C’est la pire chose qui puisse arriver à une mère, que de perdre ses enfants...
Le monde avait changé en si peu de temps, à peine un demi-siècle. C’était, à mon avis, à cause de ces deux grandes guerres qui avaient détruit des familles, rendu fous plus que sa part d’honnêtes gens et déluré les mœurs.
J’avais choisi cet homme. J’avais abandonné le nom de mon père pour le sien. Je me devais de lui obéir, pour le meilleur comme pour le pire. Il ne me restait qu’à espérer que le meilleur serait à venir.
Les garçons étant par nature plus difficiles à contenir, on fermait les yeux sur bien des frasques qui nous auraient valu l’enfer, à nous.
Nos jeunes n’ont pas été épargnés par le monde moderne. Ils ont dû s’exiler dans les villes pour gagner leur vie, comme la plupart des jeunes du village. Le poids de la distance est dur à porter.
On mange mieux quand on est entre bonnes gens, et on digère mieux quand on rit entre bonnes gens.
La fin des temps est pour bientôt et alors le bon grain sera séparé de l’ivraie, pour l’éternité !
L’histoire se répétait. Seuls les visages changeaient.
Nos politiciens étaient des êtres fourbes et menteurs. Ils ont voté une nouvelle conscription, ramenant la folie dans les comtés, causant d’irréparables dissensions dans les familles et provoquant un nouvel exode de la jeunesse dans la forêt.
Tous avaient en mémoire le Titanic, une pas si lointaine nuit d’avril 1912, encastré dans un iceberg. Et tous se souvenaient du naufrage de l’Empress of Ireland, deux ans plus tard. Le bateau de croisière avait été embouti par un charbonnier norvégien au large de Sainte-Luce-sur-Mer, dans le Bas-Saint-Laurent. Il avait sombré en quatorze minutes, entraînant avec lui plus de mille passagers et membres d’équipage.