière qui évoquent la vie du père de Marie ou décrivent ce qui s'est passé entre les chapitres 2 et 3.


Le roman est marqué par le mouvement et ses possibles déclinaisons : la fuite, le voyage ou l'errance. Mais il est aussi marqué par l'incertitude. Quelle est la fuite évoquée par le titre ? Il s'agit peut-être du narrateur face à sa compagne Marie ? le narrateur précise d'entrée que son récit est situé l'été précédant la séparation des deux personnages. Sa courte aventure avec Li Qi indique un état de disponibilité pour une nouvelle relation amoureuse, pourtant contrariée par l'appel téléphonique impromptu de Marie annonçant la mort de son père, et achevée abruptement un peu plus tard. Une fois arrivé sur l'île d'Elbe pour assister aux obsèques du père de Marie, le narrateur ne reste que quelques instants dans l'église et s'enfuit… pour retrouver Marie plus tard en fin de journée.


Le titre fait aussi certainement référence à la scène du bowling de la banlieue de Pékin, duquel le narrateur, Zhang et Li Qi s'enfuient précipitamment. Cette scène est représentative de la façon dont Toussaint conçoit son livre. La fuite du bowling crée une accélération dans la narration un peu comme une accélération des pulsations cardiaques sans que le lecteur comprenne vraiment ce qui se passe. Il se retrouve plongé dans une ambiance de roman d'action mais il ne dispose pas des informations permettant de comprendre les raisons de la présence des personnages au bowling ni les circonstances exactes de la fuite. Quelques éléments fournis un peu plus tard par Toussaint laissent penser que cette fuite des trois personnages est liée à l'activité de Zhang dans le trafic de drogue. Mais c'est au lecteur de combler les trous dans les bribes d'informations disponibles pour imaginer l'histoire complète comme c'est également le cas devant la description d'une porte du train, cassée et ensanglantée. Une autre scène, très courte, au début du roman est semblable, par la description d'un mouvement d'accélération inexpliqué. Elle a pour cadre la gare de Shanghai. le narrateur vient de retrouver Zhang et Li Qi pour partir à Pékin. Mais soudain ils se mettent à courir pour on ne sait quelle raison. Un peu plus loin, le lecteur comprend que les trois personnages n'avaient probablement pas de billets et que le temps pressait pour en acheter !


Le voyage est emblématique du mouvement. Dans un très beau passage, Toussaint décrit cet état de transition propre au voyage : un corps en mouvement mais un esprit déjà fixé sur le point d'arrivée ou encore attaché au point de départ.


Toussaint joue donc beaucoup sur les changements de rythme dans les mouvements de ses personnages, alternant entre phase d'accélération et phases de lenteur. La scène la plus emblématique de la lenteur est celle où Marie mène le convoi funéraire de son père, montée sur cheval avançant au pas sur une quatre voie de l'île d'Elbe. Toussaint crée également de la modulation dans le rythme du roman qui peut apparaître parfois comme vide et en apesanteur, subtil dans son ambition de rendre compte de l'indicible et du non-explicite, mais qui peut soudain renfermer une tension qui capte le lecteur par un mode plus direct. Je pense ici par exemple à la scène érotique du train où le narrateur et Li Qi se sont enfermés dans les toilettes mais sont interrompus dans leurs ébats par des incidents imprévus.


Toussaint introduit également une rupture dans le récit du narrateur. A deux reprises en effet, le récit rend compte de faits auxquels le narrateur n'assiste pas. C'est particulièrement flagrant lorsque ce dernier raconte l'après-midi de Marie partie à sa recherche après qu'il a quitté l'église où se déroulent les obsèques du père. Dans ce passage, il y a en quelque sorte confusion du rôle du narrateur et de celui de Marie.


Avant de conclure, je voudrais encore mentionner les aspects loufoques ou poétiques. Loufoque quand par exemple, l'accent de Zhang fait qu'on entend ‘Fuck' lorsqu'il dit ‘Forget' ou encore quand il est question des robes en sorbet qu'a créées Marie pour un défilé de mode. Poétique dans une très belle scène où un Chinois salue le narrateur, la tête dans l'aquarium qu'il est en train de réparer.


N'oublions pas enfin d'évoquer la cinéphilie de Toussaint. Les scènes du roman sont des images animées. Toussaint a dû glisser des références au cinéma dans son livre. J'en ai trouvé au moins une : la maison de couture de Marie ‘Allons-Y Alons-o' est une citation de Pierrot le fou de JL Godard.


Si un lecteur est parvenu indemne au bout de ce long commentaire, il aura compris toute la richesse de ce roman aux multiples facettes. Quant à moi, je rajoute les autres romans de JP Toussaint dans la liste de mes prochaines lectures.
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Fascinant univers que celui-ci!. Un homme, le ,narrateur, atterrit à Shanghai. Il est accueilli à l'aéroport par Zhang Xiangzhi le contact chinois de sa compagne Marie, un personnage énigmatique, taiseux, parlant peu et très mal anglais. Première surprise, premier cadeau un téléphone portable ! Pourquoi ? ...
Bientôt apparait Li Qi une ravissante jeune femme ..et un départ inopiné pour Pékin. Pékin où tout peut arriver !
Je découvre avec FuirJean-Philippe Toussaint, Cet auteur est aussi cinéaste et cela se ressent dans le rythme et le phrasé de ses phrases, la lumière est omniprésente et les images sont là tangibles à chaque page.
Une plongée dans la Chine contemporaine bien loin des images "carte-postales" habituelles, une fuite éperdue dans les rues de Pékin , la chaleur lourde, humide , poussiéreuse et polluée contre-balancée par la chaleur sèche et odorante d'un paysage méditerranéen ...
Une belle découverte vraiment.
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Fuir
Fuir (collection double des EDM) est donc le second livre d'une série de quatre dont je n'ai pas lu le premier et cela n'est pas si frustrant puisque les aventures du « narrateur » et de Marie Madeleine de Montalte ne sont pas à ce point palpitantes qu'on se précipiterait chez son libraire pour lui arracher « faire l'amour » (le N°1).
Pas plus d'ailleurs je ne lirai le 3 ou le 4 (« Nue » sur tous les présentoirs). Non pas que je n'aime pas ce livre. Je l'aime un peu. Mais c'est son appartenance appuyée (tout y est) au « Nouveau roman » (associé à Robbe Grillet et aux éditions de minuit dont il fut conseiller éditorial) avec les effets connexes que Jean Philippe Toussaint nous décrit dans un épilogue inutile en forme de conversation avec son éditeur chinois (Cela figurait-il dans l'éditions originale qui reçut le prix Médicis en2005 ?).
Le procédé narratif semble parfois tellement calqué – daté - qu'on se retrouve 50 ans en arrière, Marie qui court dans le musée du Louvre comme Agnés (Françoise Dorléac) dans le musée de l'homme (…de Rio) .
Ceci posé, ce roman ne raconte pas grand-chose :trois évènements qui auraient marqué l'auteur à diverses périodes de sa vie sont accrochés sans chronologie réelle et cet assemblage a des qualités évidentes. Opposer la fraîcheur de l'île d'Elbe à la touffeur de Pékin fonctionne bien. Il y a des noms de plantes, des descriptions alanguies qu'on pourrait trouver dans Salambô et il y aussi Marie qui « envoie un coup de chatte dans la gueule » du narrateur parce que… Parce que dans les années 70 c'était comme ça (croyez-moi, dans « les chiens de pailles » de Sam Peckinpah presque contemporain de « glissements progressif du plaisir d'Alain R.G. réalisateur – ce qu'est aussi Toussaint – la violence atteint des niveaux que les pires « gores » d'aujourd'hui n'arrivent pas à égaler).
Donc un « coup de chatte dans la gueule » fait encore partie du procédé narratif. Il faut donc lire ce livre comme une recette gourmande.Ça n'en fait pas un chef d'oeuvre pour autant
Nouveau roman donc, mais pour quelle nouvelle vague ?
Ecrire c'est fuir ? s'interroge l'auteur. Non sûrement pas. Ecrire c'est "ne pas vivre". Et "vivre" était le titre initial de ce bouquin.Tout est là.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Le restaurant dans lequel nous conduisit Zhang Xiangzhi, à quelques rues de l'hôtel, au coeur d'une avenue passante et embouteillée, n'avait rien de chinois (il l'était, et ne cherchait nullement à le paraître davantage). Les murs étaient blancs sans décoration ni breloques, laques ni palenquins, il y avait quelques tables rondes dans la vaste salle à manger qui s'étageait sur deux niveaux. Un jeune type en pantalon noir et chemise blanche, les manches retroussées, accueillit Zhang Xiangzhi à l'entrée, et nous guida vers une grande table ronde de la mezzanine, où il nous fit asseoir. J'avais pris place à côté de Li Qi et je laissais traîner le regard sur un grand aquarium vide, qui venait d'être vidangé. Les poissons, provisoirement transvasés dans une rangée de seaux en plastique qui reposaient sur une table voisine tournaient en rond dans les récipients jaunes en faisant des vaguellettes avec un faible bruit de clapotement. On pouvait suivre leurs trajectoires en transparence à travers les parois crème des seaux. L'aquarium, vide et asséché, dans lequel étaient enroulés des tuyaux d'arrosage, reposait sur une sorte d'amoire coffrée largement ouverte, dans laquelle apparaissaient une bombonne de gaz et un dédale de tuyaux rouillés entre les coudes desquels s'activait la silhouette singulièrement contorsionnée d'un homme accroupi, la tête dans les épaules, et les bras dans les tuyaux, qui s'escrimait à fixer, ou desceller, quelque chose avec un tournevis. Le type, sous l'aquarium, que je continuais d'observer distraitement pendant que Zhang Xiangzhi passait commande en consultant la carte, dévissa encore quelques boulons au-dessus de sa tête et, délivrant un ultime cran de sûreté, parvint finalement à soulever la trappe à deux mains, avec précaution, et sa tête apparut dans l'aquarium, soucieuse et contrariée (il inclina même les yeux à mon adresse pour me saluer quand nos regards se croisèrent).
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Le restaurant dans lequel nous conduisit Zhang Xiangzhi, à quelques rues de l'hôtel, au coeur d'une avenue passante et embouteillée, n'avait rien de chinois (il l'était, et ne cherchait nullement à le paraître davantage). Les murs étaient blancs sans décoration ni breloques, laques ni palenquins, il y avait quelques tables rondes dans la vaste salle à manger qui s'étageait sur deux niveaux. Un jeune type en pantalon noir et chemise blanche, les manches retroussées, accueillit Zhang Xiangzhi à l'entrée, et nous guida vers une grande table ronde de la mezzanine, où il nous fit asseoir. J'avais pris place à côté de Li Qi et je laissais traîner le regard sur un grand aquarium vide, qui venait d'être vidangé. Les poissons, provisoirement transvasés dans une rangée de seaux en plastique qui reposaient sur une table voisine tournaient en rond dans les récipients jaunes en faisant des vaguellettes avec un faible bruit de clapotement. On pouvait suivre leurs trajectoires en transparence à travers les parois crème des seaux. L'aquarium, vide et asséché, dans lequel étaient enroulés des tuyaux d'arrosage, reposait sur une sorte d'amoire coffrée largement ouverte, dans laquelle apparaissaient une bombonne de gaz et un dédale de tuyaux rouillés entre les coudes desquels s'activait la silhouette singulièrement contorsionnée d'un homme accroupi, la tête dans les épaules, et les bras dans les tuyaux, qui s'escrimait à fixer, ou desceller, quelque chose avec un tournevis. Le type, sous l'aquarium, que je continuais d'observer distraitement pendant que Zhang Xiangzhi passait commande en consultant la carte, dévissa encore quelques boulons au-dessus de sa tête et, délivrant un ultime cran de sûreté, parvint finalement à soulever la trappe à deux mains, avec précaution, et sa tête apparut dans l'aquarium, soucieuse et contrariée (il inclina même les yeux à mon adresse pour me saluer quand nos regards se croisèrent).
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Il vivait seul, retiré, avec ses chevaux, le jardin, un peu de pêche sous-marine, des promenades solitaires et une remarquable bibliothèque d’histoire de l’art et de philosophie, conservant un lien de plus en plus ténu avec le monde et cultivant sans ostentation une misanthropie tempérée, ayant fini par se convaincre que, moins on a de relations avec les hommes, meilleures elles sont.
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Depuis que je jouais, j’étais transporté dans un autre monde, un monde abstrait, intérieur et mental, où les arêtes du monde extérieur semblaient émoussées, les souffrances évanouies. Peu à peu s’était tu autour de moi le turbulent vacarme de la salle, le tumulte de la musique et la vaine agitation des joueurs. J’étais seul sur la piste, ma boule à la main, le regard fixé sur l’unique objectif du moment, ce seul endroit du monde et ce seul instant du temps qui comptaient pour moi désormais, à l’exclusion de tout autre, passé ou à venir, (...).
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Nous nous faufilions entre les véhicules pour glisser le long de ronds-points embouteillés et accélérions encore, suivions à toute allure, le visage au vent, d’interminables lignes droites bordées de blocs d’habitation en mauvais carrelage blanc, parfois de simple béton brut, couleur sablée ou vieux plâtre, centres administratifs et bâtiments officiels sur lesquels veillaient des militaires en faction, quand je vis soudain apparaître sur ma gauche le monumental portrait de Mao au-dessus de l’entrée de la Cité interdite, et, fugitivement, dans le même mouvement fuyant de la moto qui nous emportait, les fameuses enceintes roses du Palais impérial que nous étions en train de longer, en même temps que Zhang Xiangzhi, devant moi, qui continuait de conduire la moto sans ralentir, lâchait un instant le guidon pour m’indiquer l’édifice du bras en me criant : Gugong, Gugong !, tout en levant le pouce en l'air dans le vent pour témoigner sans doute en quelle haute estime il tenait le monument (et m'en conseiller par là même, en quelque sorte, implicitement, la visite), et que moi-même, cramponné à son dos et la vue gênée par un vieil autobus vert et jaune qui était en train de nous dépasser, je me retournais pour apercevoir une dernière fois l'enfilade de toits en pagode de la Cité interdite qui disparaissait déjà au loin (ainsi fut-il ce jour-là de ma visite de la Cité interdite: j'eus à peine le temps de reconnaître que nous l'avions déjà dépassée).
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