Arnys & moi

J'ai beau être une femme, moi non plus je ne manquais pas d'admirer les vitrines de la boutique Arnys lorsque je passais rue de Sèvres. Hors de prix, des habits réservés à ceux qui avaient les moyens ou bien investissaient dans ces pièces uniques plutôt que dans des oeuvres d'art.
Le journaliste Philippe Trétiack fait de la marque une héroïne de récit - cela aurait pu être un roman. Récit d'une époque, d'une certaine vision de l'élégance et du style, mais également récit d'une famille, presque une dynastie, d'émigrés juifs venus de Pologne dont 3 générations habilleront le "tout Paris". Il retrace cette histoire, depuis l'implantation dans ce quartier improbable dans les années 30 alors uniquement garni de boutiques dédiées à la religion. Mais surtout, il interroge le succès visionnaire des membres de la famille Grimberg (ex Grünberg) à l'aune du parcours de sa propre famille, aux origines semblables mais au destin moins glorieux avec une incursion beaucoup plus discrète dans l'habillement de la part de sa mère à la tête d'une modeste boutique de vêtements féminins vers le Faubourg Saint-Antoine.
Son récit est bourré d'anecdotes et de mise en lumière du rapport que certains hommes bien connus entretenaient avec l'art vestimentaire et il nous offre un éclairage salutaire - lui qui officia longtemps comme reporter à ELLE - sur la façon d'avoir du style au masculin.
Bien plus qu'une boutique, Arnys était une sorte de club dont la fermeture il y a quelques années a rendu orphelins et inconsolables quelques aficionados.
Une lecture très plaisante.