Eldorado 51. Paraguay. le long de la Transchaco, au kilomètre 51 vivent Joseph, Ida, et leur fils Jean-Baptiste. A l'instar d'allemands, canadiens, mennonites, ils sont éleveurs. Mais les promesses d'une fortune et d'une expansion ne sont pas au rendez-vous. La désolation a pris place non seulement dans les terres, dans les finances, au coeur du cheptel mais surtout au sein de cette famille. Un père dont la raison s'en est allée, un fils rugueux, brut ; une brute. Une mère, Ida, qui essaye de sauver le peu qui lui reste alors que tout lui échappe.
........................................................................
J'ai aimé cette histoire grâce à l'auteur, qui, outre décrire merveilleusement bien la déliquescence de cette famille, de ce pays, rend compte de la dureté à vivre dans ces espaces stériles comme les bêtes qui les occupent, comme les coeurs des hommes. L'amour, l'empathie, semblent avoir été piétinés sous ces sabots.
Marc Trillard sait par ailleurs nous mener doucement mais fermement vers une tension et un suspense.
Ce roman est noir, amer et s'assombrit à un point que je n'aurais imaginé.
Amateurs de poussière, de grands espaces, d'espoirs, de ténacité, de violence qui sourd, croît, cette histoire est pour vous.
Un vrai coup de coeur.
Commenter  J’apprécie         80
Une sorte de "Voyage au bout de la nuit" sans répit, puissant, cruel. Je viens de refermer les pages de ce roman qui m'a énormément plu. Peut-être contrairement à d'autres lecteurs, j'ai l'habitude de rédiger mes critiques "à chaud" car je suis convaincu que le "parfum" qu'un livre nous laisse au moment de l'avoir fini est le plus fidèle. La mémoire nous joue des mauvais tours et les émotions s'estompent rapidement. C'est donc à vif que vous transmets mon ressenti. J'ai lu le roman en une journée, sans pouvoir le lâcher. Je voulais absolument connaître la fin de cette descente aux enfers de cette famille d'expatriés. Étant moi-même expatrié dans plusieurs pays, j'ai ressenti exactement les mêmes déceptions, le même sentiment de gâchis et d'anéantissement que la narratrice. La longueur du roman est parfaite...assez pour suivre cette débâcle familiale ainsi que les illusions de la narratrice sans détours inutiles. Plus de pages auraient peut-être rendue l'histoire moins puissante. Un livre fort et qui fait méditer sur la place que nous donnons dans nos vies à nos illusions et à nos projets...et qui finissent le plus souvent par se fracasser face aux mille et une forces contraires que nous ne pouvons pas maîtriser.
Commenter  J’apprécie         10
Rarement un roman ne donne à voir le fond de l'abyme. La narratrice décrit sans fard le cheminement vers le fond du désespoir. Désespoir de sa vie professionnelle (illusion de repartir “à zéroˮ à l'autre bout du monde, désenchantement du monde, des relations humaines, proches et lointaines, de ses collègues disséminés dans le vide sud-américain. L'auteur réussit à nous emmener et à faire partager les souffrances de sa narratrice sans tomber ni dans le glauque ni dans le sordide, un équilibrisme au bord du précipice avec vue sur l'enfer. Un grand roman que l'on pourrait ranger dans le registre “histoires moralesˮ, il me semble.
Commenter  J’apprécie         30
Sur les bas-côtés de la piste nous ramenant au kilomètre 51, on observe les traces du passage des farouches pionniers blancs du Chaco et des Asunceños qui bravent les esprits de la steppe lors de leurs week-ends de chasse : boîtes de bière, douilles de cartouche, paquets de cigarettes froissés, carcasses de mammifères touchés en pleine course. Ils baissent la vitre de leurs 4x4 climatisés, épaulent et tirent. Ils ne s'arrêtent que pour relever les pièces nobles, les grands carnassiers dont ils offriront le trophée car les murs de leurs propres demeures en sont assez pourvus.
La douleur reflue lentement, revient tout à coup, se retire pas à pas, resurgit de nouveau. La douleur n'est pas la souffrance. La douleur hurle quand la souffrance parle.
Marc Trillard: "Mami c'est 'maman' et wata c'est 'water' - autrement dit les sirènes..."
Marc Trillard présente "Les mamiwatas" - paru dans la collection "Domaine français" le 17 août 2011 www.actes-sud.fr