Au rebours de son neveu, mon oncle Tom sait tout ce qu'on apprend dans les livres, rien de ce qu'on apprend dans la rue. Aussi croit-il à la science plus qu'aux choses mêmes.
Sur bien des choses, vaut mieux s'ignorer soi-même. Certains, à se connaître mieux, deviendraient pires.
Oui, la flânerie est chose nécessaire au moins une fois dans la vie, mais surtout à dix-huit ans au sortir des écoles. C"est là que se ravive l'âme desséchée sur les bouquins; elle fait halte pour se reconnaître; elle finit sa vie d'emprunt pour commencer la sienne propre. Ainsi un été entier passé dans cet état ne me paraît pas de trop dans une éducation soignée. Il est probable même qu'un seul été ne suffirait point à faire un grand homme: Socrate flâna au fil des années; Rousseau jusqu'à quarante ans; La Fontaine toute sa vie.
Et cependant je n'ai vu ce précepte consigné nulle part dans aucun ouvrage d'éducation.
A votre age, faire des serments, cela est permis; déchirer ces serments, cela est permis.
Il y a dans le cerveau beaucoup de ces pensées honteuses qui se cachent par pudeur, qui se taisent crainte de se faire honnir, qui parfois, venant à surgir hors de leur cachette, font circuler la rougeur sur les fronts honnêtes.
Le duc, en cela, avait suivi la maxime de Socrate, qui exhorte l’homme à regarder dans son cerveau. Ѓυώϋτ αιαντόν (c’est du grec) ne signifie pas autre chose. Pour moi, je doute fort s’il y a beaucoup à gagner dans cette habituelle contemplation. Sur bien des choses, vaut mieux s’ignorer soi-même. Certains, à se connaître mieux, deviendraient pires. Tel, voyant son champ ingrat au bon grain, prend l’idée de tirer parti des mauvaises herbes.