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EAN : 9782889600151
340 pages
La Baconniere (18/10/2019)
3.62/5   4 notes
Résumé :
Les Choses, les gens sont deux séries de proses brèves qui font suite à Les Bêtes publiés en français dans la collection Biophilia chez José Corti en 2011. Les Choses se composent de 167 courtes proses ; des observations du poète qui se définit en évoquant les habitations de Sienne et de Florence, quelques objets et surtout la nature environnante. Ces fragments explorent l’immédiateté de la relation du narrateur entre l’extérieur et l’intérieur et sa lutte contre l’... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Si vous n'avez pas le temps de lire cet avis, contentez vous de l'expression de mon énorme gratitude envers l'éditeur La Baconnière (de Genève) pour la publication de cette première traduction française*, et abordez par vous-même au plus vite Federigo Tozzi. Merci à l'éditeur et à masse critique de m'avoir permis cette découverte :
comme vous probablement, j'ignorais jusqu'au nom de cet auteur Italien mort très jeune en 1920, connu d'abord surtout comme poète et journaliste, puis redécouvert et admiré à partir des années 1960. Ce recueil posthume se compose de deux parties (Les Choses, Les Gens), qui font suite à un premier volume de courts poèmes en prose paru en 1917 : Les Bêtes.

Commenter la poésie m'a toujours paru risqué et difficile, mon avis est peu stable et souvent peu clair. Permettez-moi de commencer par la fin : Les Gens est d'un abord plutôt facile. Il s'agit le plus souvent de portraits ou de courts récits à propos de personnes souvent campagnardes, simples, pauvres ou presque. Les premiers textes, d'une page ou deux, prennent le temps d'une description physique ou psychologique des Gens ; que le narrateur dise « je » ou qu'il se tienne à distance, il nous transmet son empathie pour ces personnages qu'il nous rend immédiatement présents et vivants. Les derniers textes, plus courts, ressemblent plus à ceux de la première partie : impressions fugitives, haïkus, et esquissent peut-être, par leur suite sans cohérence immédiatement apparente, le portrait torturé de l'auteur.

Torturé ? Je dirais au moins que le narrateur propose parfois des visions surréalistes, qui ont pu me rappeler L'homme est un grand faisan sur terre de Herta Müller. Au dos du livre éclate cette citation de Giorgio Manganelli « L'oeuvre de Federigo Tozzi est à mi-chemin de la ville de Sienne et de la névrose. » Me fiant à mes impressions sur ce volume seulement, j'aurais dit : à mi-chemin de Rome et de la psychose.

La première partie comporte des textes de quelques lignes à une page environ. Beaucoup de visions de la campagne (Siennoise, peut-être), mais aussi d'horizons romains. Il y a de purs moments de poésie, des impressions qui m'évoquent des haïkus, des réflexions de poète exilé loin de la ville comme dans Platero et moi de Juan Ramón Jiménez, des images simples mais aussi des analyses de sentiments d'une délicatesse proustienne. C'est dans la notice italienne de Tozzi sur Wikipedia que j'ai trouvé ce qui est mon sentiment dominant : « Tozzi utilise les formes traditionnelles du réalisme uniquement pour exprimer sa vision particulière de la réalité qui tourne autour de l'inaptitude comme une incapacité de l'individu à résister aux nouvelles exigences de la vie. » Inaptitude, désenchantement, mais aussi volonté de se fondre dans la nature, dans les choses peut-être. Certains textes sont d'une grande complexité en quelques lignes, j'ai souvent dû y revenir, parfois dubitatif, presque toujours admiratif.

La belle postface de Philippe di Meo donne beaucoup de pistes savantes, il parle de l'unité stylistique de l'oeuvre, qui ne m'est apparue qu'a posteriori. Lisez-là, mais auparavant laissez-vous emporter : c'est, après le Spleen de Paris, un des livres de poésie en prose qui m'ont le plus ému.

*C'est encore José Corti qui a fait découvrir Tozzi au public français en publiant Les Bêtes en 2011, déjà dans une traduction de Philippe di Meo.
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C'est un moment fragile cristallisant l'instant, la prose fige l'incommensurable du monde qui nous pénètre de sa grandeur, la finesse d'une Nature en mouvement caresse l'être fragile que Federigo Tozzi emprisonne dans ces petits fragments. Nous entrons en résonance avec ce style prosaïque éphémère, de ce jeune italien livrant ses émotions, ses humeurs dans ce triptyque débutant avec Les bêtes, s'ensuit pour ce petit cycle Les choses et Les gens pour parfaire ce petit univers selon Federigo Tozzi. Ce microcosme traduit et postfacé par Philippe di Meo se retrouve dans cette masse critique pour rencontrer mes humeurs vagabondes et percer mon être de cette sensibilité trouble.
Federigo Tozzi est un auteur Italien du début du siècle, d'une vie brève, emporté par la grippe espagnole à l'âge de 37 ans. Né à Sienne en 1883, d'une famille bourgeoise, tourmenté par la mort prématurée de sa mère et torturé de son conflit avec un père autoritaire. Il publie Les yeux fermés en 1919, une oeuvre d'inspiration autobiographique, très réaliste, oublié, cet auteur proche de Svevo, Pirandello et D'Annunzio, est désormais considéré comme l'un des narrateurs les plus importants de ce XXe siècle. Ces deux livres seront édités à titre posthume dans les années 80, réédité dernièrement, pour le plaisir de révéler la puissance extatique, la passion poétique de cet Italien perdu dans les atermoiements du temps.
Ce double livre est composé pour Les choses de 167 poussières du temps, constellant les étoiles de l'univers qui se façonne devant l'âme de notre auteur, et pour Les gens de 70 tableaux respirant une prose plus scénarisée, des petites scènes animées, le petit théâtre de ce monde qu'il capture d'une unicité éphémère, une fragilité du temps qu'il emprisonne dans des moments fugaces, des mosaïques minimalistes exultant la brièveté des émotions, catalysant la source même des humeurs face à ce monde en mouvement.
Le style de ce livre est vraiment surprenant par ces images déstructurées d'un puzzle, ne faisant pas écho l'une à l'autre, chaque fragment est un état d'âme, une humeur diverse, une émotion, un sentiment, une carte postale, un instant de vie de Federigo Tozzi. C'est comme un journal intime où notre Toscan noircit de son empreinte son âme dans le vestiaire que son regard aimante, il y a une nature omniprésente, ce monde respire sa chair, ondule son esprit, vibre ses émotions, distille ses humeurs, embrase ses sens, comprime ses doutes et ses peurs, délivre une écriture personnelle très intime, une lumière de son être venant éclairer le champ de sa réalité. L'interstice de ce royaume est le coeur de ses sentiments, ce mysticisme spirituel d'un panthéisme spinozisme est le miroir de ces émulsions intimes. Se perdre dans les profondeurs de ce livre c'est regarder le soleil se refléter dans le miroir d'un étang dévoilant le secret de la vie. Federigo Tozzi par ce morcèlement de ces écrits aspire le lecteur vers un vertige des sens, picorant au gré de ses humeurs ce lecteur savoure ses fragments comme une bulle d'air, aspiré par la vie de notre auteur, plus de 230 moments vies sous sa plume émotionnelle envoutante.
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L'écriture de Tozzi est assez unique. Intrigué par la présentation de l'éditeur, qui justement mettait l'accent sur ce renouvellement formel tenté par Tozzi dans sa trop courte carrière littéraire, j'ai postulé à Masse Critique pour découvrir ce livre et cet auteur par la même occasion !
Oh ! Plaisir ! Je le reçois quelques jours plus tard dans ma boite aux lettres !
Et me voilà donc devant vous, à vous dire ce que j'y ai trouvé:
De la beauté, des impressions, de la mélancolie, des descriptions sentimentales, intérieures de paysages, de gens, de situations: Tozzi tente de décrire les ressorts de certaines situations, de narrer par le dedans, par la perception des personnages ou des moments.
Ce qui fait la singularité de ses écrits, ce n'est pas tant cela que l'apparente hétérogénéité de tous ces extraits, disparates au possible, sans but ou sens précis mais qui en prennent un au fur et à mesure de la lecture.
Ces deux livres sont la suite inachevée des "Bêtes" publié du vivant de Federigo Tozzi, déjà sous la forme de fragments, il est donc normal qu'on y retrouve cette forme. Reste à savoir à quel point ceux-ci étaient achevés, bichonnés.
Néanmoins, on y trouve sans conteste une plume d'auteur affirmée, novatrice, intéressante.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Les choses, 113
Je ne me souviens même pas quelle saveur ont les pleurs et je comprends les bigotes qui passent leurs journées dans les églises, sur des planchers de brique rouge. Lorsque le soleil s'éloigne comme un son de guitares trop fluet, mon âme sourit ; enveloppée dans la volupté apportée par la soirée. Et toute ombre ressemble à une lettre d'amour, qu'on va relire ; tandis que mes yeux commencent à voir les traquenards de la beauté ; et c'est pourquoi je ne crois plus à rien.
Et je ne me fie même pas de la douce herbe verte, qui a le tort de ne pas sentir comme moi ce frisson qui mêle ma naissance à ma mort. Je suis furieux de vivre, et voudrais ne pas être né. Et pour me calmer, j'entre dans une église pour regarder un énorme cierge allumé au plus haut d'un autel.
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Les choses…


Deux amants avaient gravé leurs initiales sur l'écorce d'un arbre.

Et, grossissant, l'arbre rendait leurs initiales toujours plus visibles, toujours plus grandes.

Mais ils ne s'aimaient plus, et tout leur amour était resté sur l'arbre.

(Fragment 72)


//traduit de l’italien par Philippe di Meo (Merci à Coco4649 de me rappeler de le citer)
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Et je ne voulais pas bouger, parce que mon ombre m'emboîtait le pas. Mais, voyant en contrebas le vent qui allait passer à travers un champ pour le sillonner come un râteau, je riais.
Et je pensais que j'étais moi-même le vent ; avec cette envie que j'avais de plaisanter.

Les choses, 68
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[Les gens, 29]
Dans ses cheveux, dans ses yeux, il y avait toutes les couleurs, comme dans l'air printanier ; lorsque nos sensations ont une limpidité transparente.
Au reste, elle me parlait comme si je vivais dans un temps futur, comme si je l'avais connue trop tôt.
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Les choses…


Entre les étoiles et nous, il y a une amitié qui, lorsque nous nous en apercevons, paraît se rapprocher de Dieu. Alors, notre âme s'ouvre à toute l'immensité de l'univers, et les choses les plus lointaines sont également plus intimes que les plus proches. À l'évidence, les montagnes sont également là pour nous tenir compagnie ; et nous en éprouvons une violente émotion. Il semble aussi que, pour parcourir son chemin, le printemps traverse le milieu de notre âme et que ses ombres elles-mêmes sont douces. Si, au contraire, à certaines heures, nos yeux se fermaient et que nous ne voyions plus rien, nous serions assaillis par on ne sait quelle peur ; car notre âme a besoin de tout ; et il est des états d'âme qui ne sont constitués ni par des pensées ni par des rêves, mais par des choses mystérieuses, dont la sensation indéfinissable seule nous parvient. Nous avons en nous une existence faite de musiques silencieuses qui donnent à nos mots la sonorité de notre humanité individuelle ; de la même façon, chaque chose possède une voix qui découle de sa matière et de ses formes.

(Fragment 1)

//traduit de l’italien par Philippe di Meo
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