Les années du silence, tome 6 : L'oasis

Quand j’étais enceinte, ma plus grande crainte était de mourir avant mon bébé. Si tu savais le nombre de fois où j’ai bâti des scénarios pitoyables d’enfants orphelins. C’était une vraie obsession. Aujourd’hui, c’est le contraire. J’ai l’impression que mon esprit a basculé quand elle est venue au monde et je n’arrête pas d’imaginer ce que je deviendrais s’il fallait que Laurence parte avant moi. C’est pour ça que je ne veux voir personne. J’ai tellement peur qu’elle attrape une grippe, un virus. S’il fallait qu’à cause de notre négligence… C’est pour ça aussi que je la garde avec moi tout le temps. J’ai l’impression que lorsqu’elle est dans mes bras, rien ne peut lui arriver. C’est ridicule, mais je n’y peux rien.

(...) désormais, je vis chaque moment comme s'il était le dernier. Laisse-moi te dire que notre perception de la vie prend une toute autre dimension quand on se met à penser que l'on pourrait mourir le mois prochain.

(...) je n'ai pas vraiment le choix. C'est comme sauter d'un deuxième étage. On ne le ferait jamais à moins d'avoir le feu au derrière!

On l’avait prévenu qu’une jeune mère était parfois difficile à vivre dans les premiers temps. Mais jamais il n’aurait pu imaginer que ce pouvait être pénible à ce point-là. Depuis des mois qu’il rêvait de tenir sa fille dans ses bras, qu’il attendait impatiemment le temps où, à son tour, il pourrait s’en occuper, et voilà que c’était à peine s’il pouvait s’en approcher !

Il est rare que Jérôme fasse obstacle aux intuitions de sa femme. Habituellement, quand elle juge, quand elle sent qu’elle doit agir, Jérôme lui fait confiance. Mais présentement, il est convaincu que ce serait forcer les choses et leur intimité que d’aller au-devant de François et Marie-Hélène. Ils n’ont pas besoin de cela pour l’instant.