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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
« Je voudrais que le lecteur vive plus intensément. C'est ma mission ».

J'avais une appréhension avant d'entamer l'ouvrage de Tranströmer, j'imaginais un recueil « national geographic ».

Je ne voulais pas d'un poète « naïf » qui se contente de me décrire les arbres et le ciel. Mais Tomas Tranströmer est un écrivain bien plus sinueux et sibyllin qu'il n'y parait. Sa poésie n'est pas béate devant le monde qui l'entoure, de métaphores en paraboles, d'élégies en haikus, elle tente d'exprimer et rapprocher entre elles ces choses « qu'on ne peut écrire ni passer sous silence. »

“nous avions accepté de montrer nos foyers
le visiteur a pensé : vous vivez bien
les taudis sont dans vos âmes.”

“Devient une marche d'escalier pour celui qui va suivre”. le recueil compile les oeuvres complètes du Prix Nobel de Littérature depuis les années cinquante jusqu'à son dernier recueil en 2004. On remarque une évolution entre les premiers poèmes, convoquant ses pérégrinations, ses angoisses et ses espoirs, et le style très épuré, dépouillé et court de ses derniers poèmes, avec l'introduction de haïkus (courts poèmes japonais) qui correspondent à la dernière partie de sa vie, après l'attaque qui le laissa paralysé et incapable de parler ; mais pas d'écrire, « en moi le temps s'est arrêté, un temps sans fin, le temps qu'il faut pour oublier toutes les langues. »

La peur d'oublier, les souvenirs de la maison, cette maison de bois rougeoyante au milieu de la symphonie du vent qui s'engouffre entre les conifères enneigés. La maison, notamment celle de l'enfance est un livre de souvenirs, il suffit d'y mettre à nouveau les pieds pour que chaque vase, chaque table basse, chaque angle de pièce nous ramène en arrière et fasse renaître un souvenir qu'on croyait perdu :

“J'ai la main sur la poignée de la porte, je prends
le pouls de la maison.
les murs ont tant de vie. »

On note un jeu de brouille entre animé/inanimé, à renfort de personnifications. Cependant, visiter le musée de nos souvenirs n'est pas sans amertume, on risque l'abîme du regret à chaque instant, comme ces « jouets de notre enfance (...) qui nous accusent de ce que jamais nous ne sommes devenus. » Seule échappatoire pour un passé si lourd à porter : écrire ; car “ceux qui savent écrire oublient. Noter pour oublier.”

Autour de la maison : la nature. le poète scandinave nous dicte (« dikt » veut dire poème en suédois) non pas seulement la beauté, mais la communion avec la nature que l'on peut ressentir dans le nord de la Suède (pléonasme ?) mais aussi partout ailleurs, on sent monter une émotion nouée dans la gorge, au chaud sous son écharpe, un ahurissement face à l'immensité, une humilité face au mystère et une angoisse face à l'impuissance de la nature à apporter sa rédemption à la condition humaine.

« un arbre marche sous la pluie,
il a une mission. Il soutire la vie à la pluie. »

La nature est refuge, pour s'extraire du monde peut-être, mais aussi parce qu'elle sait nous consoler, que ce soit les plages pour certains, les montagnes, la plaine, la forêt, nous avons chacun notre bout de terre-refuge :

“Cet étonnement toujours aussi immense
quand l'île me tend la main
et me tire de ma tristesse. »

« La lune du temps libre gravite autour de la planète Travail de toute sa masse et de tout son poids”. de même que chez le poète italien Cesare Pavese, auteur de « Travailler. Fatigue » on retrouve chez le poète de Stockholm cette spiritualité de la nature et cette impossibilité d'en jouir, à cause du travail notamment :

“Au beau milieu du travail
nous rêvons violemment de verdure sauvage
de contrées désertiques, uniquement parcourues
par la civilisation ténue des fils du téléphone.”

« Nous bondîmes l'un vers l'autre le sol et moi ». L'intensité de la vie, on ne l'éprouve pas qu'au contact du monde extérieur, des aurores boréales insomniaques, du nez brûlé par le froid du blizzard, de la blancheur aveuglante des collines couvertes de givre qui nous déboussolent, on l'éprouve aussi en nous, dans nos blizzards intérieurs, la tempête « pose sa bouche sur notre âme ».

La mélancolie peut aussi céder le pas à un feu de joie, quand le soleil intense dans sa lumière fait étinceler le gel tel un diamant pur, quand la mer brise la glace en cristaux, quand les battements d'ailes des oiseaux drainent une poussière de neige, on veut en être, de cette nature excitée, en éveil, olfactive, impériale, sur une mélodie d'Edvard Grieg, « un chant si proche de nous ».

« Parfois ma vie ouvrait les yeux dans l'obscurité ». Pour vivre intensément, Tranströmer nous invite à nous déconcentrer, nous éparpiller :

« ce que je déteste l'expression à cent pour cent !
ceux qui jamais ne résident autre part que dans leur façade
ceux qui jamais ne sont distraits »

« Parfois il existe un abîme entre le mardi et le mercredi, mais vingt-six ans peuvent défiler en un instant.” Parce qu'il n'y a plus de temps à perdre, il ne tient désormais qu'à vous, doudoune et boots en main, de partir à la rencontre du poète suédois, d'entendre le bruit ouaté de la neige sous vos chaussures, d'admirer la calme et inquiétante opacité de la mer baltique, de lever la tête jusqu'au gris ciel, diapré de flocons ineffables, caressé par la cime des pins immortels et, cette question du poète pour son lecteur : “me suivrez-vous dans l'enfance ?”

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Je viens de parcourir ce recueil de poèmes.
Je ne sais pas pourquoi certaines poésies me transportent véritablement dans l'au-delà, me font oublier le cours de l'existence et d'autres me laissent quasiment insensibles. Peut-être est-ce du à la traduction, au images auxquelles je n'adhère pas ou péniblement. « Baltiques » est de ceux-là. Je reconnais bien tout ce qui pourrait me plaire, un certain romantisme, surréalisme, symbolisme, avec des métaphores oniriques, des références à la mort, aux mystères de la nature… Certains poèmes m'évoquent des plans de films de Bergman. Tout y est, pourtant mes sens ne s'éveillent pas à cette lecture ou très peu. Ce n'est peut-être pas le bon moment. Je réessaierai une prochaine fois car je sens que c'est de la très grande poésie.
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Après la lecture du récit « Les souvenirs m'observent », prose poétique autobiographique dans lequel Tomas Tranströmer, poète majeur de la Suède et Prix Nobel de Littérature 2011, relatait ses années d'enfance, nous pénétrons plus avant dans l'univers poétique de l'auteur avec « Baltiques », un recueil de poésie qui rassemble des poèmes et des textes poétiques publiés entre 1954 et 2004.

La poésie de Tomas Tranströmer est éminemment originale, sa voix singulière, son chant à nul autre pareil, une poésie dans laquelle on entre à petits pas, un peu troublé par l'utilisation si peu poétique d'objets techniques et usuels, saisi par le pouvoir de mots à la fois simples, sobres et concis mais s'ouvrant cependant sur un imaginaire dont les rivages ne sont pas toujours aisément abordables.

Il ne faut pas être étonné alors de découvrir au gré des rimes, des quais de gare, des trains, des chambres d'hôtel, des téléphones, des ascenseurs, des machineries de bateaux…une accumulation de choses très urbaines dont le poète se sert pour mieux les dévoyer et les détourner, afin de nous faire sortir du cadre du réel et, brusquement, nous faire accéder au monde de l'imaginaire.
Ainsi, chaque objet de la vie quotidienne est propice à une vision onirique.
Une tasse de café, un journal abandonné, un agenda, un arbre décharné….toutes ces choses auxquelles habituellement nous ne faisons plus attention et que nous ne regardons plus, le poète nous invite à les observer de nouveau avec attention car ils sont le lien, la frontière invisible entre rêve et réalité.

« Là-bas sur le terrain vague, non loin des immeubles / il y a depuis des mois déjà un journal oublié, truffé d'événements. / Il vieillit durant les nuits et les jours de soleil et de pluie / en passe de se muer en plante, en chou pommé, de s'unir à la terre. / Comme un souvenir qui peu à peu en nous se transforme. »

Poète de l'ordinaire et du quotidien parsemés d'éclats métaphoriques, Tomas Tranströmer offre une poésie de la sobriété, baignée d'allégorie et d'onirisme, la recherche de la langue dans ce qu'elle a de métaphysique, le mot décomposé et révélé dans ce qu'il possède d'infini et d'illimité, une quête d'absolu dans le dépouillement, la naissance de l'atemporel dans les marques du temps, la compréhension de la valeur de l'instant dans ce qu'il a à la fois d'éphémère et de suspendu, de fugace et d'éternel.

« Il y a un monde muet / il y a une fissure / où les morts passent la frontière / en cachette. »

Métissage entre le réel le plus tangible et le rêve le plus absolu, déploiement de descriptions très urbaines entrelacées à la quête d'un ailleurs, c'est une poésie qui tangue comme un grand bateau ivre, qui se perd dans des vagues tempétueuses pour rejoindre un pays de mythologies et de fables, une contrées de marins et de mers déchaînées, un territoire qui s'expose dans les beautés de la nature, au rythme des saisons, des longs hivers et des étés secs, et qui reflète l'instabilité et l'évanescence de toute vie sur terre.

« Il arrive au milieu de la vie que la mort vienne / prendre nos mesures. Cette visite / s'oublie et la vie continue. Mais le costume / se coud à notre insu. »

Une poésie moderne et symbolique, débordante d'authenticité, entre rêve et réalité.
Une lente et longue dérive au fil de la vie.

« On marche longtemps et on écoute et on arrive au moment où les frontières s'ouvrent ou plutôt, où tout devient frontière. »

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Cette anthologie des oeuvres poétiques de Tomas Transtromer, nous laisse pantois, tellement, les chemins de découvertes de sa poésie sont multiples, irréels, subjectifs souvent, réalistes, bruts, d'autres fois. Layon indéfinissable gavé de métaphores permanentes, néanmoins, si l'auteur ne s'embarque pas dans le sentier tortueux du surréalisme, il en côtoie les confins, mais toujours en y mettant un garde-fou, sous la forme d'une touche sensible, d'une émotion naturelle palpable, ou d'un instant criant de vérité. Sa poésie voyage aux quatre coins du monde, cependant, elle nous ramène le plus souvent en Scandinavie, au plus près d'une nature âpre où les éléments sont sans concessions avec les humains. Description poétique donnant lieu à de petites saynètes cocasses, baladant le lecteur dans un théâtre enchanteur onirique, embarquant l'âme dans les songes des légendes vikings. Pourtant, en y regardant avec acuité, on s'aperçoit que le poète aussi rêveur soit-il, a bien les pieds sur terre, s'immergeant avec lucidité dans les univers laborieux des marins, des ouvriers, des gens du quotidien, évoquant sur un ton naturaliste, ces mains, ces visages du monde au travers de ses pérégrinations. L'amour, la famille non plus, ne sont pas absents de la rhétorique de l'auteur, où les mots versifiés partagent avec une courte prose poétique des moments intimes d'une désarmante sincérité, offrant des scènes d'authenticité, où le poète s'efface pour devenir l'autobiographe d'un journal personnel.
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L'écologie en poésie ça donne des arbres qui jettent leurs branchages, ça donne une forêt en marche, ça rend compte d'une nature non pas angoissante mais rassurante car la nature n'est pas passive mais active dès lors qu'elle est personnifiée, animée, telle qu'elle l'est réellement par ses représentants : insectes, poètes, et autres animaux ... Et la neige de Stockholm laisse plus la plupart du temps dans la poésie au verdoiement, à la luxuriance, même lorsqu'on ne l'attend pas, et pourtant, les saisons sont et laissent place aux pierres réchauffées par la lune comme au soleil. Et le poète décrit aussi bien la nature suédoise que les villes d'ailleurs, Funchal, Lisbonne, mais encore les îles de Mélanésie ... En même temps, le poète voyage et "cet étonnement toujours aussi immense quand l'île me tend la main et me tire de ma tristesse" - "Au crépuscule, en été, on voit les îles décoller à l'horizon."

Mais ce mouvement vient de la tempête car " Une tempête plus sérieuse passe sur le monde. Elle pose la bouche sur notre âme et souffle pour donner le ton. Nous craignons qu'en soufflant, la tempête ne nous vide." et cette tempête, présente dès le début des oeuvres complètes, revient tel un leitmotiv non pas pour nous entraîner violemment, mais pour générer un courant électrique, par la force et par la puissance du courant poétique, où l'aérien se fait plus lourd, plus chargé de sens que dans les hautes sphères car la tempête s'abat sur terre ... Mais cette tempête est plus rassurante qu'inquiétante dans Baltiques, ce qui me laisse songeuse.
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On le connaît très peu en France. Cependant ses Oeuvres complètes ont été publiées avec une postface de Renaud Ego, critique d'art et de littérature, né en 1963, collaborateur à plusieurs revues, lui-même poète, romancier, essayiste français ayant séjourné au Japon, en Inde, en Afghanistan, où il a appris "la valeur de la distance et du dehors". Voici ce que je retiendrai de ce qu'il dit du Prix Nobel.
Tout d'abord,il faut se dire que l'oeuvre du poète est close depuis 1990, date de son accident vasculaire cérébral.
Lien : http://liratouva2.blogspot.c..
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Un peu de poésie n'a jamais fait de mal, même si ce n'est clairement pas mon genre préféré et que, hormis Rimbaud, Prévert, Eluard et Aragon, j'y suis relativement hermétique...
En toute honnêteté, si j'avais lu la 4ème de couverture, je n'aurais jamais emprunté ce bouquin (piocher sans regarder dans la médiathèque qui ne classe pas ses livres par genre, c'est parfois gonflant mais ça permet de sortir de ses sentiers battus aussi).
Alors autant les poèmes où je trouve les mots "lampe à pétrole", "industrie" ou "gazole", spontanément, je les saute, autant ceux qui disent quelque chose de la nature et des parfums du Nord, ils ont quelque chose qui me charme. Par exemple, l'un de ceux que j'ai préféré qui s'appelle "l'arbre et le firmament"...
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